Birgit Nilsson
, de son vrai nom Birgit Marta Svensson, est une
soprano dramatique
suedoise, nee le
a Vastra Karup et morte le
a Bjarlov (
Suede
).
Elle commence ses etudes de chant avec C. Blennon, puis les poursuit a l'
Ecole royale superieure de musique de Stockholm
et debute dans cette ville en
1946
dans le role d'Agathe du
Freischutz
de
Weber
sous le pseudonyme de Birgit Nilsson, en hommage a la celebre cantatrice suedoise
Christine Nilsson
. Pendant plusieurs annees, elle s'en tient au repertoire de
soprano lyrique
, avant d'aborder les grands roles de
soprano dramatique
.
Birgit Nilsson a frequemment ete qualifiee de ≪ soprano du siecle ≫, notamment par le magazine allemand
Opern Welt
[
1
]
. L'exceptionnelle puissance de sa voix, la sonorite aceree de son emission vocale, la puissance du registre aigu, sa technique impeccable et la vigueur de son temperament en ont fait une interprete d'une polyvalence et d'une longevite exceptionnelles
[
2
]
. Birgit Nilsson a interprete les roles les plus longs ou les plus difficiles du repertoire, jusque vers la fin des annees 1970 :
Elektra
,
Brunnhilde
,
Salome
,
Isolde
,
Leonore
,
Turandot
,
Tosca
,
Aida
; mais c'est surtout avec le repertoire
wagnerien
qu'elle construisit sa carriere. Senta (
Le Vaisseau fantome
), Elsa (
Lohengrin
), Venus et Elisabeth (
Tannhauser
), Sieglinde (
La Walkyrie
), les trois Brunnhilde (
L'Anneau du Nibelung
), Isolde (
Tristan et Isolde
, role qu'elle interpreta plus de deux cents fois, a partir de 1957, et dans lequel ≪ on la situe dans la lignee de
Kirsten Flagstad
[
3
]
≫). ≪ Il ne manque guere que Kundry (
Parsifal
) a son palmares (role qu'elle n'aimait pas, mais qu'elle a partiellement enregistre pour le studio)
[
4
]
. ≫
Longtemps attachee a l'
Opera royal de Stockholm
ou elle aborde un repertoire de plus en plus large de roles de Verdi et Wagner, elle est Elettra de l'
Idomenee
de Mozart au
Festival de Glyndebourne
en 1951.
Durant la saison 1954-1955, elle aborde a Stockholm Brunnhilde du
Crepuscule des dieux
et Salome de l'
œuvre eponyme
de Richard Strauss. Elle chante trois Brunnhilde a Munich ce qui marque le debut de sa grande carriere internationale. En 1954, elle est Elsa de
Lohengrin
au
Festival de Bayreuth
. De 1957 a 1970 elle sera
Sieglinde
,
Isolde
, et Brunnhilde a
Covent Garden
en 1957. En 1958, elle triomphe a la
Scala de Milan
dans
Turandot
. Elle chante Isolde au
Metropolitan Opera
en 1959.
En France, en 1955, les Brunnhilde dans
La Walkyrie
et
Siegfried
a Toulouse, Isolde a l'
Opera de Paris
en 1966, Turandot en 1968,
Elektra
en 1974, Isolde a Orange en 1973 et 1975.
Elle abordera aussi d'autres roles tels que
Lady Macbeth
,
Amelia
et Leonore (
Fidelio
), et en 1975 la teinturiere de
La Femme sans ombre
de Richard Strauss.
