Dieterich Buxtehude
(en
allemand
:
[?diːt???c b?kst??huːd?]
[
2
]
, en
danois
:
Diderik Buxtehude
), ne vers
1637
a
Helsingborg
ou
Buxtehude
ou
Oldesloe
[
3
]
et mort le
a
Lubeck
, est un
musicien
,
organiste
et
compositeur
allemand
d'ascendance
danoise
. Etabli a
Lubeck
, l'une des villes les plus actives sur le plan musical en son temps, il compose pour la
liturgie
, mais aussi pour des concerts spirituels ou profanes plaisant au public local, notamment les
Abendmusiken
, veillees musicales de l'
Avent
dont il fait une institution qui se perpetue jusqu'au
XIX
e
siecle.
L'un des musiciens les plus reconnus en son temps, il entretient de fructueuses amities musicales, comme avec
Johann Adam Reinken
, et attire de nombreux eleves parmi lesquels on compte
Nicolaus Bruhns
et sans doute
Jean-Sebastien Bach
. Son œuvre, dont une partie importante nous est parvenue, compte parmi les plus riches d'Allemagne pour la generation situee apres
Sweelinck
et
Schutz
et avant Bach, avec celles de Reinken et de
Pachelbel
et est devenue un classique du repertoire d'orgue. En ce qui concerne les nombreuses pieces de musique vocale, elles ont commence a retrouver la faveur des interpretes et du public autour des annees 1970, grace, notamment, aux recherches effectuees autour de la musique baroque, dans les annees
1960-1970
et avant, par les
musicologues
et les interpretes de ces periodes aussi bien qu'actuellement.
Les origines de Dietrich Buxtehude sont mal connues, meme si differents temoignages permettent de privilegier la date de
1637
pour sa naissance, probablement a
Helsingborg
. Il est egalement possible qu'il tienne son nom de la ville de
Buxtehude
, ou il a pu naitre, non loin de la capitale de l'orgue d'Europe du Nord,
Hambourg
[
4
]
. Son pere, Johannes Buxtehude, sans doute ne a
Oldesloe
(dans le
Holstein
, pres du
Danemark
), etait
organiste
lui-meme : il occupa la tribune de l'eglise Sainte-Marie d'
Helsingborg
(du debut des annees 1630 a 1641 ou 1642), puis celle de Saint-Olaf d'
Elseneur
(a partir de 1642, avant de renoncer a son poste en
1672
, et de s'installer a
Lubeck
, pres de son fils, ou il mourut en 1674). De la mere de Dietrich, on ne connait que le prenom, Helle, et celui de son propre pere, Jesper, ce qui pourrait indiquer une souche danoise de foi protestante lutherienne
[
4
]
.
L'education de Dietrich Buxtehude se deroule donc pour l'essentiel au Danemark, ou il vit des l'age de cinq ans. Outre de possibles
etudes classiques
a la
Lateinschule
d'Elseneur
[
5
]
, il etudie la musique, sous la conduite de son pere
[
6
]
. Il assiste egalement au relevage de l'orgue de Saint-Olaf par Johann Lorentz, en 1649-1650, probable occasion d'un apprentissage de la facture d'orgue
[
6
]
.
On ne sait rien de plus sur ses annees de formation, sa scolarite a la
Lateinschule
s'etant peut-etre achevee vers l'age de dix-huit ans, en 1655. Tout juste peut-on emettre l'hypothese qu'il se soit rendu a
Copenhague
, ou la cour de
Frederic III
est un des foyers musicaux les plus brillants d'Europe, et surtout ou est etabli
Johann Lorentz le Jeune
(1610-1689), l'un des organistes les plus reputes de son temps, titulaire de la Nikolaikirche, et qui compte parmi les proches de Johannes Buxtehude
[
7
]
. Il est egalement possible que Dietrich se soit rendu a Lubeck, aupres de
Franz Tunder
[
8
]
, ou encore a Hambourg, aupres de
Heinrich Scheidemann
[
7
]
(lui-meme eleve de
Sweelinck
), occasion d'une premiere rencontre avec
Reinken
[
6
]
.
Le debut de carriere et l'installation a Lubeck
[
modifier
|
modifier le code
]
Dietrich Buxtehude est nomme titulaire de Sainte-Marie de
Helsingborg
en
1657
ou
1658
[
6
]
, dans une region ravagee par la guerre entre le Danemark et la
Suede
. En
1660
, Buxtehude succede a l'organiste Claus Dengel, a Sainte-Marie d'
Elseneur
. Ses appointements passent de 75 a 200
thalers
par an
[
9
]
, nettement plus que les 125 thalers que gagne son pere a
Saint-Olaf
. Dietrich Buxtehude reside avec ses parents, et voit sa reputation d'organiste grandir. Il se lie d'amitie avec
Marcus Meibom
, fidele de sa paroisse, et surtout humaniste renomme et historien de la musique
[
6
]
.
