Charles de Saint-Evremond

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Charles Le Marquetel
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Charles de Saint-Evremond , James Parmentier , 1701.
Alias
Saint-Evremond
Naissance
Saint-Denis-le-Gast , Normandie , Drapeau du Royaume de France  Royaume de France
Deces (a 89 ans)
Londres , Drapeau de l'Angleterre Royaume d'Angleterre
Activite principale
Auteur
Mouvement Libertinisme
Genres

Charles Le Marquetel, dit Saint-Evremond , seigneur de Saint-Denis et de Saint-Ebremond , ondoye le et baptise le a Saint-Denis-le-Gast (en Normandie ) et mort le a Londres , est un moraliste et critique libertin francais.

Biographie [ modifier | modifier le code ]

1614-1661 : une premiere partie de vie en France [ modifier | modifier le code ]

Buste de Charles de Saint-Evremond dans sa commune natale de Saint-Denis-le-Gast.

Eleve chez les Jesuites, au college de Clermont , il entreprit des etudes de droit a Caen , avant de s'engager avec distinction dans la carriere des armes. Ce soldat lettre et homme du monde connut d’abord une brillante carriere militaire dans l’etat-major du prince de Conde sous le duc d’Enghien et sous le marechal d’Hocquincourt . Sa bravoure le signala a Rocroy, a Fribourg, a Nordlingen et dans les campagnes d’Allemagne et des Flandres.

Dans le meme temps, il cultivait les lettres avec un esprit de raillerie et de satire, se liant a des hommes de marque - tels Turenne , Crequy , d'Olonne ou Clerembault - sans toutefois negliger le plaisir vers lequel le portait sa nature epicurienne , lorsque ses railleries sur Conde lui firent perdre sa lieutenance en 1648. La Fronde lui donna l’occasion de montrer son courage et son esprit. Ayant pris le parti de la Cour, dont il devint marechal de camp en 1652, il resta fidele a la cause royale et composa un spirituel pamphlet : la Retraite de M. de Longueville en Normandie .

En 1656, il cree l'ordre des coteaux de Champagne.

Recherche dans la societe comme le modele du ≪ galant homme et (de) l’homme honnete ≫, charmant les salons par sa vive causerie et les ruelles par ses madrigaux , tenant le premier role chez Ninon de Lenclos , faisant figure aux soupers des gourmets lettres, il menait une vie conforme a ses gouts, avant de tomber en disgrace aux yeux du Roi suite de la decouverte en 1661 de sa Lettre au marquis de Crequi sur la paix des Pyrenees (1659), vive critique du Cardinal Mazarin .

1661-1703 : une seconde partie de vie en Angleterre [ modifier | modifier le code ]

Contraint de s’exiler vers la fin de l'annee 1661, il se refugia en Hollande , puis en Angleterre ou la Cour et les cercles litteraires lui firent bon accueil. Le roi Charles II le recut et lui attribua une pension de trois cent livres sterling . Il mena une vie d’ epicurien , frequentant l’elite de l’aristocratie et des gens de lettres. Quand la duchesse de Mazarin s’etablit a Londres , il devint son chancelier, l’aidant a constituer un salon repute ou se reunissaient les grands ecrivains anglais de l'epoque, et dont il devint l’un des principaux acteurs. L’usage du francais etait alors si repandu en Angleterre que Saint-Evremond ne se donna la peine d’apprendre de la langue anglaise que ce dont il avait besoin pour la vie quotidienne et, lorsqu’il residait a la campagne, dans ses relations avec les paysans. Il frequentait, en outre, au cote de Dryden , de Temple et de Swift , le cafe litteraire de Will, sans interrompre ses relations avec ses amis francais, avec qui il entretenait une vive correspondance. Des deux cotes de la Manche , on faisait appel a son gout et a son jugement pour resoudre les questions delicates.

La decouverte de la Lettre au marquis de Crequi ne semble pas suffire a expliquer une si longue disgrace ; Voltaire , dans le Siecle de Louis  XIV , l'attribue a une cause secrete, restee inconnue. Ses mœurs n’y etaient sans doute pas etrangeres. Il aurait ete le destinataire de l'une des Lettres de Cyrano de Bergerac , adressee a ≪ Mademoiselle de Saint-Denis ≫. Lui-meme fit allusion a la raison pour laquelle le sejour de l’Angleterre lui paraissait desormais preferable a sa vie en France :

J’ai vu le temps de la bonne Regence ,
Temps ou regnait une heureuse abondance
Temps ou la ville aussi bien que la cour
Ne respiraient que les jeux et l’amour.
Une politique indulgente
De notre nature innocente
Favorisait tous les desirs
Tout gout paraissait legitime.
La douce erreur ne s’appelait point crime.
Les vices delicats se nommaient des plaisirs.

