La
Communaute francaise
est l'association politique entre la
France
et son
empire colonial
, alors en voie de
decolonisation
. Proposee par le
general de Gaulle
, elle est creee en
1958
par la
Constitution de la Cinquieme Republique
pour remplacer l'
Union francaise
.
Si les Africains ne refusent pas la Communaute, qui leur ouvre le statut d'
Etat
, ils allaient s'abstenir de lui donner une vie reelle car, sous une apparence d'egalite, elle restreint la
souverainete
de ses membres et reaffirme la primaute de la France, en inscrivant dans le ≪ domaine commun ≫ des secteurs fondamentaux comme la politique etrangere, la defense, la monnaie, la politique economique et le controle des matieres premieres dont tout Etat veritable entend rester le maitre
[
1
]
.
La Communaute devient caduque des
1960
du fait que, dans le courant de l'annee, tous les membres de la Communaute, l'un apres l'autre, optent pour l'independance et ses instances cessent d'exister. Ce n'est cependant qu'en
1995
que les dispositions constitutionnelles la concernant sont officiellement et definitivement abrogees.
La
loi constitutionnelle du 3 juin 1958
confie au
gouvernement de Charles de Gaulle
un mandat d'etablir un projet de constitution permettant ≪ d'organiser les rapports de la Republique avec les peuples qui lui sont associes ≫. Ce mandat est concretise par le titre XII de la
Constitution francaise du 4 octobre 1958
.
Celui-ci prevoit la creation d'une Communaute au sein de laquelle
≪ les Etats jouissent de l'autonomie […], s'administrent eux-memes et gerent democratiquement et librement leurs propres affaires. ≫
D'autre part, ≪ la politique etrangere, la defense, la monnaie, la politique economique et financiere, celle des matieres premieres, le controle de la justice, l’enseignement superieur, les communications lointaines, constitueront un domaine commun ≫
[
2
]
. Il s'agit ainsi d'une institution de nature
federale
.
L'article 76 de la nouvelle Constitution prevoit egalement que les
territoires d'outre-mer
puissent choisir entre trois possibilites :
Les
Comores
, la
Polynesie francaise
, la
Cote francaise des Somalis
, la
Nouvelle-Caledonie
et
Saint-Pierre-et-Miquelon
choisissent de garder leur statut de territoire.
Le
Gabon
choisit, en premier temps, de devenir departement d'outre-mer, ce qui est refuse par De Gaulle et son ministre de l'Outre-mer,
Bernard Cornut-Gentille
[
3
]
. Le refus du ministre Cornut-Gentille, violant la Constitution, refletait la pensee du
general de Gaulle
, qui confia a
Alain Peyrefitte
:
≪ Nous ne pouvons pas tenir a bout de bras cette population prolifique comme des lapins (…). Nos comptoirs, nos escales, nos petits territoires d’outre-mer, ca va, ce sont des poussieres. Le reste est trop lourd ≫
[
4
]
. Le general de Gaulle s'expliqua en ces termes sur l'≪ affaire gabonaise ≫ :
≪ Au Gabon, Leon M'Ba voulait opter pour le statut de departement francais. En pleine Afrique equatoriale ! Ils nous seraient restes attaches comme des pierres au cou d'un nageur ! Nous avons eu toutes les peines du monde a les dissuader de choisir ce statut. ≫
[
5
]
Le
Tchad
, le
Dahomey
, le
Soudan francais
, la
Cote d'Ivoire
,
Madagascar
, la
Mauritanie
, le
Moyen-Congo
, le
Gabon
, le
Niger
, le
Senegal
, l'
Oubangui-Chari
et la
Haute-Volta
deviennent des Etats membres.
La
Guinee francaise
, qui refuse la Constitution, devient independante des
1958
. Le president
De Gaulle
reagit en ordonnant aux fonctionnaires et techniciens francais de quitter immediatement la Guinee. Les colons francais emportent avec eux tout leur materiel de valeur, rapatrient les archives souveraines francaises et, surtout, les liens economiques sont rompus. Malgre les difficultes,
Sekou Toure
affirme
≪ plutot la liberte dans la pauvrete que la richesse dans l'esclavage ≫
[
6
]
.
La Communaute ne fonctionne pleinement que durant l'annee
1959
. Des
, des accords sont signes afin de permettre l'independance de
Madagascar
≪ erigee sous la forme republicaine ≫
le 14 octobre 1958 et de la
federation du Mali
(qui regroupe alors le
Senegal
et la
Republique soudanaise
). Alors que la version originelle de la Constitution prevoyait qu'
≪ un Etat membre de la Communaute peut devenir independant. Il cesse de ce fait d'appartenir a la Communaute. ≫
, la loi constitutionnelle du 4 juin 1960 prevoit qu'un Etat puisse devenir independant et,
≪ par voie d'accords ≫
, rester membre de la Communaute
[
7
]
. La modification prevoit egalement qu'un Etat deja independant puisse rejoindre la Communaute mais cette disposition n'est jamais appliquee.
Dans le courant de l'annee
1960
, l'ensemble des Etats membres proclament leur independance
[
8
]
:
- en juin, la federation du Mali et la
Republique malgache
deviennent independants au sein de la Communaute ;
- en aout, le Dahomey, le Niger, la Haute-Volta et la Cote d'Ivoire deviennent independants et quittent la Communaute alors que le Tchad, le Gabon, la
Republique centrafricaine
et le Congo deviennent independants au sein de la Communaute ;
- le 20 aout, le Senegal se retire de la federation du Mali puis, en septembre, la Republique soudanaise devient la
Republique du Mali
et se retire de la Communaute ;
- en novembre, la
Mauritanie
devient independante et quitte la Communaute.