En
1667
, a la mort de l'organiste
Franz Tunder
, Buxtehude est retenu pour lui succeder comme titulaire de
Sainte-Marie de Lubeck
: il y prend officiellement ses fonctions le
[
10
]
. La vieille capitale
hanseatique
est une metropole commercante d'importance, bien qu'une crise economique y sevisse alors. L'organiste est la principale figure musicale de la ville, et ses nouveaux revenus s'elevent a 472 thalers, soit plus du double de son salaire a Elseneur
[
10
]
. Son installation est rapide : il acquiert la bourgeoisie lubeckoise le
[
11
]
et le
3 aout
, il epouse une fille de son predecesseur
[
12
]
, Anna Margaretha, nee en
1646
, ils auront sept filles entre 1669 et 1686
[
10
]
.
Buxtehude cumule les fonctions d'organiste et d'administrateur de Sainte-Marie, plus importante eglise de la ville
[
13
]
. Sa responsabilite d'organiste comprend par ailleurs le deroulement musical des ceremonies, au grand-orgue et, pour certaines ceremonies, a un deuxieme orgue situe dans la chapelle ≪ de la danse macabre ≫, dans le transept nord ; mais aussi l'entretien des instruments (et la commande de travaux d'importance en cas de necessite) ; la direction d'un ensemble musical (sept musiciens appointes par la ville, trois par l'eglise, un organiste pour le
positif
) ; et la responsabilite sur l'ecole voisine de Sainte-Catherine, ou un
cantor
dirige un ensemble vocal
[
13
]
. Buxtehude reprend egalement les veillees musicales ou
Abendmusiken
initiees par son predecesseur
Franz Tunder
, des concerts spirituels proches de l'
oratorio
, et leur donne une dimension nouvelle
[
14
]
. Enfin, la bourgeoisie lubeckoise le sollicite pour composer des musiques destinees a des fetes privees, a des mariages
[
15
]
Cette activite intense semble toutefois avoir faibli avec les annees, et le declin economique de la ville
[
13
]
.
Ce poste prestigieux est aussi l'occasion pour Buxtehude d'entretenir des relations avec les musiciens les plus reputes de son temps, comme
Gustav Duben
, titulaire de l'eglise allemande de
Stockholm
(et dedicataire des
Membra Jesu nostri
en 1680), et
Johann Theile
, eleve de
Schutz
, qui sejourne a Lubeck entre 1671 et 1673, avant de s'etablir a Hambourg comme
Kappelmeister
du duc
Christian Albert
jusqu'en 1685
[
13
]
. La proximite de cette grande metropole est importante pour Buxtehude, qui s'y rend probablement assez souvent, et y frequente, outre Theile,
Reinken
, titulaire de Sainte-Catherine avec lequel il entretient vraisemblablement une sincere amitie
[
16
]
,
Matthias Weckmann
, titulaire de Saint-Jacques, ou encore
Christoph Bernhard
, cantor de Saint-Jean et
director musices
de la ville
[
17
]
, de 1664 a 1674
[
18
]
.
La reputation de Buxtehude lui permet de nouer d'autres amities fructueuses, en particulier avec le grand theoricien
Andreas Werckmeister
, et de susciter l'admiration de ses contemporains, comme
Johann Pachelbel
qui lui dedie son
Hexachordum Apollinis
en 1699
[
19
]
. Buxtehude attire par ailleurs des eleves venus de toute l'Allemagne :
Daniel Erich
en 1675,
Ludwig Busbetzky
en 1679, puis le talentueux
Nicolaus Bruhns
en 1682,
Georg Dietrich Leyding
en 1684, et d'autres encore
[
20
]
. Le jeune
Bach
est probablement son eleve le plus connu : en 1705, il se rend a pied d'
Arnstadt
a Lubeck, ou il demeure trois mois, sejour dont on ne connait pas les details.
La succession de Buxtehude, qui n'a pas de fils et dont le meilleur eleve, Bruhns, est mort prematurement en 1697, preoccupe le conseil de Lubeck qui, des 1703, invite
Johann Mattheson
a venir faire acte de candidature. Ce dernier se rend a Lubeck accompagne de son jeune ami
Georg Friedrich Haendel
, en aout 1703. C'est Mattheson qui relate que Buxtehude aurait exige une clause matrimoniale
[
21
]
: son successeur aurait ainsi du se marier avec l'une des filles de Buxtehude, sans que l'on sache laquelle. Cette clause fut refusee par Mattheson et Haendel, a qui le poste aurait egalement ete propose, sans que rien n'autorise les interpretations qui ont ete faites depuis de cet episode. L'hypothese de
Philipp Spitta
[
22
]
selon laquelle Buxtehude aurait offert au jeune Bach sa succession a la meme condition ne se base ainsi sur aucune source
[
19
]
, et rien ne vient appuyer la vision d'
Albert Schweitzer
pour qui
≪ Mademoiselle Buxtehude n'avait ni les agrements de la jeunesse ni ceux de la beaute
[
23
]
≫
.