De nombreuses demarches avaient ete entreprises pour solliciter la fin de son exil; elles n’aboutirent qu’en 1689, lorsque Louis XIV l’autorisa enfin a rentrer en France. Fort age, Saint-Evremond s'y refusa, s'etant habitue a la vie en Angleterre, aux faveurs de Guillaume III , et cherissant l'affection de la duchesse de Mazarin . Aussi finit-il sa vie a Londres ou il s’eteignit a l'age avance de quatre-vingt-dix ans. Fidele a ses croyances, il refusa la visite de pretres et de pasteurs, mais eut l’honneur d'etre inhume dans le coin des poetes de l’ abbaye de Westminster .

Œuvres [ modifier | modifier le code ]

A l’exception de la Comedie des academistes, raillant les suppressions et corrections linguistiques de l’ Academie francaise , ses œuvres furent, de son vivant, diffusees clandestinement. Elles ne furent editees qu’apres sa mort. Par bien des aspects, l’incredulite et le scepticisme qui transparaissent chez celui qui se definit lui-meme comme ≪ un philosophe egalement eloigne du superstitieux et de l’impie ; un voluptueux qui n’a pas moins d’aversion pour la debauche que d’inclination pour les plaisirs ≫ laissent presager les tendances philosophiques qui caracteriseront les Lumieres au siecle suivant. Un trait particulier de sa physionomie litteraire est en effet de representer le critique de profession tel qu’on le trouve au siecle suivant. Ses ecrits denotent une tolerance et une independance d’esprit qui en font l’un des principaux representants du courant libertin du XVII e  siecle. Saint-Evremond y apparait comme le type meme de l’ideal de l’≪ honnete homme ≫ recherche par son siecle. Dans ses dissertations, generalement courtes, il ouvre des apercus souvent justes, toujours ingenieux. A la delicatesse, a la sagacite et a la finesse de la raison, il unit la mesure, sans cesser de juger librement d’apres ses opinions personnelles. Il emit, dans la Querelle des Anciens et des Modernes , des idees des plus justes : ≪ Il faut convenir, dit-il, que la Poetique d’Aristote est un excellent ouvrage ; cependant il n’y a rien d’assez parfait pour regler toutes les nations et tous les siecles… Si Homere vivait presentement, il ferait des poemes admirables, accommodes au siecle ou il ecrirait. Ses poemes seront toujours des chefs-d’œuvre, non pas en tout des modeles. Ils formeront notre jugement et le jugement reglera la disposition des choses presentes. ≫.

L’incredulite religieuse caracterisa cet epicurien bien moins convaincu de l’immortalite de l’ame que de l’authenticite de la bonne chere et des beuveries. La plus fameuse de ses œuvres demeure sans aucun doute la Conversation du marechal d’Hocquincourt avec le pere Canaye , merveille d’esprit et de raillerie. Son œuvre historique, les Reflexions sur les divers genies du peuple romain (1663), inspira les theories de Montesquieu . Saint-Evremond aborde divers themes, de la litterature ( Sur nos comedies , De quelques livres espagnols, italiens et francais , Reflexions sur la tragedie ancienne et moderne et Defense de quelques pieces de Corneille ) a l’histoire contemporaine ( Parallele de M. le Prince et de M. de Turenne ) . C’est sans conteste dans son abondante correspondance que celui-ci a livre le meilleur d’une pensee marquee du sceau de l’independance, du scepticisme et de l’ironie, et opposee a tout esprit de systeme.

L’ecriture demeura un divertissement pour Saint-Evremond, qui refusa longtemps de faire imprimer ses ouvrages.Ceux-ci circulerent en manuscrits, dont la rarete ajouta au succes. On en fit, sans son consentement, des editions peu exactes. Celle de Barbin ( 1668 , in-12) se vendit si rapidement qu’on se mit a imprimer sous son nom des pieces qui n’etaient pas de lui. Enfin, il se decida a preparer avec Des Maizeaux une edition que celui-ci publia apres sa mort, sous le titre de les Veritables œuvres de M.  de Saint-Evremond, publiees sur les manuscrits de l’auteur (Londres, 1705 , 3 vol. in-4° ; 1708 , 7 vol. in-12, Amsterdam, 1726 , 7 vol. in-12, Paris, 1740 , 10 vol. in-12; 1753 , 12 vol. in-12).

Publications [ modifier | modifier le code ]

  • Œuvres melees (1643-1692), et puis une edition corrigee (1705).
  • Retraite de M. le duc de Longueville en Normandie (1649)
  • Les Academistes (1650) satire dialoguee, composee contre l’Academie francaise.
  • Conversation du marechal d’Hocquincourt avec le Pere Canaye (1656)
  • Lettre au marquis de Crequi sur la paix des Pyrenees (1659)
  • Reflexions sur les divers genies du peuple romain (1663)
  • De quelques livres espagnols, italiens et francais (1668 ?)
  • Reflexions sur la tragedie ancienne et moderne (1672)
  • Parallele de M. le Prince et de M. de Turenne (1673)
  • Sur nos comedies , ou l’auteur raille le nouveau genre de spectacle introduit en France. (1677)
  • Defense de quelques pieces de Corneille (1677)
  • Discours sur Epicure ( 1684 )
  • Les Pensees sur l’honnetete de Damien Mitton ont ete attribuees a Saint-Evremond dans la premiere edition des Œuvres melees .