Bien que certains Etats ne se soient pas officiellement retires de la Communaute, celle-ci n'existe
de facto
plus des la fin de l'annee 1960.
Le 16 mars
1961
, le
Premier ministre francais
,
Michel Debre
, et le president du
Senat de la Communaute
,
Gaston Monnerville
, constatent par un echange de lettres la caducite des dispositions constitutionnelles relatives a la Communaute
[
9
]
.
Toutefois, les dispositions de la Constitution relatives a la Communaute ne sont officiellement abrogees que par le chapitre IV de la loi constitutionnelle
n
o
95-880 du 4 aout 1995
[
10
]
.
La Communaute comprend a sa creation :
Le
Cameroun francais
(qui sera reuni a son independance avec une partie du
Cameroun britannique
pour former le
Cameroun
actuel), le
Togo francais
(sous mandat des
Nations unies
, qui deviendra plus tard le
Togo
actuel), les
Nouvelles-Hebrides
(condominium franco-britannique, qui deviendra plus tard le
Vanuatu
) ne font pas partie de la Communaute,
Saint-Barthelemy
et
Saint-Martin
sont integre a la France en tant que commune
guadeloupeenne
et l'
ile clipperton
est integre a la France en tant que dependance de la
polynesie francaise
.
La Constitution, notamment ses articles 77 et 78, prevoit que les Etats jouissent d'une large autonomie et puissent s'administrer librement et elire leurs propres institutions internes. Les competences restantes a la Communaute sont la politique etrangere, la defense, la monnaie, la politique economique et financiere commune et la politique des matieres premieres strategiques. Le controle de la justice, l'enseignement superieur, les transports exterieurs et communs et les telecommunications relevent egalement de la Communaute mais peuvent etre delegues aux Etats.
N'etant plus membres de la Republique francaise, les Etats ne sont pas representes au
Parlement francais
.
La Constitution prevoit que la Communaute soit dotee d'un president, d'un conseil executif, d'un Senat et d'une Cour arbitrale :
- Le president de la Communaute est
ex officio
le
president de la Republique francaise
. Les Etats de la Communaute participent au college electoral charge de son election.
- Le conseil executif de la Communaute est preside par le president de la Communaute et comprend le
Premier ministre francais
, les chefs de gouvernement des Etats membres et les ministres charges des affaires communes de la Communaute.
- Le
Senat de la Communaute
est l'organe legislatif. Il est compose de delegues du
Parlement francais
et des legislatures des Etats.
- La Cour arbitrale est chargee de statuer sur les litiges entre les differents membres de la Communaute.
Est egalement cree un
Service de securite exterieure de la Communaute
.
Un decret du
donne a la Communaute les memes symboles que la Republique francaise :
Marseillaise
,
drapeau tricolore
et
14-Juillet
[
11
]
.
- ↑
Henri Grimal,
La decolonisation de 1919 a nos jours
, Armand Colin 1965. Editions Complexes (nouvelle edition revue et mise a jour) 1985, p. 335.
- ↑
Said Bouamama,
Figures de la revolution africaine
, La Decouverte,
,
p.
127
- ↑
Le colonisateur colonise
de Louis Sanmarco, Ed. Pierre-Marcel Favre-ABC, 1983, p. 211. Voir egalement
Entretiens sur les non-dits de la decolonisation
, de
Samuel Mbajum
et Louis Sanmarco, Ed. de l’Officine, 2007, p. 64.
- ↑
Charles de Gaulle, cite par Alain Peyrefitte,
in C’etait de Gaulle
, Ed. Fayard, 1994, p. 59.
- ↑
C'etait de Gaulle
, t. 2, pp. 457-458.
- ↑
Jacques Le Cornec,
La calebasse dahomeenne ou Les errances du Benin : Du Dahomey au Benin
,
vol.
2, L'Harmattan,
, 592
p.
(
ISBN
978-2-7384-8906-7
,
lire en ligne
)
- ↑
≪
Le projet de loi constitutionnelle tendant a completer les dispositions du titre XII de la Constitution (mai-juin 1960)
≫, sur
Assemblee nationale
.
- ↑
William Benton,
Encyclopædia Britannica World Atlas
, Chicago, London, Toronto, Geneva, Sydney, 1963, p. 57 ? 58.
- ↑
Stephane Diemert,
L’histoire constitutionnelle de l’outre-mer sous la
V
e
Republique
, Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel
n
o
35 (dossier : ≪ La Constitution et l’outre-mer ≫), avril 2012, site du conseil constitutionnel.
- ↑
Loi constitutionnelle
n
o
95-880 du 4 aout 1995,
portant extension du champ d'application du referendum, instituant une session parlementaire ordinaire unique, modifiant le regime de l'inviolabilite parlementaire et abrogeant les dispositions relatives a la Communaute et les dispositions transitoires
, publiee au Journal officiel de la Republique francaise
n
o
181 du 5 aout 1995, p. 11 744
sur legifrance.gouv.fr.
- ↑
Decision du 9 fevrier 1959 fixant l'hymne, la devise et le drapeau de la Communaute, publiee au Journal officiel de la Republique francaise du 17 fevrier 1959, p. 2 051 :
http://www.legifrance.gouv.fr:80/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=19590217&pageDebut=02051&pageFin=&pageCourante=02051
.
- Alexandre Gerbi
,
Histoire occultee de la decolonisation franco-africaine - Impostures, refoulements et nevroses
,
L'Harmattan
, Paris, 2006.
Notices dans des dictionnaires ou encyclopedies generalistes
: