La
Compagnie Marat
est l'une des
armees revolutionnaires
qui ont vu le jour en
1793
, pendant la
Revolution francaise
. Creee par un arret du
comite revolutionnaire de Nantes
en date du
et attachee a ce comite, elle etait chargee de missions de surveillance et de repression dans la region nantaise pendant la
guerre de Vendee
.
Au lendemain de la
victoire
contre les insurges vendeens (
), la solidarite nee a cette occasion parmi la population s'effrite devant le chomage qui frappe les classes populaires, egalement menacees par la disette. Devant les denonciations du club populaire de Saint-Vincent, qui attaque
≪ ces messieurs du commerce ≫
, le
representant en mission
Philippeaux
destitue la municipalite, remplacee par des hommes de la societe populaire, en
. De meme, il decide la creation d'un
comite revolutionnaire
et d'un
tribunal revolutionnaire
, recrute parmi le meme personnel
sans-culotte
[
1
]
.
Le
, le comite cree par arrete une armee revolutionnaire
[
2
]
qui prend d'abord le nom de ≪ compagnie Brutus ≫. Elle prend son nom definitif lors de son installation par le comite revolutionnaire de Nantes, le
[
3
]
. Composee de 60 hommes
[
2
]
recrutes sur le port, a 10 livres par jour
[
1
]
, elle est placee sous le commandement de Louis Fleury, elu capitaine.
La compagnie Marat fait partie des 56
armees revolutionnaires
recensees par Richard Cobb dans les departements
[
2
]
et considerees par lui comme un rouage essentiel du systeme de la
Terreur
. Composees d'
artisans
plutot que de veritables
proletaires
, ces armees
≪ representent la Terreur ambulante, la Terreur au village, elles font peur, et c'est bien le but de leurs createurs : ce sont les instruments de vigilance et de vengeance, charges de chatier les coupables, de frapper de terreur les tiedes et les indifferents, de regenerer l'esprit public par la force, de ravitailler les marches urbains par la force... La creation de ces armees representent le triomphe de la violence erigee en methode politique et parfois, un but en elle-meme ≫
[
4
]
. Pour Richard Cobb,
≪ plutot que des brutes sanguinaires ≫
, les membres des armees revolutionnaires
≪ sont des predicateurs civiques, conscients de leur importance, animes surtout d'une grande volonte punitive, doublee parfois de quelques vagues idees de
niveleurs
primitifs ≫
[
5
]
.
Deja en place lors de l'arrivee a Nantes de
Jean-Baptiste Carrier
a Nantes, elle agit pour le comite revolutionnaire et entre bientot en concurrence avec la police secrete creee par le representant. Cette querelle de competences cree un conflit entre les sans-culottes locaux et le depute, qui aboutira au rappel de Carrier
[
6
]
≪ a sa demande ≫
le
[
7
]
.
Le 8
frimaire
(
28 novembre
), un arrete de Carrier
≪ subordonne entierement les operations de la compagnie Marat ≫
a la surveillance du comite, interdisant
≪ aucune arrestation, aucune descente sans en avoir prevenu le comite de surveillance, et sans en avoir obtenu un requisitoire de trois membres au moins du comite. ≫
Le 2
nivose
(
22 decembre
), il ecrit au comite pour lui ordonner d'exiger des membres de la compagnie la restitution de tous les brevets qui leur avaient confie des pouvoirs
[
8
]
.
Le
, le comite revolutionnaire de Nantes nomme huit commissaires en remplacement de la compagnie ; 7 d'entre eux sont d'anciens ≪ Marat ≫
[
3
]
.
