Censure de l'empire du Japon

Un article de Wikipedia, l'encyclopedie libre.
Censeurs du gouvernement au travail au departement de la Police Metropolitaine de Tokyo en 1938.

La censure ( ?? , Ken'etsu ? ) de l'empire du Japon est la continuation d'une longue tradition commencee a l'epoque feodale au Japon . La censure de la presse par le gouvernement existait deja pendant l' epoque Edo (1603-1867), le shogunat Tokugawa etait a bien des egards un Etat policier . Elle avait pour but de controler la diffusion des informations, comme le christianisme , l'afflux des idees occidentales, la pornographie ou les critiques vis-a-vis de la politique du shogun ou du gouvernement.

D'autre part, le tabou du chrysantheme contribue a renforcer la censure concernant les critiques de l' empereur du Japon .

Ere Meiji (1868-1912) [ modifier | modifier le code ]

Apres la restauration de Meiji , la censure de l'information mit l'accent sur la protection de l'empereur et du nouveau gouvernement de Meiji . Les ideaux de la democratie liberale furent consideres comme dangereusement subversifs et furent vises par l' ordonnance de publication de 1869 ( 出版?例 , Shuppan J?rei ? ) qui bannissait certains sujets (comme la pornographie) et imposa un controle de toutes les publications avant d'approuver leurs sorties publiques. Initialement utilisee pour servir de droit d'auteur , cette methode fut rapidement adoptee pour controler les critiques contre le gouvernement.

Avec l'etablissement d'un cabinet au gouvernement, le ministere des Affaires interieures fut affecte a cette tache visant particulierement les journaux. Le succes du mouvement pour la liberte et les droits du peuple provoqua la reaction des elements conservateurs du gouvernement qui firent passer de severes lois sur la diffamation en 1875, en plus de la draconienne ordonnance sur la presse de 1875 ( 新聞紙?例 , Shimbunshi J?rei ? ) qui etait tellement stricte qu'elle fut surnommee la "loi d'abolition de la presse" car elle permettait au ministere des Affaires interieures d'interdire et de fermer un journal fautif que le gouvernement jugeait dangereux pour l'ordre public ou la securite d'Etat . L'ordonnance fut meme encore renforcee avec les revisions de 1887 qui etendaient les sanctions jusqu'aux auteurs et aux editeurs et restreignaient l'importation de journaux en langue etrangere aux contenus juges scabreux.

L'une des plus celebres affaires de censure de cette ere fut l' affaire Kume , dans laquelle l'historien Kume Kunitake fut contraint a la demission apres avoir publie en octobre 1891 dans la revue Shigaku zasshi un article critiquant le shintoisme , alors que celui-ci venait d'etre eleve au rang de religion d'Etat .

Durant la guerre sino-japonaise (1894-1895) et la guerre russo-japonaise (1904-05), le ministere de la Guerre imposa egalement des restrictions sur l'information.

Les lois de censure fut encore revues en 1893 avec la loi de publication de 1893 ( 出版法 , Shuppan H? ? ) qui restera virtuellement inchangee jusqu'en 1949. De nouveaux controles de la presse suivirent avec la loi sur la presse de 1909 ( 新聞紙?例 , Shimbunshi Jorei ? ) qui detaillait les sanctions appliquees pour les infractions.

Ere Taish? (1912-1926) [ modifier | modifier le code ]

Bien que l' ere Taish? soit vue comme une periode liberale, ce fut aussi une periode de grands bouleversements sociaux ou le controle du gouvernement sur la diffusion des pensees politiques jugees dangereuses s'intensifia, surtout envers le socialisme , le communisme et l' anarchisme . Apres la Premiere Guerre mondiale , les lois de Preservation de la Paix de 1925 augmenterent les pouvoirs de la police pour poursuivre les diffuseurs du socialisme et du mouvement d'independance coreen . Les restrictions de la censure furent egalement elargies aux groupes religieux. En 1928, la peine de mort fut ajoutee pour certains infractions et la Tokk? ("haute police speciale") fut creee pour s'occuper des infractions ideologiques.

Ere Sh?wa (periode de 1926 a 1945) [ modifier | modifier le code ]

En 1924, le departement de surveillance des publications du ministere des Affaires interieures fut cree avec des sections distinctes pour la censure, les enquetes et les affaires generales. Avec le declenchement de la guerre sino-japonaise (1937-1945) , le ministere des Affaires interieures, le ministere de la Guerre, le ministere de la Marine et le ministere des Affaires etrangeres tinrent des reunions regulieres avec les editeurs pour les conseiller sur la facon de respecter la censure de plus en plus stricte. De meme pour les sanctions qui furent de plus en plus severes, et les enregistrements sonores (comme les emissions de radio ) devinrent aussi censures par le gouvernement.

