≪ Dilemme ≫
Enfin, de deux choses, l'une mon cher : ou bien votre pharmacie est moderne et ne peut avoir ete fondee en 1705 ou bien elle a ete reellement fondee a cette epoque et ne peut pretendre a etre moderne. Je vous enferme dans ce dilemme
.
En
logique
, un
dilemme
(du
grec ancien
:
δ?λημμα
, dilemma ≪ double
proposition
≫) est un
raisonnement
qui, partant de la
disjonction
de deux
propositions
(p ou q) etablit que chacune des deux mene a une meme
conclusion
, laquelle par consequent s'impose (sans qu'il soit necessaire de savoir si c'est p ou q ou les deux qui sont
vraies
; par contre la conclusion reste indeterminee si l'on etablit que p et q sont toutes les deux fausses). Un exemple courant est ce qu'on peut appeler le ≪ dilemme des conseils de classe ≫ : ou cet eleve n'a pas travaille ou il n'a pas les moyens, en tout etat de cause il ne peut passer dans la classe superieure… On voit immediatement sur cet exemple combien le sens de ≪ dilemme ≫ pour le logicien est eloigne du sens courant qui l'associe a un choix difficile sinon tragique.
Plus largement, un dilemme est une situation qui offre une alternative, menant a des resultats differents, dont les deux partis sont d'egal interet. Generalement les possibilites offertes sont presentees aussi attirantes ou repoussantes l'une que l'autre ; mais cette consideration est, d'un point de vue logique, sans interet (etre ≪ aussi petit ≫ ou ≪ aussi grand ≫ ; c'est toujours ≪ avoir la meme taille ≫). Plus largement encore, un dilemme est synonyme de choix difficile ou douloureux (≪ choix cornelien ≫ : choisir entre l'amour et l'honneur, dans
Le Cid
). En termes de
philosophie morale
, le dilemme exprime la situation ou se trouve un agent lorsqu'il doit faire A et B mais ne peut faire a la fois A et B, ce qui le contraint donc a choisir entre l'un ou l'autre : quel que soit son choix, il n'aura pas rempli l'une de ses deux obligations.
Le dilemme moral n'a pas, d'une maniere generale, ete pris au serieux avant le
XX
e
siecle
[
1
]
,
[
2
]
. En effet, les philosophes anterieurs niaient pour la plupart sa possibilite
[
1
]
. La possibilite de choix difficiles a bien sur ete envisagee : ainsi,
Platon
, dans le cadre d'une discussion sur la definition de la
justice
, au livre I de
La Republique
, demande s'il faut rendre une arme qui a ete pretee a son proprietaire, si celui-ci est devenu fou
[
2
]
. Mais dans ce cas, il est clair que l'obligation de securite prime sur celle de rendre l'arme, qui pourra etre rendue apres : il ne s'agit donc pas, en fait, d'un veritable dilemme
[
2
]
. De meme,
Aristote
evoque de tels cas difficiles lorsqu'il discute du
volontaire
, de l'involontaire et du non-volontaire (
Ethique a Nicomaque
, III, 1). Mais, pour lui, de tels cas (par exemple, ≪ si un tyran nous ordonne d'accomplir une action honteuse, alors qu'il tient en son pouvoir nos parents et nos enfants ≫
[
3
]
), sont des ≪ actions mixtes ≫, entre le volontaire et l'involontaire. La
deliberation
aristotelicienne portant sur le
contingent
, c'est-a-dire sur le
possible
, la notion moderne de dilemme, qui nous confronte a un ≪ choix impossible ≫, semble etrangere a son cadre theorique : que pourrait, en effet, signifier un choix impossible ? mais pourtant
necessaire
? En medecine, la question de l'
aide au suicide
est un dilemme classique: faut-il abreger les souffrances d'un patient atteint d'une maladie incurable, ou faut-il maintenir la vie a tout prix, regle presente dans le
serment d'Hippocrate
[
2
]
?
Parmi les philosophes qui nient l'existence de dilemmes authentiques, on peut citer
Thomas d'Aquin
[
1
]
,
Kant
,
John Stuart Mill
, et, au
XX
e
siecle
,
W. D. Ross
[
2
]
,
[
1
]
.
