Le
mouvement des barbets
ou
barbetisme
est un mouvement d'opposition a l’integration du
comte de Nice
a la
France revolutionnaire
ne en reaction aux exactions des troupes revolutionnaires francaises. Apparu en 1793, il va croitre au fil des changements imposes par l'occupant. Comme en Vendee ou en Bretagne, la volonte de
dechristianisation
du pays, les requisitions imposees aux populations et l'incorporation forcee des jeunes hommes au sein de l'armee vont alimenter ses forces.
Vers la fin de la Revolution, l'apparition de brigands qui deguisent leurs actes de delinquance en pretendus actes de resistance entraine le discredit des barbets. L'
Empire
voit leur declin, les veritables combattants renoncant a une lutte qui ne les concerne plus guere, et les bandits etant denonces aux autorites par la population.
Il existe egalement des barbets
vaudois
ou
calvinistes
dans les
Cevennes
: ces derniers expriment une difference religieuse alors que ceux du comte de Nice s’opposent a l’occupation des troupes de la
Revolution francaise
.
L’appellation barbet apparait chez les opprimes vaudois des le
XIII
e
siecle
[
1
]
. Il provient du nom des predicateurs vaudois : les barbes
[
2
]
. Lors de l’integration du comte de Nice comme departement francais,
les paysans se sont revoltes contre les exactions de l’armee revolutionnaire
francaise. Bien que la revolte ne soit pas directement d’origine religieuse,
les revoltes ont pris le nom de barbets
[
3
]
.
Circonstances de la naissance du barbetisme
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Le 29 septembre 1792 a 16 heures, le general francais
d’Anselme
entre dans la ville de
Nice
et y installe une administration provisoire. Le 12 octobre, le general entreprend la conquete de l’arriere-pays dont les populations etaient indifferentes au changement politique. Cependant, tres vite, l’opinion generale va se retourner contre les Francais en raison des requisitions, pillages et exactions commises par la troupe. Exces denonces par le representant en mission
Philippe Buonarroti
.
En reaction a ces evenements des milices irregulieres se constituent. Cela n’etait guere difficile car en 1791, un decret du
duc de Savoie
Victor-Amedee III
avait ordonne la creation de milices chargees de la defense des territoires de montagne. Beaucoup d’hommes etaient donc entraines et armes.
Des le 16 mars 1793, une lettre des commissaires des
Alpes-Maritimes
adressee au Comite de guerre a
Paris
mentionne l’existence d’une milice irreguliere a
Sospel
. Ces milices sont dites irregulieres car elles sont sans uniforme, peu disciplinees, ayant parfois des femmes dans leurs rangs, et non commandees par des officiers de metier.
Les barbets viennent de naitre ; ils vont pratiquer le coup de main, l’embuscade, le harcelement et des attentats contre les troupes francaises.
Occupation du comte de Nice par les Francais
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]
Au mois de mai 1794, tout le comte de Nice est occupe par les Francais et l’armee reguliere du roi de
Sardaigne
Victor-Amedee III
ainsi que ses allies autrichiens disparaissent de la scene. Au meme moment, la tentative de dechristianisation du departement est a son comble, ce qui explique aussi la recrudescence des barbets tres attaches au catholicisme.
Par la signature du
traite de Paris
, le 10 mai 1796, le comte de Nice et la Savoie deviennent francais. Entre la fin des hostilites et la signature de la paix de nombreux hommes, dont des officiers aptes au commandement, rentrent dans leurs foyers et beaucoup ≪
deviennent barbets ou espions
≫ selon un rapport du representant Beffroy redige le 2
messidor
an III (20 juin 1795).
Maquis autonomes dans l'arriere-pays nicois
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]
Dans le courant de l’annee 1796, des maquis autonomes s’installent dans l’arriere-pays et l’on voit apparaitre une deviation du barbetisme qui abandonne parfois le loyalisme monarchique pour le banditisme pur et simple. Il faut dire que dans une region economiquement devastee et peuplee de marginaux et de declasses sociaux de toutes sortes, il devient difficile de vivre honnetement.
Des ce moment, les
Republicains
parlent de nouvelle
Vendee
et commettent massacres, pillages, incendies, et execution d’otages en represailles.
La fin tragique de
Francois Fulconis
dit Lalin, chef barbet, lors de la capture du general
Casabianca
[
4
]
, souleve un vive emotion sur le parcours du cadavre de l'Escarene a Nice
[
5
]
,
[
6
]
.
L’annee 1799, periode d’une nouvelle persecution religieuse conduite par
Andre Massena
(dont certains disent qu'il fut un ancien barbet), voit un nouvel accroissement des troupes de barbets qui recoivent l’apport des conscrits refractaires au
service militaire
et des deserteurs enroles plus ou moins de force dans l’armee francaise.
Le 9 mai 1800, a la suite de revers francais subis face aux Autrichiens en
Italie
, Nice et son arriere-pays repassent, pour vingt jours, sous autorite
sarde
. Les barbets vont commettre alors, a leur tour, des exces contre les soldats francais laisses dans les hopitaux de la ville et contre les ≪ collaborateurs ≫. Beaucoup en profitent pour regler des comptes et accomplir des vengeances qui n’ont rien a voir avec le conflit franco-sarde.