En 1936, un comite d'information et de propagande fut cree au sein du ministere des Affaires interieures pour s'occuper de la diffusion de tous les communiques de presse officiels, tout en travaillant avec le departement de surveillance des publications sur les questions de censure. Les activites de ce comite, forme de militaires et de politiciens reunis en "division" ( Naikaku j?h?bu ) en , furent autant d'interdire que d'avertir. Outre d'appliquer la censure a tous les medias et d'emettre des directives detaillees aux editeurs, il faisait aussi des suggestions sur tout sauf les commandes. A partir de 1938, les medias sur papier "viennent a se rendre compte que leur survie dependait de leurs liens avec le bureau d'information du cabinet et de sa publication officielle, Shashin sh?h? , qui decidait de l'image de l'armee et de l'image de la guerre.

L'article 12 des directives de la censure pour les journaux emis en indiquait que tous les nouveaux articles ou photographies "defavorables" a l'armee imperiale etaient sujets a l'interdiction de diffusion. L'article 14 interdisait les "photographies d'atrocites" mais permettait les articles sur la "cruaute des soldats et civils chinois".

En donnant l'exemple du massacre de Nankin , Tokushi Kasahara de l'universite de Tsuru affirme que : "Certains detracteurs arguaient que Nankin etait beaucoup plus calme que nous ne le pensions en general. Ils montraient des photographies de refugies de Nankin qui vendaient de la nourriture dans les rues ou de Chinois dans les camps tout sourire. Ils en oubliaient la propagande japonaise. L'armee imperiale imposait une censure severe. Des photographies de cadavres ne pouvaient pas passer. Les photographes devaient enlever les corps avant de prendre des cliches de rues ou de batiments de ville. (...) Meme si les photos n'etaient pas mises en scene, les refugies devaient obeir aux soldats japonais. Ils etaient tues s'ils refusaient..."

L'un des plus celebres exemples de la censure concerne la fin de Mugi to heitai ("Ble et soldats"), le best-seller d' Ashihei Hino . Plusieurs phrases dans lesquelles cet auteur, connu pour sa participation a l'effort de guerre, decrit la decapitation de trois soldats chinois furent apparemment supprimees dans les versions du texte publiees avant 1945.

En 1940, le departement d'information et de propagande ( 情報部 , J?h?bu ? ) devint le bureau d'information ( 情報局 , J?h?kyoku ? ) , qui reunissait les departements d'information distincts des ministeres de la Guerre, de la Marine et des Affaires etrangeres au sein du ministere des Affaires interieures. Ce nouveau J?h?kyoku avait un controle total sur toutes les informations, publicites et evenements publics. Il etait dirige par un president ( s?sai ) directement responsable aupres du premier ministre et avait une equipe de 600 personnes dont beaucoup de militaires. En , il distribua aux editeurs une liste noire d'ecrivains qu'il conseilla de ne pas publier.

Les porte-paroles officiels du Naikaku Joh?kyoku , comme le vice-president Hideo Okumura , le major-general Nakao Nahagi et le capitaine Hideo Hiraide , devinrent des personnalites tres populaires. Ils accordaient des conferences de presse, parlaient a la radio et ecrivaient pour les journaux.

Le Naikaku Joh?kyoku ne traitait toutefois que les questions civiles. Les rapports de guerre etaient le domaine du Daihonei h?d?bu , le service de presse du quartier-general imperial qui comprenait les services de presse de l'armee et de la Marine. Le Daihonei h?d?bu envoyait ses propres correspondants de guerre mais embauchait parfois des civils pour les couvertures.

La revision de la loi de mobilisation generale de l'Etat ( ?家?動員法 , Kokka S?d?in H? ? ) de 1941 supprima la liberte de la presse . Tout le courrier etait sujet au controle. En , tous les journaux recurent l'ordre de fusionner ou de cesser toutes publications. La ligue des editeurs du Japon ( Nihon shimbun remmei ), reorganisee en l'association des editeurs japonais ( Nihon shimbunkai ), accepta de cooperer avec le gouvernement en effectuant un suivi interne de tous ses membres par une auto-exclusion de brouillons et manuscrits avant une presentation aux censeurs gouvernementaux. Comme la situation militaire du Japon se deteriora, le gouvernement prit le controle de la distribution de papier, distribuant du materiel uniquement pour la politique officielle. En 1944, seuls 34 magazines furent publies et, en 1945, seulement un.

Occupation du Japon [ modifier | modifier le code ]

Apres la signature des Actes de capitulation du Japon en , le commandant supreme des forces alliees abolit toutes formes de censure ou de controle sur la liberte de la presse (article 21 de la constitution du Japon de 1947). Cependant, une censure perdura en realite apres-guerre, specialement en matiere de pornographie, et de sujets politiques juges subversifs par le gouvernement americain pendant l'occupation du Japon.

Selon David M. Rosenfeld :

≪ La censure de l'occupation interdisait les critiques vis-a-vis des Etats-Unis ou des autres nations alliees, mais la notion de censure elle-meme etait interdite. Cela signifiait, selon les observations de Donald Keene , que pour certains ecrivains ou journalistes "la censure de l'occupation fut peut-etre meme plus severe que la censure militaire d'avant-guerre parce qu'elle insistait sur le fait que toutes traces de censure soient dissimulees. Cela signifiait que des articles etaient completement reecrits plutot que de simplement supprimer les phrases genantes". ≫

References [ modifier | modifier le code ]