Bernard Williams
, au contraire, fait partie de ceux qui defendent leur possibilite. Parmi ces derniers, deux theories ethiques principales s'opposent : l'une affirme qu'il n'est pas
possible
d'exclure les dilemmes moraux d'une theorie (et donc que les theories qui le font sont logiquement incoherentes) ; l'autre, que meme si c'est possible, ce n'est pas
desirable
[
2
]
. Au contraire, les theories qui cherchent a exclure les dilemmes moraux ne le font pas necessairement pour des raisons de coherence ou de consistance, au sens de la
logique deontique
[
2
]
. En effet, l'un des motifs puissants pour exclure la possibilite des dilemmes, c'est de donner aux regles morales la fonction de prescrire le choix d'une (et d'une seule) action
[
2
]
. Des theories qui assignent cette fonction aux regles morales sont dites
prescriptivistes
. Au contraire, dans le cadre d'un dilemme, les lois morales ne permettent pas de choisir.
Ainsi,
Thomas d'Aquin
nie la possibilite de dilemmes moraux qui ne resultent pas d'une faute morale de l'agent. Il distingue ainsi le dilemme
secundum quid
, qui procede d'une conscience erronee (ou d'une erreur de
deliberation
) du dilemme
simpliciter
. Selon lui, si une theorie morale admet la possibilite de cette derniere forme de dilemme, elle est necessairement fausse
[
4
]
.
De meme,
Kant
, fondateur d'une
ethique deontologique
, et
John Stuart Mill
, penseur de l'
utilitarisme
et d'une
ethique consequentialiste
, denient la possibilite de dilemmes authentiques
[
1
]
. Kant elabore en effet une morale rationnelle ; pour lui, les principes exprimant les devoirs ne peuvent etre contradictoires : des normes morales antinomiques ne peuvent exister. Des lors, il ne peut y avoir de conflit des devoirs. Il admet neanmoins la possibilite d'un conflit sur le fondement des devoirs (
Metaphysique des mœurs
, II).
Pour
Mill
, l'utilitarisme a precisement pour avantage de resoudre les dilemmes apparents (
Utilitarisme
, II, 25
[
1
]
).
Beaucoup de philosophes contemporains admettent, au contraire, la possibilite des dilemmes moraux authentiques. L'exemple a la source de nombreux debats est celui pris par
Jean-Paul Sartre
dans
L'existentialisme est un humanisme
(1946)
: un eleve hesite entre rejoindre les Forces francaises en exil, et ainsi venger son pere ; ou rester aupres de sa mere, et l'aider a vivre
[
1
]
,
[
2
]
.
John Lemmon
et
Bernard Williams
defendent ainsi la possibilite des dilemmes
[
5
]
.
Le probleme du dilemme se divise en deux questions: l'une est d'ordre
epistemologique
, l'autre va au-dela d'une simple question epistemologique. La question epistemologique recouvre les cas ou il est difficile de savoir quel est mon devoir. Mais il ne s'agit pas alors d'un dilemme authentique, dans la mesure ou j'ai le devoir de choisir telle ou telle action. Le dilemme authentique recouvre, quant a lui, le cas ou deux actions sont obligatoires, du point de vue moral, mais ou je ne peux faire les deux.
Bernard Williams
(1965) distingue ainsi deux types de conflits d'obligations :
- l'une des obligations est plus forte que l'autre. Il s'agit alors d'un ≪ conflit soluble ≫.
- les deux obligations sont equivalentes: il s'agit alors d'un ≪ conflit insoluble ≫.
L'exemple de Sartre illustre le cas du conflit insoluble. Le conflit soluble peut lui, etre illustre de la facon suivante: j'ai un rendez-vous avec une personne, mais lorsque j'y vais, j'assiste en chemin a un accident. L'obligation morale de
porter assistance a une personne en danger
l'emporte alors sur l'obligation de tenir ma promesse d'aller au rendez-vous
[
6
]
. Il semble qu'on puisse eviter les dilemmes en organisant de facon hierarchique les preceptes moraux (par exemple, l'obligation de ne pas nuire, ou
harm principle
, primerait sur la promesse). Mais
W. D. Ross
(1930) a remarque qu'il n'est pas possible d'etablir une hierarchie, en soi, des preceptes moraux : dans certains cas, l'obligation de tenir sa promesse prime sur le principe de non-nuisance (
harm principle
), dans la mesure ou le mal a eviter est peu important
[
7
]
.
