La
censure
(
??
,
Ken'etsu
?
)
de l'empire du Japon
est la continuation d'une longue tradition commencee a l'epoque feodale au
Japon
. La censure de la presse par le gouvernement existait deja pendant l'
epoque Edo
(1603-1867), le
shogunat Tokugawa
etait a bien des egards un
Etat policier
. Elle avait pour but de controler la diffusion des informations, comme le
christianisme
, l'afflux des idees occidentales, la
pornographie
ou les critiques vis-a-vis de la politique du
shogun
ou du gouvernement.
D'autre part, le
tabou du chrysantheme
contribue a renforcer la censure concernant les critiques de l'
empereur du Japon
.
Apres la
restauration de Meiji
, la censure de l'information mit l'accent sur la protection de l'empereur et du nouveau
gouvernement de Meiji
. Les ideaux de la
democratie liberale
furent consideres comme dangereusement subversifs et furent vises par l'
ordonnance de publication de 1869
(
出版?例
,
Shuppan J?rei
?
)
qui bannissait certains sujets (comme la pornographie) et imposa un controle de toutes les publications avant d'approuver leurs sorties publiques. Initialement utilisee pour servir de
droit d'auteur
, cette methode fut rapidement adoptee pour controler les critiques contre le gouvernement.
Avec l'etablissement d'un
cabinet
au gouvernement, le
ministere des Affaires interieures
fut affecte a cette tache visant particulierement les journaux. Le succes du
mouvement pour la liberte et les droits du peuple
provoqua la reaction des elements conservateurs du gouvernement qui firent passer de severes lois sur la
diffamation
en 1875, en plus de la draconienne
ordonnance sur la presse de 1875
(
新聞紙?例
,
Shimbunshi J?rei
?
)
qui etait tellement stricte qu'elle fut surnommee la "loi d'abolition de la presse" car elle permettait au ministere des Affaires interieures d'interdire et de fermer un journal fautif que le gouvernement jugeait dangereux pour l'ordre public ou la
securite d'Etat
. L'ordonnance fut meme encore renforcee avec les revisions de 1887 qui etendaient les sanctions jusqu'aux auteurs et aux editeurs et restreignaient l'importation de journaux en langue etrangere aux contenus juges scabreux.
L'une des plus celebres affaires de censure de cette ere fut l'
affaire Kume
, dans laquelle l'historien
Kume Kunitake
fut contraint a la demission apres avoir publie en
octobre 1891
dans la revue
Shigaku zasshi
un article critiquant le
shintoisme
, alors que celui-ci venait d'etre eleve au rang de
religion d'Etat
.
Durant la
guerre sino-japonaise (1894-1895)
et la
guerre russo-japonaise
(1904-05), le
ministere de la Guerre
imposa egalement des restrictions sur l'information.
Les lois de censure fut encore revues en 1893 avec la
loi de publication de 1893
(
出版法
,
Shuppan H?
?
)
qui restera virtuellement inchangee jusqu'en 1949. De nouveaux controles de la presse suivirent avec la
loi sur la presse de 1909
(
新聞紙?例
,
Shimbunshi Jorei
?
)
qui detaillait les sanctions appliquees pour les infractions.
Bien que l'
ere Taish?
soit vue comme une periode liberale, ce fut aussi une periode de grands bouleversements sociaux ou le controle du gouvernement sur la diffusion des pensees politiques jugees dangereuses s'intensifia, surtout envers le
socialisme
, le
communisme
et l'
anarchisme
. Apres la
Premiere Guerre mondiale
, les
lois de Preservation de la Paix
de 1925 augmenterent les pouvoirs de la
police
pour poursuivre les diffuseurs du socialisme et du
mouvement d'independance coreen
. Les restrictions de la censure furent egalement elargies aux groupes religieux. En 1928, la
peine de mort
fut ajoutee pour certains infractions et la
Tokk?
("haute police speciale") fut creee pour s'occuper des infractions ideologiques.
En 1924, le departement de surveillance des publications du ministere des Affaires interieures fut cree avec des sections distinctes pour la censure, les enquetes et les affaires generales. Avec le declenchement de la
guerre sino-japonaise (1937-1945)
, le ministere des Affaires interieures, le ministere de la Guerre, le
ministere de la Marine
et le
ministere des Affaires etrangeres
tinrent des reunions regulieres avec les editeurs pour les conseiller sur la facon de respecter la censure de plus en plus stricte. De meme pour les sanctions qui furent de plus en plus severes, et les
enregistrements sonores
(comme les
emissions de radio
) devinrent aussi censures par le gouvernement.
En 1936, un comite d'information et de propagande fut cree au sein du ministere des Affaires interieures pour s'occuper de la diffusion de tous les
communiques de presse
officiels, tout en travaillant avec le departement de surveillance des publications sur les questions de censure. Les activites de ce comite, forme de militaires et de politiciens reunis en "division" (
Naikaku j?h?bu
) en
, furent autant d'interdire que d'avertir. Outre d'appliquer la censure a tous les medias et d'emettre des directives detaillees aux editeurs, il faisait aussi des suggestions sur tout sauf les commandes. A partir de 1938, les medias sur papier "viennent a se rendre compte que leur survie dependait de leurs liens avec le bureau d'information du cabinet et de sa publication officielle,
Shashin sh?h?