Toujours est-il que Buxtehude designe pour son successeur
Johann Christian Schieferdecker
, qui vient s'etablir des la fin de l'annee 1705. Dietrich Buxtehude meurt le
, a soixante-dix ans, et est inhume le
16 mai
dans le caveau de l'eglise Sainte-Marie ou reposent son pere et ses quatre filles mortes prematurement. Schieferdecker est elu a sa succession par le conseil de Lubeck le 23 juin, et epouse bien la fille ainee de Buxtehude, Anna Margreta, de quatre ans plus agee que lui, quelques semaines plus tard
[
19
]
.
Le catalogue des œuvres de Dietrich Buxtehude a ete etabli par Georg Karstadt en 1974
[
24
]
. La numerotation BuxWV (Buxtehude-Werke-Verzeichnis) n'est pas effectuee selon un ordre chronologique, mais par rubriques thematiques, puis par genre, et par ordre alphabetique ou par tonalite. Soit 275 œuvres en tout.
Sur 115 œuvres spirituelles connues, on compte 113 cantates
[
25
]
, dont on ne connait pas avec certitude l'ordre chronologique ni la destination liturgique, et que l'on peut subdiviser en plusieurs genres, dont les frontieres ne sont toutefois pas toujours evidentes
[
26
]
.
Les arias spirituelles sont les plus nombreuses, avec trente-cinq pieces conservees
[
27
]
, faisant intervenir de une a six voix, sur des poesies spirituelles le plus souvent en allemand, de facon tres libre mais presque sans
contrepoint
pour favoriser l'intelligibilite
[
28
]
. On peut y joindre huit arias nuptiales
[
29
]
, composees sur des poesies libres et pas toujours liturgiques, pour des effectifs tres divers, en fonction des moyens financiers engages par les commanditaires prives de la bourgeoisie
lubeckoise
[
30
]
. On compte ensuite vingt-sept concerts spirituels
[
31
]
, sur des textes bibliques en prose, sans structure strophique, avec une ecriture contrapuntique riche, et dont l'exemple le plus connu est le
Jubilate Domino
BuxWV64, dont la virtuosite peut laisser supposer qu'il aurait ete compose pour un soliste exterieur
[
32
]
,
[
33
]
.
Buxtehude pratique en revanche les
chorals
de facon assez marginale, avec seize pieces en tout
[
34
]
, dont la principale caracteristique est une simplicite laissant entendre la melodie aux fideles. La plus remarquable est
Herzlich lieb hab ich dich, o Herr
(BuxWV 41), piece composee pour un ensemble important (cinq solistes), qui distingue les trois strophes du choral et les developpe longuement
[
35
]
.
Une vingtaine d'œuvres combinent l'
aria
et le
concert spirituel
[
36
]
, en particulier les sept cantates composant le cycle
Membra Jesu nostri
(BuxWV 75). Cet ensemble a ete exceptionnellement bien conserve puisque l'
autographe
nous est parvenu. Les sept cantates qui le composent, basees sur le poeme latin de la
Rhythmica oratio
, sont chacune consacree a l'une des
plaies du Christ
, sans que l'on sache si elles etaient destinees a etre jouees a une meme occasion
[
37
]
. Enfin, d'autres œuvres ajoutent a la combinaison entre concert et aria des recitatifs ou des
chorals
[
38
]
; certaines enfin sont des arias ou des concerts dont la forme est dominee par un
ostinato
a variations
[
39
]
, et dont les exemples les plus fameux sont
Herr, wenn ich nur dich hab
(BuxWV 38/39) et
Jesu meines Lebens Leben
(BuxWV 62)
[
40
]
.
Si leur premiere mention explicite dans les deliberations de la paroisse ne date que de 1673, les veillees musicales lubeckoises (en allemand
Abendmusiken
) sont une innovation du predecesseur de Buxtehude,
Franz Tunder
. Celui-ci instaure, peut-etre des 1646, des concerts lors des deux dimanches precedant la
Trinite
, et des trois dimanches precedant
Noel
[
41
]
. Ces soirees sont organisees autour d'une cantate dramatique, dans un genre inspire par
Heinrich Schutz
et
Giacomo Carissimi
. Cette tradition ancree dans la vie locale et financee par la bourgeoisie de la ville, consacree sous Buxtehude, sera reprise par ses successeurs, et n'est sans doute pas etrangere a la candidature de
Mattheson
puis au choix de Schieferdecker pour reprendre ses fonctions, ces deux derniers venant de l'
opera de Hambourg
. Les
Abendmusiken
resteront une tradition lubeckoise jusqu'en
1810
[
42
]
.