En outre, meme s'il y avait une
hierarchie des normes
morales, qui ne varierait pas selon les circonstances, on serait confronte au cas ou un meme principe moral commande deux actions qui ne peuvent etre simultanement choisies:
Walter Sinnot-Armstrong
appelle ces dilemmes des cas symetriques
[
8
]
.
Le Choix de Sophie
(1979), de
William Styron
, illustre cette possibilite: un garde dans un camp de concentration oblige une mere a choisir, entre ses deux enfants, lequel sera tue; en ajoutant que si la mere ne choisit pas, les deux seront tues
[
2
]
.
Il faut ajouter que meme un systeme de regles coherent, et admettant donc le
principe de non-contradiction
, peut generer des dilemmes.
Ruth Marcus
(1980) donne ainsi une definition d'un ≪ ensemble de regles comme coherent [
consistent
] s'il y a un
monde possible
dans lequel elles peuvent toutes etre obeies dans toutes les circonstances de ce monde ≫. Ainsi, ≪ les regles sont coherentes [
consistent
] s'il y a des circonstances possibles dans lesquelles aucun conflit n'emergera ≫, et non coherentes ≪ s'il n'y a aucune circonstance, aucun monde possible, dans lequel toutes les regles peuvent etre satisfaites ≫
[
9
]
.
Il y a deux positions possibles a l'egard de ces conflits d'obligations. La premiere affirme que, dans le cas des conflits solubles (une obligation prime sur l'autre), l'obligation inferieure est eliminee: les obligations sont absolues, et la seule reelle est celle qui prime. Ainsi, mon devoir d'aider quelqu'un prime sur ma promesse d'aller a un rendez-vous, et elimine celle-ci en tant qu'obligation morale
[
1
]
.
On peut considerer, au contraire, que l'obligation de rang inferieure ne disparait pas pour autant. Ainsi, pour
Bernard Williams
(1965), ≪ il me semble impossible de s'en tenir a une presentation logique qui fasse que le conflit ait comme consequence necessaire qu'un des devoirs doive etre totalement rejete, en ce sens qu'on deviendrait convaincu qu'il n'avait pas veritablement de realite ≫.
Trois arguments principaux sont utilises a l'appui de l'existence des dilemmes moraux
[
1
]
:
- l'argument du
sentiment moral
;
- l'argument de la symetrie ;
- l'argument de l'incommensurabilite.
Pour B. Williams (1965), le fait que l'agent eprouve du
regret
, ou du
remords
, apres avoir choisi telle ou telle action (quelle que soit l'action ayant ete choisie), montre que l'obligation commandant de choisir telle action (qui n'a pas ete choisie) n'a pas disparu pour autant dans le conflit des obligations. Ce regret s'explique ainsi parce que l'agent a neglige l'une de ses deux obligations. L'argument du sentiment moral, ou du regret, permet ainsi de demontrer l'existence des conflits solubles. Pour demontrer celle des conflits insolubles, il faut en outre que le regret eprouve soit de meme intensite quelle que soit l'option choisie, et que l'intensite du regret eprouve corresponde a l'intensite de l'obligation negligee (Williams, 1965
[
1
]
).
Deux objections sont utilisees contre cet argument
[
1
]
. L'une affirme que l'agent eprouve du regret parce qu'il a neglige un devoir
prima facie
(a premiere vue), qui n'etait donc pas un veritable devoir (c'est la position de
W. D. Ross
(1930), qui distingue entre devoirs
prima facie
et devoirs non qualifies
[
10
]
). Mais cette conception se heurte neanmoins aux dilemmes entre obligations qui ne tolerent pas d'exceptions (par exemple ne pas tuer un innocent)
[
1
]
.
