Statue en marbre de Bona Dea avec epigraphe : ≪ Dedie a Bona Dea par Callistus, esclave de Rufina ≫) CIL. XIV 2251.
Antonin le Pieux
, Ager Albanus, Italie
Bona Dea
(la
Bonne Deesse
) est une
divinite romaine
. Elle n'est probablement qu'un vocable designant la deesse
Fauna
, femme, fille ou sœur de
Faunus
.
Son culte, grec d'origine, fut importe a
Rome
dans la premiere moitie du
III
e
siecle av. J.-C., apres la prise de
Tarente
en -272. On trouve des traces de sa pratique dans plusieurs cites de l'Italie centrale, dont
Ostie
[
1
]
et
Bovillae
, pres de Rome
[
2
]
.
L'utilisation du vocable
Bona Dea
, correspond vraisemblablement a un tabou afin de ne pas reveler sa realite, de
Fauna
ou Fatua (Serv A . VIII 314)
[
3
]
.
Elle a ete assimilee, peut-etre par contresens, a la deesse grecque
Damia
, une deesse de la fecondite, liee a
Demeter
[
4
]
. Elle recut au debut decembre un culte d'Etat, mais secret, strictement reserve aux femmes
[
4
]
.
Fille de
Faunus
, elle eut a defendre sa vertu contre les agressions incestueuses de son pere. Celui-ci essaya en vain de parvenir a ses fins en l'enivrant. Excede, il la fouetta avec une verge de myrte. Il reussit finalement a s'unir a elle, en prenant la forme d'un serpent. De fait, le myrte etait interdit dans son culte.
Selon une autre version de sa legende, Bona Dea etait la femme de
Faunus
. Fidele a son mari et extremement pudique, elle ne quittait pas sa chambre, pour eviter de rencontrer des hommes. Mais un jour elle s'enivra. Son mari la battit si durement qu'elle mourut. Pris de remords, il la rendit immortelle.
Elle possede une fonction curative. Outre ses capacites de prediction qui rappellent Fauna, Bona Dea et son culte impliquent une contamination de la nature romaine originelle de la deesse avec des elements italiques et grecs, bien que la guerison ne doive pas etre consideree comme un ajout grec
[
3
]
.
Elle etait la deesse protegeant les femmes et leur
fecondite
. Par extension, elle s'occupait de la fertilite des champs, elle etait donc confondue avec
Junon
,
Ops
,
Ceres
,
Fauna
, l'epouse de
Faunus
etc.
Statue de Bona Dea a
Utrecht
(Pays-Bas), realisee par
Hildo Krop
(en)
en 1925.
Des inscriptions de Rome temoignent que Bona Dea possedait de nombreux sanctuaires plus petits et quelques temples dont le plus celebre est situe sur la colline de l'
Aventin
et possede, selon
Macrobe
, une pharmacie. De nombreuses inscriptions lui sont dediees en tant que guerisseuse, notamment sur l'
ile tiberine
[
3
]
.
Sa fete principale consistait en des ceremonies nocturnes, organisees par l'epouse et dans la demeure d'un magistrat revetu de l'
imperium
, celebrees en decembre (dans la nuit du 3 au 4). On retirait de la salle ou elles se tenaient toutes les representations d'hommes ou d'animaux du sexe male. Des inscriptions trouvees dans un sanctuaire a
Ostie
laissent penser que les rites necessitaient l'usage d'une cuisine :
Octavia M(arci) f(ilia) Gamalae (uxor) / portic(um) poliend(am) / et sedeilia faciun(da) / et culina(m) tegend(am) / D(eae) B(onae) curavit
Octavia, fille de Marcus, epouse de Gamala, s'est chargee de faire stuquer le portique, fabriquer des banquettes et mettre un toit a la cuisine (du sanctuaire) de Bona Dea
[
5
]
On ne possede pas beaucoup de details sur les ceremonies. On sait que les participantes se recrutaient parmi les
matrones
appartenant aux milieux aristocratiques de Rome, auxquelles s'ajoutaient les
Vestales
. On sait aussi qu'elles portaient toutes sortes de fleurs (sauf le
myrte
) et offraient en sacrifice une truie et du vin. La Bonne Deesse y etait invoquee comme une deesse de la fecondite et de la sante. On n'en parlerait guere s'il n'y avait eu, en 62 av. J.-C., le scandale que provoqua la decouverte d'un homme,
Publius Clodius Pulcher
, qui, deguise en joueuse de flute, avait reussi a s'introduire dans les mysteres de la Bona Dea, afin d'y rencontrer la femme de
Jules Cesar
,
Pompeia Sulla
, dont il etait epris
[
6
]
.
Une autre fete feminine en l'honneur de
Bona dea
etait sans doute celebree le
1er mai
.
Dans le roman
L'homme sans qualite
de
Robert Musil
, le personnage d'Ulrich donne le surnom de Bonadea a sa maitresse sans lui expliquer que dans ce temple dedie a cette deesse pudique, les croyants se seraient dedies a beaucoup de debauches (tout au moins d'apres l'auteur du roman...)
[
7
]
- ↑
Mireille Cebeillac-Gervasoni
, Maria Letizia Caldelli,
Fausto Zevi
,
Epigraphie latine
, Armand Colin, 2006,
(
ISBN
2200217749
)
,
p.
110-113
- ↑
Ciceron
,
Pro Milone
, 31, 86
- ↑
a
b
et
c
(en)
Daniel
Ne?as Hraste
et Kre?imir
Vukovi?
, ≪
Rudra-Shiva and Silvanus-Faunus: Savage and propitious
≫,
Journal of Indo-European Studies
,
vol.
39,
n
os
1?2,
,
p.
100?115
(
ISSN
0092-2323
)
- ↑
a
et
b
Georges Dumezil
,
La religion romaine archaique
,
2
e
edition revue et corrigee, Paris : editions Payot, 1987,
p.
355
- ↑
CIL I 3025, AE 1973 71
- ↑
Plutarque
,
Vie de Cesar
- ↑
(de)
Robert Musil,
L'homme sans qualites