Buxtehude fait de ces veillees une veritable institution, ce dont attestent plusieurs mentions dans des documents administratifs ou financiers
[
41
]
. On n'a malheureusement conserve aucune
Abendmusik
[
43
]
, meme si certaines œuvres connues permettent d'imaginer a quoi les veillees pouvaient ressembler. C'est le cas des cantates a grand effectif
[
44
]
ainsi que de cantates en dialogues
[
45
]
, au sujet desquelles il n'est pas exclu qu'elles aient fait partie de certaines
Abendmusiken
[
46
]
. A defaut de musique, on connait du moins certains titres
[
47
]
et meme le livret complet d'un oratorio de 1678,
Die Hochzeit des Lammes
BuxWV 128 (
Les Noces de l'Agneau
), base sur la
parabole des dix vierges
[
48
]
. Ces oratorios sont en fait de vastes compositions en cinq parties dont l'execution est etalee sur les cinq dimanches precedant Noel, selon le calendrier des veillees reorganise par Buxtehude
[
41
]
.
On sait par ailleurs que, confronte a la diminution de ses subventions, Buxtehude recourt en 1700 a une solution de remplacement en ne faisant pas executer d'oratorio, mais des concerts composes de plusieurs pieces pour des effectifs plus modestes
[
48
]
.
Deux
Abendmusiken
datant de decembre 1705, meritent une attention particuliere. Il s'agit de deux oratorios executes certes pendant l'
Avent
, mais en semaine et sur des livrets independants, le 2 decembre en hommage a l'empereur
Leopold
I
er
, mort au cours de l'annee (
Castrum Doloris
), et le 3 decembre en celui de son successeur,
Joseph
I
er
(
Templum Honoris
). Ces concerts correspondent de plus a la periode a laquelle le jeune
Bach
se trouvait a Lubeck, et il semble vraisemblable qu'il ait figure parmi les musiciens
[
19
]
. Les livrets des deux oratorios ont ete conserves, mais la musique en est perdue ; on sait toutefois que l'effectif instrumental etait tres important (vingt-cinq violons, double chœur de vents, double chœur de voix)
[
49
]
.
Le corpus des pieces pour orgues de Buxtehude qui nous sont parvenues est le plus important connu avant
Bach
, a l'exception de
Pachelbel
: quatre-vingt-neuf pieces inscrites au catalogue
[
51
]
, dont aucune n'est editee de son vivant, probablement en raison des limites techniques imposees par la
composition typographique
a
caracteres mobiles
. On ne connait pas non plus d'autographe du compositeur, mais les pieces nous sont connues grace aux nombreuses copies de ses contemporains, notees en
tablature allemande
[
52
]
. La chronologie de ces œuvres est assez hypothetique, mais la virtuosite de certaines pieces, notamment libres, influencees par le
stylus phantasticus
[
53
]
, permet d'imaginer le talent d'interprete de Buxtehude
[
54
]
.
Plus de la moitie de ces pieces
[
55
]
sont fondees sur des
chorals
, selon la
liturgie lutherienne
. Les
preludes de choral
, au nombre de trente-deux, sont tres varies, la complexite de certains les rattachant probablement a une epoque plus tardive. La melodie disparait parfois presque totalement derriere l'ornementation, comme dans
Erhalt uns, Herr, bei deinem Wort
(BuxWV 185),
Nun bitten wir den Heiligen Geist
(BuxWV 208) et surtout
In dulci Jubilo
(BuxWV 197). En 1701, les pasteurs de Sainte-Marie firent suspendre des panneaux dans l'eglise, afin que les paroissiens connaissent le numero des chorals dans leurs livres de chant, ce qui temoigne de la difficulte grandissante a les reconnaitre
[
56
]
.
On possede aussi six elaborations en variations, et neuf fantaisies d'une grande richesse, en particulier
Ich dank dir, lieber Herre
(BuxWV 194) et
Nun freut euch, lieben Christen g'mein
(BuxWV 210). Ces pieces tres en vogue devaient pouvoir etre jouees aussi bien dans un cadre liturgique que lors des
Abendmusiken
[
56
]
.
Le catalogue des œuvres de Buxtehude comprend quarante et une pieces libres
[
57
]
, dont quinze sans pedalier, courtes compositions peut-etre composees pour le
clavecin
, relevant du genre de la
canzone
importe d'
Italie
[
58
]
.