La deuxieme explique le regret en affirmant qu'il ne provient pas du non-respect d'une obligation morale, mais du regret eprouve a l'egard des consequences de l'action: un agent ayant satisfait toutes ses obligations peut neanmoins eprouver du regret, par rapport aux consequences de l'action choisie
[
1
]
.
L'argument de la symetrie est illustre par le cas ou deux jumeaux se noient, mais nous ne pouvons sauver que l'un des deux (voir aussi
Le Choix de Sophie
). Or les deux jumeaux ont la meme
valeur morale
: la vie de l'un ne vaut pas plus que l'autre
[
1
]
. On objecte a cet argument que l'obligation serait en fait disjonctive : on ne peut avoir l'obligation de sauver les deux jumeaux, mais seulement de sauver l'un des jumeaux
[
1
]
. Cette objection repose sur l'idee que le ≪ devoir ≫ repose sur le ≪ pouvoir ≫ : je ne dois faire que ce que je peux (≪ a l'impossible nul n'est tenu ≫).
L'argument de l'incommensurabilite repose sur l'idee qu'il y a des valeurs incommensurables (par exemple, la justice et le bonheur), et aussi sur celle selon laquelle il est difficile, voire impossible, de mesurer le degre exact de force des obligations
[
11
]
. L'
utilitarisme
affirme au contraire qu'il est possible de mesurer l'intensite des obligations.
Alan Donagan
admet, quant a lui, l'incommensurabilite, mais affirme que seuls les principes et valeurs non moraux peuvent etre incommensurables
[
12
]
. Une troisieme objection a l'argument de l'incommensurabilite repose sur l'idee qu'il est impossible de dire que l'agent qui tranche entre principes non commensurables est moralement condamnable, puisqu'on ne peut pas dire qu'il a choisi le pire, ni meme le moins meilleur
[
1
]
.
Le premier argument qui va a l'encontre de l'existence et de la possibilite des dilemmes moraux repose sur le
prescriptivisme universel
, qui donne comme fonctions premieres aux enonces moraux celle de prescrire des actions. Or, dans le cas d'un dilemme, les enonces moraux semblent ne rien prescrire, puisque les deux actions incompatibles sont egalement obligatoires; ou ils prescrivent des actions contradictoires
[
2
]
.
Pour sauvegarder la possibilite des dilemmes moraux, on a alors deux solutions theoriques possibles
[
1
]
,
[
2
]
: soit on abandonne le principe selon lequel le ≪ devoir ≫ implique le ≪ pouvoir ≫ (≪ a l'impossible nul n'est tenu ≫ ;
‘ought’ implies ‘can’
) ; soit on rejette le ≪ principe d'agglomeration ≫. Ainsi, pour
E. J. Lemmons
(1962) et
Trigg
(1971), les dilemmes montrent que le principe selon lequel ≪ a l'impossible nul n'est tenu ≫ est faux. Pour
Williams
et
Bas van Fraassen
(1973), ils montrent au contraire la faussete du principe d'agglomeration
[
2
]
.
En termes de
logique deontique
, il faut aussi abandonner soit le
principe de consistance deontique
(
principle of deontic consistency
, PC), soit le
principe de logique deontique
(PD)
[
2
]
.
En effet, si l'on admet le
principe de consistance deontique
(
principle of deontic consistency
, PC), un dilemme contredit necessairement ce principe. Ce principe stipule que : OA → ¬ O¬ A
[l'obligation de faire A implique la non-obligation de faire non-A]
. Un dilemme dans lequel l'agent doit faire A, et doit faire B, mais ne peut faire A et B, contredit donc ce principe
[
2
]
. Le principe de logique deontique, quant a lui, stipule que si A implique B, et que je suis moralement oblige de faire A, alors je suis aussi moralement oblige de faire B
[
2
]
.
Enfin, le ≪ principe d'agglomeration ≫ affirme que si j'ai l'obligation de faire A et celle de faire B, alors j'ai l'obligation de faire A et B. Ou encore: (O (A) et O (B)) → O (A et B).
On peut formaliser cela ainsi
[
1
]
:
- le principe selon lequel le devoir implique le pouvoir se traduit ainsi : O (A) → M (A)
[ou O : obligatoire ; A : action ; M : possible ; → : implique)
.