Le 29 mai, les troupes francaises sont de retour a Nice et le nouveau prefet Flourens va entreprendre de retablir l’ordre et lance un appel a l’union fraternelle. Par ailleurs, depuis Paris, le ministre de la police
Joseph Fouche
surveille attentivement les operations de retablissement de l’ordre.
Plusieurs sources font reference a l’Esterel comme lieu de refuge de hors la loi. Il n'y a aucun rapport entre les Barbets et l'Esterel, les Barbets n'ayant combattu que dans les confins franco-italiens.
Sous le
Consulat
, l’augmentation du brigandage et le souhait des populations d'un retour a une situation normale marginalisent les barbets que l’on ne craint plus de denoncer aux autorites.
De 1800 a 1804, une traque energique contribue a l’apaisement du departement meme s’il y a encore parfois quelques soubresauts, plutot lies au banditisme, au cours du
Premier Empire
. Les troupes de barbets sont alors constituees de deserteurs de l’armee ou de refractaires a la conscription.
Au debut de l’annee 1814, des mecontentements sociaux dus aux guerres incessantes et a la pauvrete economique du departement entrainent un sursaut de violence confortee par l’abdication de
Napoleon
I
er
au mois d’avril. Le calme revient, a la fin avril, avec l’entree a Nice de l’armee austro-sarde.
Une lettre du 16 mai 1814, emanant des autorites sardes, interdit aux barbets toutes manifestations guerrieres ou de violences.
Par le
traite de Paris du 30 mai 1814
, le roi
Victor-Emmanuel
I
er
reprend possession du comte de Nice.
A cette date, les barbets cessent d’exister.
- ↑
≪
Histoire des Vaudois | Musee virtuel du Protestantisme
≫, sur
www.museeprotestant.org
(consulte le
)
:
≪ Des communautes importantes se forment aussi dans les vallees du Piemont. Leurs predicateurs, nommes ≪ barbes ≫ (oncles, expression qui les distancie des ≪ peres ≫ catholiques), parcourent les chemins de l’Europe pour visiter periodiquement les petits groupes de croyants clandestins. ≫
- ↑
Cesar
Cantu
, Piersilvestro
Leopardi
et Eugene
Aroux
,
Histoire universelle
, Librairie Historique-Artistique,
(
lire en ligne
)
, P71 ce qui les a fait aussi designer sous le nom de barbets.
- ↑
Michel
Iafelice
,
Barbets ! : les resistances a la domination francaise dans le pays nicois (1792-1814)
, Serre Editeur,
, 222
p.
(
ISBN
978-2-86410-291-5
,
presentation en ligne
)
- ↑
Gilles
Candela
,
L'armee d'Italie : Nice 1792-1796
, Serre Editeur,
, 255
p.
(
ISBN
978-2-86410-310-3
,
presentation en ligne
)
, P44 Joseph-Marie de Casabianca demeura a l’armee d’Italie, dans le comte de Nice et fut enleve par les barbets, le 11 mai 1793.
- ↑
Jean
Galmot
,
Nanette Escartefigue, histoire de brigands : les Barbets du comte de Nice et les requisitionnaires de l'Esterel : Jean Galmot
, Nice, P Lersch & A N Emanuel,
(
lire en ligne
)
,
p.
89
.
- ↑
La contre-revolution dans le pays nicois (1792-1814) - Essai de caracterisation
.
- Louis Cappatti et Beatrice Elliott,
Berre-les-Alpes : premier relai de la Mediterranee a l'Alpe
, Nice, Association typographique, 1940, 45 p.
- Paul Deleuse,
Histoire de mon village : Berre-les-Alpes
, Nice, Pierotti, 1966.
- Michel
Iafelice
(
pref.
Michel Vovelle),
Barbets ! : les resistances a la domination francaise dans le pays nicois (1792-1814)
, Nice, Serre editeur,
, 222
p.
(
ISBN
978-2-86410-291-5
,
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.
- Jean Galmot,
Nanette Escartefigue, Histoire de Brigands, Les Barbets du comte de Nice et les Requisitionnaires de l'Esterel
, Ed. P.Lersch et A.N.Emanuel. 1906.
- Michel Gardere,
L'insoumise de l'Esterel
, roman, Presses de la Cite (Terres de France), 260
p.
2013.
- Louis-Gilles
Pairault
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Le Saut des Francais : un amour a Nice sous la Terreur : roman historique
, Rennes, Ed. "Ouest-France,
, 211
p.
(
ISBN
978-2-7373-5694-0
)
.
- Bernard Hautecloque
,
Brigands, bandits, malfaiteurs : incroyables histoires des crapules, arsouilles, monte-en-l'air, canailles et contrebandiers de tous les temps
, Clermont-Ferrand, Editions De Boree,
, 350
p.
(
ISBN
978-2-8129-1973-2
)
, Chapitre Les Barbets. Brigands ou patriotes nissards