Les vingt-deux pieces recourant au
pedalier
, sont pour l'essentiel des
preludes
, genre qui se developpe alors en Europe du Nord et comprend generalement un episode fugue, qui deviendra independant avec les preludes et
fugues
de la generation de
Bach
. Certains preludes de Buxtehude comprennent deja une fugue tres developpee, comme le prelude en fa majeur BuxWV 145
[
59
]
. Trois
toccatas
et un
preambulum
sont a rapprocher de cet ensemble et devaient avoir une fonction comparable, sans doute pour accompagner l'entree et la sortie de la messe. Ces œuvres sont constituees de plusieurs episodes enchaines, de styles contrastes. Buxtehude est surtout familier de la structure en cinq parties, que l'on observe dans neuf preludes
[
60
]
, et que reprendra
Bruhns
, tandis que les deux diptyques BuxWV 145 et 157, tres complexes, prefigurent la formule qui se generalisera plus tard, comme chez Bach
[
59
]
. L'influence du
stylus phantasticus
est la plus visible dans ces pieces, notamment dans les introductions, improvisees sur un meme motif.
Enfin, trois pieces pour orgues sont explicitement fondees sur un
ostinato
(meme si Buxtehude y recourt aussi dans certains preludes
[
61
]
ou fantaisies de choral
[
62
]
) : les deux
chaconnes
en ut mineur (BuxWV 159) et en mi mineur (BuxWV 160), et surtout la fameuse
passacaille en re mineur
(BuxWV 161)
[
59
]
. Celle-ci, de composition sans doute tardive, montre une profonde maitrise : l'ostinato est repete 28 fois, a travers 28 variations qui suivent un chemin tonal (re mineur, fa majeur, la mineur, re mineur) refletant l'accord de re mineur en meme temps que les quatre mesures de l'ostinato. Les variations sont elles-memes structurees avec rigueur et inventivite
[
63
]
.
On a conserve de la production pour
clavecin
de Buxtehude dix-neuf
suites
[
64
]
et six series de variations
[
65
]
. Les suites sont de structure classique (
allemande
,
courante
,
sarabande
,
gigue
), sans prelude mais avec de frequentes originalites (absence de
gigue
, ou redoublement de certaines danses). Les series de variations comprennent de trois (Aria
Rofilis
en re mineur, BuxWV 248, sur un theme du
Ballet de l'Impatience
de
Lully
) a trente-deux variations (Aria
La Capricciosa
en sol majeur, BuxWV 250, sur la
Bergamasque
)
[
66
]
.
On compte egalement vingt-deux
sonates
de
musique de chambre
, la plupart en trio, dont quatorze editees du vivant de Buxtehude en deux recueils (publies en 1694 (?) et 1696)
[
67
]
. Le nombre de mouvements (trois a sept) et la duree sont tres inegaux
[
68
]
.
Si l'on fait exception de
Bruhns
et de
Bach
les eleves et admirateurs de Buxtehude n'ont guere marque l'histoire de la musique, et son influence sur la musique de son temps n'est guere perceptible. C'est pourtant grace a ses eleves et a ses relations qu'une partie de l'œuvre de Buxtehude a survecu, les pieces editees ou encore les manuscrits autographes etant tres rares.
En effet, la majorite des œuvres conservees de Buxtehude nous ont ete transmises par des copies, notamment celles de la collection de
Gustav Duben
, aujourd'hui conservee a la
bibliotheque d'Uppsala
. C'est en effet grace a l'amitie de Duben avec Buxtehude, qui lui envoyait des copies d'œuvres pour leur execution a
Stockholm
, qu'une centaine de ses œuvres vocales, nous sont connues. Il faut y ajouter une vingtaine d'œuvres vocales conservees par le biais de la
tablature
de Lubeck, sous la direction du compositeur. D'autres pieces, surtout pour orgue, nous sont parvenues par differents copistes faisant ou non partie de l'entourage du compositeur (Friedrich Gottlieb Klingenberg,
Georg Osterreich
,
Heinrich Bokemeyer
(de)
), et surtout les nombreux proches de
Bach
, parents, eleves et amis, en particulier son frere aine
Johann Christoph Bach III
et son cousin
Johann Gottfried Walther
[
69
]
,
[
52
]
.
Oublie, Buxtehude fait l'objet de travaux du musicologue allemand
Philipp Spitta
qui le decouvre dans le cadre de son etude sur Bach. Spitta est le premier a redecouvrir des partitions de Buxtehude, et les publie avec enthousiasme, partageant ses decouvertes, comme la
passacaille en re mineur
qu'il envoie a son ami
Johannes Brahms
[
69
]
. Spitta fait publier les œuvres pour orgue de Buxtehude a partir de 1873, ce qui explique peut-etre que ce pan de l'œuvre de Buxtehude soit le plus joue et le plus connu du public. D'autres editions de la musique de Buxtehude se sont suivies (en particulier l'edition critique initiee par
Wilibald Gurlitt
en 1925 et menee a terme par
Kerala J. Snyder
(en)
)
[
70
]
, ainsi que de nombreux enregistrements, bien que certaines œuvres vocales ou de musique de chambre demeurent presque ignorees
[
69
]
.