- principe d'agglomeration : (O (A) et O (B)) → O (A et B)
Si les dilemmes moraux existent :
- O (a)
[j'ai l'obligation de faire
a
]
- O (b)
- - M (a & b)
[je ne peux pas faire
a
et
b
]
Or, si le principe d'agglomeration est correct:
- (O (A) et O (B)) → O (A et B)
Et si le principe ≪ devoir ≫ implique ≪ pouvoir ≫ est correct:
- O (A et B) → M (A et B)
Ce dernier point contredit (3), selon lequel je ne peux pas faire
a
et
b
.
On renonce alors soit au principe selon lequel
devoir implique pouvoir
, soit au principe d'agglomeration, afin que le dilemme moral soit logiquement possible. Or, le premier principe semble intuitivement correct (≪ a l'impossible nul n'est tenu ≫). Mais on peut avancer des contre-exemples : un
creancier
qui ne pourrait plus payer ses dettes demeure dans l'obligation de le faire.
Le principe d'agglomeration semble lui aussi intuitif : si on a deux obligations, on a l'obligation de faire les deux choses. Un dilemme n'est en effet pas logiquement
contradictoire
: O (A) et O (¬A) ne sont pas contradictoires (l'obligation de faire A et l'obligation de faire non-A ne sont pas contradictoires), car la contradictoire de O (A) c'est ¬OA (ne pas faire A, et non pas faire non-A)
[
13
]
.
Mais on peut affirmer qu'en cas de conflit, l'obligation n'est pas
conjonctive
, mais
disjonctive
(si on a l'obligation de sauver A et de sauver B, mais qu'on ne peut sauver A et B en meme temps, on peut dire qu'on a en fait l'obligation de sauver soit A, soit B).
Les implications des dilemmes quant a la meta-ethique
[
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|
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]
En termes de
meta-ethique
, l'admission de la possibilite et de l'existence des dilemmes moraux a plusieurs consequences. Ainsi, pour
Bernard Williams
, ceux-ci impliquent la faussete du
realisme moral
(ou
cognitivisme ethique
), selon lequel les enonces moraux sont rationnels et les croyances morales portent sur des realites independantes du sujet. Pour Williams, au contraire, les enonces moraux expriment des desirs, et non des croyances rationnelles au sujet de realites morales independantes du sujet. L'erreur du realisme moral, selon Williams, conduit a ne pouvoir expliquer l'existence du regret : puisqu'il est impossible, pour le tenant d'une position cognitiviste, que les deux obligations en conflit soient vraies toutes deux, celui-ci est contraint de nier que l'obligation qui a ete negligee demeure en jeu apres coup
[
1
]
. Pour faire face a cette objection de Williams, le realisme moral doit faire appel a la notion de Ross de devoir
prima facie
, mais celle-ci ne rend pas compte des dilemmes entre obligations morales n'admettant pas d'exceptions
[
1
]
.
Williams affirme aussi que je peux parfaitement concevoir que deux desirs ou deux obligations sont en contradiction, tandis qu'il est irrationnel d'entretenir des croyances contradictoires: lorsque je decouvre que deux de mes croyances ne peuvent etre vraies ensemble, j'abandonne necessairement l'une d'entre elles
[
14
]
.
Les dilemmes en intelligence artificielle
[
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]
L'essor des vehicules a conduite automatique necessite la resolution de dilemmes, tels le
dilemme du tramway
, par les ordinateurs de bord, et suscite l'irruption de ces problematiques dans les medias grand public. En effet, dans la mesure ou c'est l'ordinateur de bord qui prend des decisions sur la conduite, il se pose la question de sa programmation dans les cas d'urgence. Si les capteurs du vehicule signalent l'imminence d'un accident, comment la voiture doit elle au mieux reagir, si elle a le choix entre diverses possibilites d'accidents, aux consequences diverses, et notamment qui blessent ou tuent differentes(s) personne(s) ? Comment la reponse depend-elle du fait que les victimes sont plus ou moins nombreuses, et beaucoup ou peu impactees ? sont des passagers ou des personnes exterieures au vehicules ? sont des personnes agees, des femmes, des femmes enceintes, des hommes ou des enfants ? sont des chomeurs, des employes ou des cadres ? Un site internet universitaire, la ≪
machine morale
≫, se propose d'etudier ces questions et recueille les avis des internautes a propos de diverses situations tests.