, qui decidait de l'image de l'armee et de l'image de la guerre.
L'article 12 des directives de la censure pour les journaux emis en
indiquait que tous les nouveaux articles ou photographies "defavorables" a l'armee imperiale etaient sujets a l'interdiction de diffusion. L'article 14 interdisait les "photographies d'atrocites" mais permettait les articles sur la "cruaute des soldats et civils chinois".
En donnant l'exemple du
massacre de Nankin
,
Tokushi Kasahara
de l'universite de Tsuru affirme que : "Certains detracteurs arguaient que Nankin etait beaucoup plus calme que nous ne le pensions en general. Ils montraient des photographies de refugies de Nankin qui vendaient de la nourriture dans les rues ou de Chinois dans les camps tout sourire. Ils en oubliaient la propagande japonaise. L'armee imperiale imposait une censure severe. Des photographies de cadavres ne pouvaient pas passer. Les photographes devaient enlever les corps avant de prendre des cliches de rues ou de batiments de ville. (...) Meme si les photos n'etaient pas mises en scene, les refugies devaient obeir aux soldats japonais. Ils etaient tues s'ils refusaient..."
L'un des plus celebres exemples de la censure concerne la fin de
Mugi to heitai
("Ble et soldats"), le best-seller d'
Ashihei Hino
. Plusieurs phrases dans lesquelles cet auteur, connu pour sa participation a l'effort de guerre, decrit la decapitation de trois soldats chinois furent apparemment supprimees dans les versions du texte publiees avant 1945.
En 1940, le
departement d'information et de propagande
(
情報部
,
J?h?bu
?
)
devint le bureau d'information
(
情報局
,
J?h?kyoku
?
)
, qui reunissait les departements d'information distincts des ministeres de la Guerre, de la Marine et des Affaires etrangeres au sein du ministere des Affaires interieures. Ce nouveau J?h?kyoku avait un controle total sur toutes les informations, publicites et evenements publics. Il etait dirige par un president (
s?sai
) directement responsable aupres du premier ministre et avait une equipe de 600 personnes dont beaucoup de militaires. En
, il distribua aux editeurs une liste noire d'ecrivains qu'il conseilla de ne pas publier.
Les porte-paroles officiels du
Naikaku Joh?kyoku
, comme le vice-president
Hideo Okumura
, le major-general
Nakao Nahagi
et le capitaine
Hideo Hiraide
, devinrent des personnalites tres populaires. Ils accordaient des conferences de presse, parlaient a la radio et ecrivaient pour les journaux.
Le
Naikaku Joh?kyoku
ne traitait toutefois que les questions civiles. Les rapports de guerre etaient le domaine du
Daihonei h?d?bu
, le service de presse du
quartier-general imperial
qui comprenait les services de presse de l'armee et de la Marine. Le
Daihonei h?d?bu
envoyait ses propres correspondants de guerre mais embauchait parfois des civils pour les couvertures.
La revision de la
loi de mobilisation generale de l'Etat
(
?家?動員法
,
Kokka S?d?in H?
?
)
de 1941 supprima la
liberte de la presse
. Tout le courrier etait sujet au controle. En
, tous les journaux recurent l'ordre de fusionner ou de cesser toutes publications. La ligue des editeurs du Japon (
Nihon shimbun remmei
), reorganisee en l'association des editeurs japonais (
Nihon shimbunkai
), accepta de cooperer avec le gouvernement en effectuant un suivi interne de tous ses membres par une auto-exclusion de brouillons et manuscrits avant une presentation aux censeurs gouvernementaux. Comme la situation militaire du Japon se deteriora, le gouvernement prit le controle de la distribution de papier, distribuant du materiel uniquement pour la politique officielle. En 1944, seuls 34 magazines furent publies et, en 1945, seulement un.
Apres la signature des
Actes de capitulation du Japon
en
, le
commandant supreme des forces alliees
abolit toutes formes de censure ou de controle sur la
liberte de la presse
(article 21 de la
constitution du Japon
de 1947). Cependant, une censure perdura en realite apres-guerre, specialement en matiere de pornographie, et de sujets politiques juges subversifs par le gouvernement americain pendant l'occupation du Japon.
Selon David M. Rosenfeld :
≪ La censure de l'occupation interdisait les critiques vis-a-vis des
Etats-Unis
ou des autres nations alliees, mais la notion de censure elle-meme etait interdite. Cela signifiait, selon les observations de
Donald Keene
, que pour certains ecrivains ou journalistes "la censure de l'occupation fut peut-etre meme plus severe que la censure militaire d'avant-guerre parce qu'elle insistait sur le fait que toutes traces de censure soient dissimulees. Cela signifiait que des articles etaient completement reecrits plutot que de simplement supprimer les phrases genantes". ≫
- (en)
Ky?ko
Hirano
,
Mr. Smith Goes to Tokyo : The Japanese Cinema Under the American Occupation, 1945?1952
, Washington, D.C.,
Smithsonian Institute
,
(
ISBN
1560981571
et
1560984023
,
OCLC
25367560
)
- (en)
Richard H.
Mitchell
,
Censorship in Imperial Japan
, Princeton, N.J.,
Princeton University Press
,
, 424
p.
(
ISBN
978-0-691-05384-4
,
OCLC
9219486
)