Dietrich Buxtehude a egalement fortement influence le jeune
Gustav Mahler
[
71
]
.
L'
asteroide
(4344) Buxtehude
est nomme en son honneur
[
72
]
.
- ↑
(en)
≪
Sa biographie
≫, sur
dieterich-buxtehude.org
- ↑
De nombreuses graphies existent tant pour son nom (Buxstehude, Buxstehoed, Buchstehude, Buxstehuude, Buxstehud, Buxdhue, Buxte Hude) que son prenom (Diederik, Diedrich, Dierich, Diederich, Didericus), et le compositeur lui-meme ecrivait son prenom Dieterich en allemand, et Ditericus ou Dietericus en latin. Voir
Cantagrel 2006
,
p.
21-22.
- ↑
Snyder 2007
,
p.
5-10.
- ↑
a
et
b
Cantagrel 2006
,
p.
21-24.
- ↑
Snyder 2007
,
p.
12 et suiv..
- ↑
a
b
c
d
et
e
Cantagrel 2006
,
p.
25-31.
- ↑
a
et
b
Pirro 1913
.
- ↑
Snyder 2007
,
p.
22 et suiv..
- ↑
Snyder 2007
,
p.
28 et 31-32.
- ↑
a
b
et
c
Cantagrel 2006
,
p.
31-40.
- ↑
Snyder 2007
,
p.
36.
- ↑
Pratique courante dans le milieu musical allemand de l'epoque, comme en temoignent le mariage du violoniste Nathaniel Schnittelbach avec la veuve de son predecesseur Paul Bruhns en 1655 ; l'accord qui semble avoir ete conclu entre Johann Lorentz et son beau-pere
Jacob Praetorius
pour la succession de ce dernier, finalement declinee par Lorentz ; et bien sur la proposition de Buxtehude lui-meme au jeune Bach (cf. infra). Voir
Snyder 2007
,
p.
36.
- ↑
a
b
c
et
d
Cantagrel 2006
,
p.
40-46.
- ↑
Voir
infra
- ↑
Plusieurs exemples en sont conserves :
BuxWV 115 a 122
.
- ↑
En temoignent la
Scene de musique dans un interieur
de
Johannes Voorhout
, sur lequel un canon, peut-etre de
Johann Theile
, celebre leur amitie ; et la musique pour le second mariage de Reinken en 1685, composee par Buxtehude :
Drei schone Dinge sind
(BuxWV 19). Voir
Cantagrel 2006
,
p.
161-165.
- ↑
Responsable de la musique dans les principales eglises, fonctions occupees ensuite par
Georg Philipp Telemann
puis
Carl Philipp Emanuel Bach
.
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
46-53.
- ↑
a
b
c
et
d
Cantagrel 2006
,
p.
61-81.
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
53-61.
- ↑
Johann Mattheson
,
Grundlagen einer Ehrenpforte
, Hambourg, 1740
- ↑
Philipp Spitta
,
Johann Sebastian Bach
, vol. 1, Leipzig, 1873
- ↑
Albert Schweitzer
,
Bach, le musicien-poete
, Lausanne, &905, p. 37
- ↑
(de)
Georg
Karstadt
,
Thematisch-systematisches Verzeichnis der musikalischen Werke von Dietrich Buxtehude : Buxtehude-Werke-Verzeichnis (BuxWV)
, Wiesbaden, Breitkopf & Hartel,
, 245
p.
(
ISBN
3-7651-0065-X
)
- ↑
Les deux pieces restantes sont un contrepoint sur
Mit Fried und Freud
(BuxWV 76a) et une
Missa brevis
(BuxWV 114).
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
307-308.
- ↑
BuxWV 6 a 9, 13, 14, 22, 25, 28, 56, 58, 59, 63, 66, 68, 72, 74, 80, 84, 85, 87-91, 93, 96, 99, 104-110
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
300-302, 315-323.
- ↑
BuxWV 115-122
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
154-158.
- ↑
BuxWV 2, 5, 7, 11, 12, 15, 17, 18, 23, 31, 37, 44, 45, 49, 53, 64, 67, 71, 73, 79, 82, 83, 94, 95, 97, 98, 113
- ↑
On sait par exemple qu'un
castrat
italien s'est produit a Sainte-Marie de Lubeck a Paques 1672
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
302-303, 323-335.
