Le
champleve
est une technique de travail de l'
email
utilisee dans les
arts decoratifs
. Elle consiste a oter un peu de matiere pour y incruster de l'email. Le nom vient du francais pour ≪ champ sureleve ≫, ≪ champ ≫ signifiant arriere-plan, bien que la technique dans la pratique abaisse la zone a emailler plutot que de soulever le reste de la surface
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1
]
.
Le terme de champleve definit aussi un type de gravure d'objets prehistoriques represente par exemple sur le baton grave du
Gravettien
trouve dans la
grotte du Renne
a
Arcy-sur-Cure
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2
]
.
Le champ a decorer sur le metal ou la ceramique non cuite est creuse au burin en epargnant les cloisons qui vont definir et limiter les alveoles (aussi appelees champs). L'
email
ou la
barbotine
est place dans ces alveoles (la barbotine en excedent est raclee) puis le tout est cuit. Cette technique, derivee du
cloisonne
dans le cas du travail du metal, produit un travail plus fin et dans une grande variete de couleurs.
La ceramique peut tout aussi bien etre recouverte d'un email transparent d'une seule couleur, qui se deposera donc en couche plus epaisse dans les creux et fera ainsi apparaitre les motifs dans la meme gamme de tons, clairs, des reliefs, et sombres, des creux.
La technique du champleve est connue des l'Antiquite. Des le
III
e
siecle
av. J.-C.
, les
Celtes
experimentent une premiere ebauche de la technique du champleve en coulant l'email dans des cavites moulees en creux, sur un support de bronze
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]
. On peut admirer un des premiers exemples connus de cette technique sur le
bouclier de Battersea
. Les Celtes perfectionneront cette technique par l’application a chaud de verre colore et opaque de couleur rouge sur des metaux. A partir du
I
er
siecle
av. J.-C.
apparaissent d’autres couleurs, grace a l’ambre et l’ivoire, le jaune, puis le bleu principalement
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4
]
.
L'Empire romain en pleine expansion entre en contact avec les Celtes et diffuse la technique du champleve sur tout son territoire, dans une version plus sophistiquee. Les Celtes ne chauffaient le verre que jusqu’a ce qu’il devienne une pate molle avant d’etre mis en place. Ceci est parfois connu sous le nom d’emaillage de ≪ cire a cacheter ≫. Les Romains vont mettre en place la pate de verre et la cuire jusqu’au moment ou elle se liquefie
[
1
]
.
Au
IV
e
siecle les Huns envahissent l’Europe occidentale, forcant les Germains et les Goths a la fuite. Le style du cloisonne barbare est reintroduit dans ces territoires
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5
]
. La technique du champleve sera ensuite largement oubliee en Europe, du
V
e
au
X
e
siecle, malgre une continuite sporadique dans le sud de l'Allemagne et la Pannonie
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]
. Pendant cette periode, la technique du cloisonne va prendre la releve du champleve, dans la production d'emaux europeens.
Experimentes a l'
abbaye Sainte-Foy de Conques
, sous l’abbe Boniface, au debut du
XII
e
siecle, les emaux champleves sont alors redecouverts. Un des premiers exemples est le reliquaire de l’abbe Boniface de Saint-Foy, produit en 1120. La technique desormais employee differe legerement de celle des Celtes : les champs ne sont plus formes dans le bronze en fusion comme dans l’email celtique, mais dans les alveoles produites au ciseau ou par morsure acide
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]
. Par ailleurs, la couleur dominante n'est plus le rouge, mais le bleu
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]
. Il etait en effet tres cher de se procurer des pigments bleus pour la peinture, mais les emaux bleus etaient relativement abordables.
On distingue deux foyers de production :
- l'Europe meridionale (nord de l’Espagne et sud-ouest de la France), avec pour centres majeurs Conques, Burgos (
abbaye de Silos
) et Limoges
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]
. Ces villes beneficient de leur localisation sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, dont le pape
Calixte II
a encourage le pelerinage au debut du
XII
e
siecle ;
- l'Europe rheno-mosane (etendue jusqu’a la Saxe, l’Angleterre et la Champagne)
[
7
]
, quelques dizaines d'annees plus tard, avec pour centres majeurs Namur, Liege, Stavelot et Cologne
[
5
]
. Elle se distingue de la production meridionale par une palette de couleurs plus froides.
Des ateliers proto-industriels y sont crees, permettant une production nombreuse et variee. En parallele d'œuvres relativement bon marche, produites en masse, ces ateliers concoivent egalement des pieces uniques et tres sophistiquees. L'
art roman
est l'esthetique dominante des emaux champleves de cette periode.
En 1215, le
concile de Latran IV
decide d'autoriser l’emploi de l’email champleve pour les vases sacres
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7
]
, ce qui stimule la demande dans toute l'Europe.
Au
XIV
e
siecle,
Sienne
devient le foyer d’une nouvelle technique
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]
. C’est le champleve basse-taille, ou l’on applique des emaux translucides sur un bas-relief au ciseau, au fond moins rugueux que pour l'email champleve. Les techniques du cloisonne et du champleve sont alors abandonnees au
XV
e
siecle au profit des emaux translucides.
La
ceramique coreenne
en a fait une specialite sous la forme de certains gres
buncheong
: les parties creusees servent autant a tracer le motif, au trait, qu'a definir des surfaces. Le jeu de couleur se fait avec le gres, sombre, et la barbotine, claire. La barbotine est placee dans les parties reservees par de larges coups de pinceaux qui recouvrent la totalite de la piece et ensuite, lorsque la barbotine est seche, la piece est raclee pour decouvrir les motifs.
Une autre technique
buncheong
consiste a recouvrir le gres de barbotine, puis a creuser les motifs dans la barbotine seche, sans autre operation : dans ce cas, cette technique est similaire au
sgraffite
et non au champleve. Les ceramiques coreennes sont ensuite recouvertes d'un email
celadon
transparent.
Une technique similaire etait connue sous le nom de
七?象嵌
(
shippou-zogan
?
) au Japon
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9
]
. On l'utilisait notamment pour orner la garde (
tsuba
) des sabres.
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