Editions [ modifier | modifier le code ]

  • Les Opera , Ed. Robert Finch et Eugene Joliat, Geneve, Droz, 1979
  • Œuvres en prose , Ed. Rene Ternois, Paris, Didier, 1962
  • La Comedie des academistes , Ed. Louis d’Espinay Etelan, Paolo Carile et al. , Paris, Nizet, 1976
  • Entretiens sur toutes choses , Ed. David Bensoussan, Paris, Desjonqueres, 1998 ( ISBN   2-84321-010-0 )
  • Ecrits philosophiques , Ed. Jean-Pierre Jackson, Paris, Alive, 1996 ( ISBN   2-911737-01-6 )
  • Reflexions sur les divers genies du peuple romain dans les divers temps de la republique , Napoli, Jovene, 1982
  • Conversations et autres ecrits philosophiques , Paris, Aveline , 1926
  • Lettres , Ed. intro. Rene Ternois, Paris, Didier, 1967
  • Maximes et œuvres diverses , Paris, Editions du Monde Moderne, 1900-1965
  • Pensees d’Epicure precedees d’un Essai sur la morale d’Epicure Paris, Payot 1900

En ligne [ modifier | modifier le code ]

Notes et references [ modifier | modifier le code ]

Voir aussi [ modifier | modifier le code ]

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Bibliographie [ modifier | modifier le code ]

  • A.Ch. Gidel, Œuvres choisies de Saint-Evremond , SD (circa 1866) Paris, Garnier freres
  • Antoine Adam, Les Libertins au XVII e  siecle , Paris, Buchet/Chastel 1964
  • Patrick Andrivet , Saint-Evremond et l’histoire romaine , Orleans, Paradigme, 1998 ( ISBN   2-86878-184-5 )
  • H.T. Barnwell, Les Idees morales et critiques de Saint-Evremond : essai d’analyse explicative , Paris, PUF, 1957
  • Patrice Bouysse, Essai sur la jeunesse d’un moraliste : Saint-Evremond (1614-1661) , Seattle, Papers on French Seventeenth Century Literature, 1987
  • Gustave Cohen , Le Sejour de Saint-Evremond en Hollande , Paris, Champion, 1926
  • Walter Daniels, Melville Saint-Evremond en Angleterre , Versailles, L. Luce, 1907
  • Charles Giraud, Histoire de la vie et des ouvrages de l'auteur, en tete d'un edition de 1865 des Œuvres melees
  • Souad Guellouz , Entre Baroque et lumieres : Saint-Evremond (1614-1703) : colloque de Cerisy-la-Salle (25- ) , Caen : Presses universitaires de Caen, 2000 ( ISBN   2-84133-111-3 )
  • Suzanne Guellouz, Saint-Evremond au miroir du temps : actes du colloque du tricentenaire de sa mort, Caen - Saint-Lo (9- ) , Tubingen, Narr, 2005 ( ISBN   3-8233-6115-5 )
  • Celestin Hippeau, Les Ecrivains normands au XVII e  siecle : Du Perron , Malherbe , Bois-Robert , Sarasin , P. Du Bosc , Saint-Evremond , Geneve, Slatkine Reprints , 1970
  • Mario Paul Lafargue, Saint-Evremond ; ou, Le Petrone du XVII e  siecle , Paris, Societe d’editions exterieures et coloniales, 1945
  • Gustave Merlet Saint-Evremond : etude historique morale et litteraire; suivie de fragments en vers et en prose , Paris, A. Sauton, 1870
  • (it) Luigi de Nardis, Il Cortegiano e l’eroe, studio su Saint-Evremond , Firenze, La Nuova Italia Editrice, 1964
  • Michel Onfray, Les libertins baroques , Contre-histoire de la philosophie, t.3, Grasset (2008), ch.III
  • Leon Petit, La Fontaine et Evremond : ou, La tentation de l’Angleterre , Toulouse, Privat, 1953
  • Jacques Prevot , Libertins du XVII e  siecle , v. 2, Paris, Gallimard, 1998-2004 ( ISBN   2-07-011569-0 )
  • (de) Gottlob Reinhardt, Saint-Evremonds Urteile und Gedanken uber die alten Griechen und Romer , Saalfeld am Saale, 1900
  • Leonard Rosmarin , Saint-Evremond : artiste de l’euphorie , Birmingham, Summa Publications, 1987 ( ISBN   0-917786-52-1 )
  • Albert-Marie Schmidt, Saint-Evremond ; ou, L’humaniste impur , Paris, Editions du Cavalier, 1932
  • K. Spalatin, Saint-Evremond , Zagreb, These de doctorat de l’Universite de Zagreb, 1934
  • Claude Taittinger , Saint-Evremond, ou, Le bon usage des plaisirs , Paris, Perrin, 1990 ( ISBN   2-262-00765-9 )
  • Claude Le Roy, "Saint-Evremond, l'art du bien vivre", Milon La Chapelle, H&D, 2013, ( ISBN   978-2-9142-6625-3 )

Liens externes [ modifier | modifier le code ]