On peut diviser sa carriere en quatre periodes : de ses debuts jusqu'a la fin des annees 1950, la voix se cherche (lors d'une audition pour Isolde, Karl Bohm dit d'elle : ≪ Mais c'est une soubrette ! ≫) ; de 1960 a 1970, ≪ c'est l'apogee de sa voix au tranchant a nul autre pareil ; le style est un modele de noblesse ≫ ; de 1970 a 1974, ≪ la voix, toujours admirable, est au service d'une interpretation encore plus fouillee des personnages ≫ ; et a partir de 1975, la voix commence a decliner, meme si la musicalite demeure
[
5
]
. Dans le monde du chant wagnerien, Birgit Nilsson est a la jonction entre la generation des grandes chanteuses des annees 1930-1940 comme
Kirsten Flagstad
,
Martha Modl
, et celle des annees 1970-1990, comme
Gwyneth Jones
ou
Hildegard Behrens
: ≪ elle herite de l'aura mythique des premieres et annonce la feminite juvenile des secondes
[
6
]
. ≫ C'est ainsi que le metteur en scene et directeur
Wieland Wagner
, maitre d'œuvre du ≪ Nouveau Bayreuth ≫ (a partir de la reouverture de 1951), declara un jour : ≪ J'ai trois Isolde differentes :
Martha Modl
, l'Isolde frappee par le destin,
Astrid Varnay
, l'Isolde vengeresse, et Birgit Nilsson, l'Isolde amoureuse. ≫
Elle fait ses adieux a la scene en 1982, pour se consacrer a l'enseignement, mais se produit encore en concert.
Apres sa mort, a partir de 2014, le billet de
500 couronnes
suedoises portera son portrait
[
7
]
.
Sa voix d'emblee claire et solide, se developpa jusqu'a atteindre dans les annees 1960 une puissance et une resistance phenomenales en meme temps qu'une egalite parfaite sur toute son etendue, a quoi il faut ajouter ≪ le bronze de son timbre, le cote acere de son emission ≫
[
7
]
. On admire aussi son art du phrase, ≪ la clarte de ses attaques, l'ampleur de sa voix […], son aigu facile, eblouissant, ses pianissimos, ses demi-teintes
[
3
]
. ≫
Elle fut la chanteuse wagnerienne la plus reconnue de son epoque, memorable dans le role d'Isolde qu'elle avait approfondi avec
Wieland Wagner
(petit-fils du
Maitre
), et Brunnhilde, qu'elle interpreta pour le premier enregistrement integral en studio de la
Tetralogie
entre 1958 et 1965 ; mais ses incarnations de Turandot et Elektra ont egalement marque l'histoire du chant lyrique.
Birgit Nilsson a laisse une discographie tres abondante, dont plusieurs versions du
Ring
de
Richard Wagner
, enregistrees a Bayreuth ou en studio a Vienne avec
Georg Solti
[
8
]
,
Elektra
et
Salome
de
Richard Strauss
(avec le meme Solti), plusieurs versions de
Tristan et Isolde
(notamment a Bayreuth, avec
Karl Bohm
[
9
]
), ou encore de
Turandot
de
Giacomo Puccini
.
- Beethoven
:
- Wolfgang Amadeus Mozart
:
- Puccini
:
- Tosca
(role titre) avec
Franco Corelli
et
Dietrich Fischer-Dieskau
,
Orchestra dell'Accademia di Santa Cecilia
, Rome, direction
Lorin Maazel
, 1967 (Decca).
- Turandot
(role titre) avec
Jussi Bjorling
,
Renata Tebaldi
, Chœur et orchestre de l'
Opera de Rome
,
Erich Leinsdorf
, 1959 (
RCA
).
- Turandot
(role titre) avec
Giuseppe di Stefano
,
Leontyne Price
, Nicola Zaccaria, Chœur et orchestre du
Wiener Staatsoper
, direction
Francesco Molinari-Pradelli
, 1961 (
Orfeo
).
- La Fanciulla del West
(Minnie) avec Joao Gibin, Andrea Mongelli, Orchestre du Teatro alla Scala, direction
Lovro von Matacic
, 1958 (
Emi Classics
).
- Richard Strauss
:
- Salome
(role titre) avec
Gerhard Stolze
,
Eberhard Wachter
, Grace Hoffman, Waldemar Kment, Orchestre philharmonique de Vienne, direction Georg Solti, 1962 (Decca).
- Elektra
(role titre), avec
Regina Resnik
,
Gerhard Stolze
,
Marie Collier
,
Tom Krause
, Orchestre philharmonique de Vienne, direction Georg Solti, 1968 (Decca).
- Wagner
:
- Der Ring des Nibelungen
(Brunnhilde) en studio, avec
Wolfgang Windgassen
,
Hans Hotter
,
Gustav Neidlinger
, Gerhard Stolze,
Gottlob Frick
,
Dietrich Fischer-Dieskau
, Orchestre philharmonique de Vienne, direction Georg Solti, 1958-1965 (
Decca
).