- ↑
a
b
c
d
e
f
g
h
i
j
k
l
m
n
o
p
q
r
s
et
t
Christine Tappolet, article ≪ Dilemmes moraux ≫ dans le
Dictionnaire d'ethique et de philosophie morale
(dir.
Monique Canto-Sperber
), PUF, 1996 (PUF Quadrige, 2004)
- ↑
a
b
c
d
e
f
g
h
i
j
k
l
m
n
o
et
p
Voir l'entree
Moral Dilemmas
dans la
Stanford Encyclopedia of Philosophy
.
- ↑
Aristote
,
Ethique a Nicomaque
, III, 1 (1110a-5).
- ↑
Somme theologique
, I, II, 19 6 ad. 3; II, II, 62, 2; III, 64 6 ad. 3;
De veritate
, 17, 4 ad. 8. References donnees par Christine Tappolet,
art. cit.
- ↑
John Lemmon
, "Moral dilemmas", 1962;
Bernard Williams
,
Ethical consistency
,
Proceedings of the Aristotelician Society
, sup. vol. 39, 1965 (traduit dans
La fortune morale
, PUF, 1994) et
Consistency and realism
,
Proceedings of the Aristotelician Society
, sup. vol. 40, 1966; republie dans
Problems of the Self: Philosophical Papers
, 1973). Articles cites par Christine Tappolet,
art. cit.
- ↑
Exemple donne par
Terrance McConnell
dans
Moral dilemmas and Consistency in Ethics
(1978), cite par Christine Tappolet,
art.cit.
- ↑
W. D. Ross
,
The Right and the Good
, 1930, chapitre II. Cite par l'article ≪ Moral dilemmas ≫ de la Stanford Encyclopedia.
- ↑
Walter Sinnot-Armstrong
(1988),
Moral Dilemmas
, Oxford: Basil Blackwell. Chapitre II. Cite par l'article ≪ Moral dilemmas ≫ de la Stanford Encyclopedia.
- ↑
En anglais:
Ruth Marcus
(1980, p.28-29) “define a set of rules as consistent if there is some possible world in which they are all obeyable in all circumstances in that world.” Thus, “rules are consistent if there are possible circumstances in which no conflict will emerge,” and “a set of rules is inconsistent if there are no circumstances, no possible world, in which all the rules are satisfiable”. Cite dans l'article
Moral dilemmas
de la Stanford Encyclopedia.
- ↑
W. D. Ross
,
The Right and the Good
, 1930, cite par Christine Tappolet,
art.cit.
- ↑
Voire Lemmon, "Moral dilemmas", 1962; et
Thomas Nagel
, "The fragmentation of value" in
Moral Questions
, 1979 (traduit par
Pascal
et C. Engel, PUF, 1985). Cites par Christine Tappolet,
art.cit.
- ↑
Alan Donagan
, "Consistency in rationalist moral systems",
Journal of Philosophy
, vol. 81, p.291-309, 1984 (reimprime in Gowans C. W. (ed.),
Moral dilemmas
, 1987), cite par Christine Tappolet,
art.cit.
- ↑
Marcus, Ruth Barcan
, 1980,
Moral Dilemmas and Consistency
,
The Journal of Philosophy
77 : 121-136, [Reprinted in Gowans (1987): 188-204], cite dans l'entree
Moral dilemmas
de la Stanford Encyclopedia
- ↑
Bernard Williams
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La fortune morale
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- Sinnot-Armstrong Walter
(1988),
Moral Dilemmas
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- Williams Bernard
(1965),
Ethical consistency
, traduit dans
La fortune morale
, PUF, 1994.
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,
L'instrument d'analyse preferentielle de valences contradictoires
.
- Edouard Lucas,
Le dilemme des trois maris jaloux
,
Recreations Mathematiques
, (
1
re
recreation : Le jeu des traversees en bateau, Section V), Vol. 1, Ed. Gauthier-Villars, Paris, 1882.
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