- ↑
BuxWV 3, 10, 20, 21, 27, 32, 40, 41, 52, 60, 78, 81, 100 a 103
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
308-315.
- ↑
BuxWV 19, 24, 30, 33, 35, 39, 46-48, 50, 54, 55, 75, 77
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
342-349.
- ↑
BuxWV 4, 29, 34, 51, 86, 112
- ↑
BuxWV 38, 57, 62, 69, 70, 92
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
351-355.
- ↑
a
b
et
c
Cantagrel 2006
,
p.
357-369.
- ↑
Albert Schweitzer
,
Bach, le musicien-poete
, Lausanne, 1905,
p.
56
- ↑
Un oratorio retrouve a la fin des annees 1920 dans la collection Duben,
Wacht! Euch zum Streit
(BuxWV Anh. 3), est d'attribution douteuse, soutenue par Kerala J. Snyder (
Snyder 2007
,
p.
69, 208-211) mais mise en doute par Sara Cathca Ruhle (
An Anonymous Seventeenth-century German Oratorio in the Duben Collection
, University of North Carolina, Chapel Hill, 1982) et Gilles Cantagrel (
Cantagrel 2006
,
p.
392-397).
- ↑
BuxWV 51, 72, 110, 113
- ↑
BuxWV 36, 61, 111, 112
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
369-383.
- ↑
BuxWV 129, 130, 131
- ↑
a
et
b
Cantagrel 2006
,
p.
383-387.
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
388-392.
- ↑
Snyder 2007
,
p.
315.
- ↑
BuxWV 136-275
- ↑
a
et
b
Cantagrel 2006
,
p.
206-222.
- ↑
Snyder 2007
,
p.
250-260.
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
236-247, 259-265.
- ↑
BuwWV 177 a 224. Voir
Liste des œuvres de Dietrich Buxtehude
.
- ↑
a
et
b
Cantagrel 2006
,
p.
222-236.
- ↑
BuxWV 136 a 176. Voir
Liste des œuvres de Dietrich Buxtehude
.
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
140-143.
- ↑
a
b
et
c
Cantagrel 2006
,
p.
241-259.
- ↑
BuxWV 136, 140-143, 148, 149, 155, 156
- ↑
BuxWV 137, 148, 149
- ↑
BuxWV 195, 218
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
436-442. Voir aussi l'article
Passacaille en re mineur (Buxtehude)
.
- ↑
BuxWV 226 a 244
- ↑
BuxWV 245 a 251
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
130-140.
- ↑
BuxWV 252 a 273
- ↑
Cantagrel 2006
,
p.
143-154.
- ↑
a
b
et
c
Cantagrel 2006
,
p.
81-89.
- ↑
Voir
infra
- ↑
The Mahler Companion:Mitchell and Nicholson
- ↑
(en)
≪ (4344) Buxtehude ≫
, dans
Dictionary of Minor Planet Names
, Springer,
(
ISBN
978-3-540-29925-7
,
DOI
10.1007/978-3-540-29925-7_4296
,
lire en ligne
)
,
p.
373?373
- Broude Brothers (
Wilibald Gurlitt
,
Kerala J. Snyder
)
- Breitkopf (Klaus Beckmann)
- Barenreiter (Christoph Albrecht)
- Hansen (Josef Hedar)
- Dover (reimpression d'editions anciennes)
- OrganScore (
Renaud Vergnet
[1]
, edition urtext sans probleme de tourne)
Sur les autres projets Wikimedia :
- Membra Jesu nostri
- Knabenchor Hannover
,
Amsterdam Baroque Orchestra
,
Ton Koopman
,
Erato
(ECD 75378, reed. 0630-17760-2, 2292-45295-2), 1988
- Concerto Vocale
,
Rene Jacobs
, Harmonia Mundi (HMA 1951333), 1990
- Monteverdi Choir
,
English Baroque Soloists
,
Fretwork
,
John Eliot Gardiner
,
Archiv
(447 298-2), 1996
- Chœur de la
radio suisse italienne
, Sonatori de la Goiosa Marca, Accademia strumentale italiana (Verone), Diego Fasolis,
Naxos
(8.553787), 1997
- Bach Collegium Japan
,
Masaaki Suzuki
,
BIS
(CD-871), 1998
- Cantus Colln
,
Konrad Junghanel
,
Harmonia Mundi
(HMC 901912), 2006
- Autres
- Kantaten