- Der Ring des Nibelungen
(Brunnhilde), au
Festival de Bayreuth
avec
Leonie Rysanek
,
Theo Adam
, Wolfgang Windgassen, Bayreuther Festspiele Orchester, direction
Karl Bohm
, 1967 (
Philips
).
- Tristan und Isolde
(Isolde) en studio, avec Fritz Uhl, Regina Resnik, Tom Krause,
Arnold Van Mill
, Orchestre philharmonique de Vienne, direction Georg Solti, 1960 (Decca).
- Tristan und Isolde
(Isolde) au
Festival de Bayreuth
avec Wolfgang Windgassen,
Christa Ludwig
, Eberhard Wachter, Martti Talvela, Bayreuther Festspiele Orchester, direction Karl Bohm, 1966 (Deutsche Grammophon).
- Tristan und Isolde
(Isolde) au
Festival d'Orange
avec
Jon Vickers
, Ruth Hesse,
Walter Berry
, Bent Rungren,
Orchestre national de France
, direction Karl Bohm, 1973 (Rodolphe).
- Tannhauser
(Elisabeth et Venus) avec Wolfgang Windgassen, Theo Adam, Dietrich Fischer Dieskau, Orchester der Deutschen Oper Berlin, direction Otto Gerdes, 1969 (Deutsche Grammophon).
- ↑
L’Univers de l’opera. Œuvres, scenes, compositeurs, interpretes
, sous la direction de
Bertrand Dermoncourt
, Paris, Robert Laffont, collection ≪ Bouquins ≫, 2012, p. 753.
- ↑
Le Nouveau Dictionnaire des interpretes
, sous la direction de
Alain Paris
, Paris, Robert Laffont, coll. ≪ Bouquins ≫, 2015, p. 698.
- ↑
a
et
b
Le Nouveau Dictionnaire des interpretes
, p. 698.
- ↑
Dictionnaire encyclopedique Wagner
, sous la direction de
Timothee Picard
, Arles, Actes Sud / Paris, Cite de la musique, 2010, p. 1433.
- ↑
Dictionnaire encyclopedique Wagner
, p. 1434. On peut ainsi ecouter le recit d'Isolde au premier acte de
Tristan et Isolde
en 1983, pour le centenaire du
Metropolitan Opera
, pour s'en convaincre : ≪ ce que l'on perd en surete vocale, on le gagne en intensite et en fragilite. ≫
- ↑
Dictionnaire encyclopedique Wagner
, p. 1434.
- ↑
a
et
b
L’Univers de l’opera. Œuvres, scenes, compositeurs, interpretes
, p. 753.
- ↑
Pierre Flinois l'evoque comme ≪ toute entiere, indecente d'aigus dardes dans
Siegfried
, vaillante mais aussi interrogative, retenue, angoissee ≫,
Guide des operas de Wagner. Livrets ? Analyses ? Discographies
, sous la direction de Michel Pazdro, Paris, Fayard, coll. ≪ Les Indispensables de la musique ≫, 1998, p. 787.
- ↑
Selon Christophe Capacci, ≪ a cette date, l'heure de Nilsson est enfin venue. Dix annees de frequentation du role etaient parvenues a enflammer l'Isolde qu'elle avait jusqu'alors prudemment negociee comme pour mieux en venir a bout. ≫,
Guide des operas de Wagner. Livrets ? Analyses ? Discographies
, p. 334.
- (en)
Birgit Nilsson,
My Memoirs in Pictures
, traduit du suedois par Thomas Teal, Doubleday, Garden City, 1981.
- Guide des operas de Wagner. Livrets ? Analyses ? Discographies
, sous la direction de Michel Pazdro, Paris, Fayard, coll. ≪ Les Indispensables de la musique ≫, 1998.
- Dictionnaire encyclopedique Wagner
, sous la direction de
Timothee Picard
, Arles, Actes Sud / Paris, Cite de la musique, 2010.
- L’Univers de l’opera. Œuvres, scenes, compositeurs, interpretes
, sous la direction de
Bertrand Dermoncourt
, Paris, Robert Laffont, coll. ≪ Bouquins ≫, 2012.
- Le Nouveau Dictionnaire des interpretes
, sous la direction de
Alain Paris
, Paris, Robert Laffont, coll. ≪ Bouquins ≫, 2015.
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