Une trentaine de ≪ Marat ≫ ont pu etre identifies, parmi lesquels:
- Jean Boulay, 26 ans, cordonnier, ne au
Mans
;
- Jean Boussy, 45 ans, marchand de parasols, ne a
Chassagne
(
Puy-de-Dome
);
- Edouard Bouvier, 30 ans, charpentier;
- Julien Charretier, 32 ans, marchand boutiquier, ne a
Nantes
;
- Francois Coron, 40 ans, ex-procureur;
- Julien Cousin, 35 ans, tonnelier, ne a
Nantes
, beau-frere de Vie, membre du
comite revolutionnaire de Nantes
;
- Nicolas Crepin ou Crespin, 38 ans, perruquier, qualifie egalement de limonadier, ne a
Nantes
;
- Joseph Dubreuil, 40 ans, bijoutier;
- Paul Ducout, 37 ans, perruquier, ne a Poitiers;
- Louis Fleury, capitaine, commandant la compagnie;
- Jean Gauthier, 41 ans, coutelier, ne a
Nantes
;
- Claude Giret, 39 ans, peintre;
- Jacques Guyot, 27 ans, cloutier;
- Nicolas Jomard, 29 ans, marchand, etabli en l'
an III
a
Montlhery
;
- Jean-Baptiste Joly, 50 ans, fondeur, membre du
comite revolutionnaire de Nantes
;
- Rene Naud
, dit Naud l'aine, age de 43 ans, negociant en armes avant la Revolution, qualifie aussi d'≪ armateur ≫ (il aurait arme un batiment de 18 canons avant la Revolution), quartier-maitre de la compagnie nomme par
Carrier
, demeurant sur le quai des Gardes-francaises et frere de Louis Naud, membre du
comite nantais
;
- Julien Petit, 32 ans, tonnelier;
- Joseph Pinatel, 41 ans, perruquier ou ex-perruquier;
- Joseph Poulet, cordonnier;
- Jean Prou, 39 ans, cloutier, membre du
comite revolutionnaire de Nantes
, qualifie egalement de membre de la compagnie, sans que la chose soit sure;
- Jean-Claude Richard, 33 ans, marchand chapelier, ne a
Dijon
, adjudant de la compagnie;
- Jacques Sauvage, 44 ans, tonnelier
[
9
]
.
Plusieurs anciens ≪ Marat ≫ ont ete juges avec le comite revolutionnaire de Nantes (
16 octobre
-
), mais ont tous ete acquittes
[
10
]
.
Selon
Alain Gerard
, la compagnie se compose d'
≪ artisans plus ou moins declasses ≫
et de
≪ marginaux ≫
[
11
]
. Pour Richard Cobb, en revanche, elle
≪ est composee comme la Societe Vincent-la-Montagne elle-meme, d'artisans, de petits boutiquiers ≫
[
12
]
,
≪ les Marat ne sont pas des gens riches. Certains l'ont ete, mais ont perdu leur fortune a la suite de la Revolution, d'autres semblent avoir fait de mauvaises affaires ≫
[
9
]
. De son cote,
Jean-Clement Martin
juge que
≪ l'ensemble est un melange de negociants, d'artisans, de petits boutiquiers et de proletaires des metiers de luxe. Les Marat ne sont pas riches, mais certains l'ont ete et ont perdu leur fortune. Quelques-uns ne sont que des elements de droit commun, tous n'en sont pas ≫
[
13
]
.
- ↑
a
et
b
Roger Dupuy
,
La Republique jacobine: terreur, guerre et gouvernement revolutionnaire, 1792-1794
, tome 2 de la
Nouvelle histoire de la France contemporaine
, Le Seuil, coll. Points/Histoire, 2005, 366 pages,
p.
169.
- ↑
a
b
et
c
Roger Dupuy
,
op. cit.
, 2005,
p.
190.
- ↑
a
et
b
Alfred Lallie, ≪ Le Bouffay de Nantes ≫,
Revue de Bretagne et de Vendee
, Nantes, Societe des bibliophiles bretons et de l'histoire de Bretagne, deuxieme serie, tome VIII, 1865,
p.
150-156
.
- ↑
Richard Cobb,
Les armees revolutionnaires: instrument de la Terreur dans les departements, avril 1793 (floreal an II)
, vol. 1,
p.
1-2
et 69.
- ↑
Richard Cobb,
op. cit.
, vol. 1,
p.
327.
- ↑
Roger Dupuy
,
op. cit.
, 2005,
p.
170.
- ↑
Michel Biard,
Missionnaires de la Republique
,
CTHS
, 2002,
p.
474.
- ↑
Marcel Postic,
Carrier et la Terreur a Nantes
, L'Harmattan, 2003, 302 pages,
p.
217.
- ↑
a
et
b
Richard Cobb,
op. cit.
, vol. 1,
p.
355.
- ↑
Emile Campardon
,
Histoire du Tribunal revolutionnaire de Paris (17 mars 1793-31 mai 1795)
, Poulet-Malassis, 1862, vol. 1,
p.
282-284
.
- ↑
Alain Gerard,
La Vendee: 1789-1793
, Editions Champ Vallon, 1993, 330 pages,
p.
259
(
ISBN
2876731606
)
.
- ↑
Richard Cobb,
op. cit.
, vol. 1,
p.
69.
- ↑
Jean-Clement Martin,
La Vendee et la France
, Le Seuil, 1987, 403 pages,
p.
217
(
ISBN
2020095513
)
.
- Richard Cobb,
Les armees revolutionnaires: instrument de la Terreur dans les departements,
(floreal an II)
, Paris, Mouton & Cie, 1961-1963, 2 volumes, VIII-1019 p.