(BuxWV 36, 77, 48, 50, 82, 6, 73, 19, 45, 107, 59, 69, 32, 98, 76/2),
Ricercar Consort
,
Philippe Pierlot
, Ricercar (RIC 252), enregistrements 1987-1990
- Cantates (BuxWV 29, 72, 56, 44, 12, 43, 62, 33, 6, 64, 52, 110, 77, 51, 46, 39, 79),
Knabenchor Hannover
,
Amsterdam Baroque Orchestra
,
Ton Koopman
, Erato (ECD 75374, reed. 0630-17759-2), 1988
- 6 cantates (BuxWV 78, 62, 76, 31, 41, 15),
Anima Eterna
&
The Royal Consort
,
Collegium Vocale
,
Jos van Immerseel
, Channel Classics (CCS 7895), 1994
- Musique vocale 1 (BuxWV 84, 83, 76, 105, 95, 32, 98, 97, 38),
Emma Kirkby
,
John Holloway
,
Manfredo Kraemer
,
Jaap ter Linden
,
Lars Ulrik Mortensen
, Dacapo (8.224062), 1997
- Cantates sacrees (BuxWV 41, 34, 79, 50, 31, 10), Cantus Colln,
Konrad Junghanel
,
Harmonia Mundi
(HMC 901629), 1997
- Cantates (BuxWV),
Knabenchor Hannover
,
Amsterdam Baroque Orchestra
,
Ton Koopman
, Erato (0630-17758-2), 1997
- O frohliche Stunden
(BuxWV 71, 49, 92, 37, 98, 164, 84, 175, 38),
Hans Jorg Mammel
,
Ensemble La Fenice
,
Jean Tubery
, Alpha (113), 2006
- Jesu, meine Freude
(BuxWV 62, 4, 15, 39, 109, 76, 10),
Ensemble Jacques Moderne
,
Joel Suhubiette
, Ligia Digital (Lidi 0202183-07), 2007
- Integrales
- Walter Kraft
,
Vox
(reed. CD6X 3613), 1963
- Marie-Claire Alain
,
Erato
(EDO 207 a 213, reed. ECD 75370), 1969
- Rene Saorgin
,
Harmonia Mundi
(HMX 2901484.88), 1967-1970
- Michel Chapuis
,
Valois
, 1972-1973
- Jean-Charles Ablitzer
, Harmonic Records, 1987-1989
- Harald Vogel
,
MDG
(314 1438-2), 1986-1993
- Ulrik Spang-Hanssen, NCA (reed. 6 CD), 2005
- Olivier Vernet
, Ligia digital (Lidi 0104144-04), 1995
- Helga Schauerte-Maubouet
, Syrius (SYR 141.347/348/359/366/371), 2000-2002
- Bernard Foccroulle
,
Ricercar
(RIC 250), 2003-2006
- Eric Lebrun
avec
Marie-Ange Leurent
,
Bayard Musique
, 2006
- Autres
- Le Voyage du nord
(BuxWV 213, 211, 202, 178, 184, 223, 197),
Jean-Charles Ablitzer
, Stil, 1985
- Œuvres pour l'orgue (BuxWV 137, 184, 161, 211, 197, 174, 217, 139, 212, 163, 223, 149),
Ton Koopman
, Novalis (NVS 150482), 1994
- Œuvres pour l'orgue (BuxWV 149, 223, 146, 197, 139, 211, 137, 183, 140, 199, 142, 178, 145, 153, 174, 161, 160, 159, 171, 203, 182, 155, 218, 156, 207),
Marie-Claire Alain
, Erato (0630129792), 1996 (enregistrement 1988)
- Œuvres pour l'orgue (BuxWV 203, 161, 160, 157, 140, 174, 153, 188, 146, 168, 155),
Rainer Oster
, Arte Nova (74321 63633-2), 1999
- Pieces pour clavecin (BuxWV 163, 234, 164, 166, 226, 174, 248, 250),
Rinaldo Alessandrini
, Astree Auvidis (E 8534), 1995
- Œuvres pour clavecin (BuxWV 165, 223, 233, 176, 226, 249, 166, 179, 225 ; 247, 242, 174, 245, 171, 235, 170, 215 ; 243, 168, 238, 162, 250),
Lars Ulrik Mortensen
, Dacapo (3 vol., 8.224116 a 18, reed. Naxos 8.570579 a 81), 1999
- Abendmusik
(BuxWV 161, 257, 267, 261, 160, 252, 266, 76, 253),
Capriccio Stravagante
,
Skip Sempe
, Deutsche Harmonia Mundi (05472773002), 1993
- Integrale de la musique de chambre,
John Holloway
,
Jaap ter Linden
,
Lars Ulrik Mortensen
et al.
, Marco Polo/Dacapo (3 vol., 8.224003 a 05, reed. Naxos 8.557248 a 50), 1994-1995
- Ciaccona : il mondo che gira
(BuxWV 38, 259, 161, 272, 261, 160, 264, 92),
Ensemble Stylus Phantasticus
, Alpha (047), 2003