Attentats de Beyrouth du 23 octobre 1983

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Attentats du 23 octobre 1983 a Beyrouth
Image illustrative de l’article Attentats de Beyrouth du 23 octobre 1983
Destruction du QG americain a l'aeroport international de Beyrouth.

Localisation Beyrouth , Liban
Cible
Coordonnees 33° 49′ 45″ nord, 35° 29′ 41″ est
Date
h  20 ( UTC+2 )
Type Vehicule piege / Attentat-suicide
Armes Voiture piegee
Morts 305 [ 1 ] (dont 241 militaires americains, 58 militaires francais, 6 civils libanais et 2 kamikazes)
Auteurs presumes Imad Moughniyah (suspecte mais sans conclusion definitive)
Organisations Organisation du Jihad islamique (suspectee) [ 2 ] , [ 1 ]
Services secrets syriens (suspectes) [ 1 ]
Hezbollah (suspecte, rejette la responsabilite) [ 3 ]
Geolocalisation sur la carte : Liban
(Voir situation sur carte : Liban)
Attentats de Beyrouth du 23 octobre 1983

Les attentats de Beyrouth du sont deux attentats-suicides quasi simultanes qui frappent les contingents americain et francais de la Force multinationale de securite de Beyrouth durant la guerre du Liban . Les deux attentats sont revendiques par le Mouvement de la revolution islamique libre puis par l' Organisation du Jihad islamique [ 2 ] . Le premier attentat tue 241 soldats americains, le second 58 parachutistes francais ainsi que 6 Libanais. Le deroulement et les responsabilites precises des attentats sont encore inconnues.

Le mandat de l'ONU [ modifier | modifier le code ]

Parachutistes francais de la Force multinationale de securite a Beyrouth avec un LRAC F1 , 1 er avril 1983.

En septembre 1982 , dans un Liban dechire par la guerre civile , se met en place une force de maintien de la paix denommee Force multinationale de securite a Beyrouth , sans le soutien de l'ONU. Celle-ci comprend des unites militaires francaises (2 000 soldats), americaines (1 600 soldats, 2 porte-avions), italiennes (1 400 soldats) et britanniques (100 soldats). Le contingent francais, parti le de Toulouse , compte 1 650 soldats, avant d'etre renforce pour atteindre 2 000 soldats (engages ou appeles volontaires service long ).

La force multinationale de securite avait deja ete attaquee a plusieurs reprises avant les deux attentats simultanes du . Ces attaques, individuelles ou concertees, avaient coute la vie a dix-huit soldats francais, huit Marines americains et un soldat italien.

Le poste Drakkar [ modifier | modifier le code ]

La force francaise est composee de cadres aguerris et d'appeles volontaires du 1 er  regiment de chasseurs parachutistes . Ils ont installe un de leurs cantonnements dans l'immeuble Drakkar de huit etages [ 4 ] situe dans le quartier de Ramlet El Baida, qu'ils ont baptise ≪ poste Drakkar ≫ aux coordonnees geographiques suivantes 33° 52′ 10″ N, 35° 29′ 17″ E (les differents postes francais sont appeles Caravelle, Kayak, Sampan, Boutre, Gondole, etc.).

Deroulement [ modifier | modifier le code ]

Le samedi , l'alerte est donnee et la possibilite d'une attaque du batiment Drakkar est prise en compte. Les ≪ paras ≫ dorment en tenue de combat, a portee de leur arme.

Peu avant h , l'adjudant de compagnie inspecte les abords tandis que l'equipage d'une jeep part chercher les croissants du dimanche.

A environ h  18 UTC+2 , un attentat au camion piege touche le contingent americain du 1 er  bataillon du 8 e  regiment des Marines rattache a la 24 e Marine Amphibious Unit (MAU) basee a l' aeroport international de Beyrouth . Il cause la mort de 241 personnes dont 220 Marines , 18 marins de la marine americaine , 3 soldats de l' armee de terre et en blesse une centaine d'autres.

Les paras de la 3 e  compagnie bondissent a leur poste de combat. L'immeuble Drakkar se met a trembler, puis souffle par une explosion, le batiment se souleve et retombe sur le cote dans un effet domino. Environ deux minutes plus tard, cinquante-huit parachutistes francais de la force multinationale, soit 55 parachutistes de la 3 e  compagnie du 1 er RCP et 3 parachutistes du 9 e RCP , trouvent la mort dans un attentat similaire : l'attentat du Drakkar entraine la destruction de l'immeuble qu'ils occupent comme quartier general [ 5 ] (surnomme ≪ poste Drakkar ≫, anciennement occupe par les services secrets syriens [ 6 ] , [ 7 ] ). Quinze autres sont blesses [ 8 ] . Vingt-six militaires sont indemnes [ 4 ] .

Si le deroulement de l'attentat contre le batiment des marines americains est bien etabli (camion Mercedes-Benz jaune rempli de six tonnes de TNT ), du cote francais, deux theses s'affrontent. La version gouvernementale evoque un camion piege dont aucune trace n'a ete retrouvee, tandis que l'analyse des photos des decombres permet a des specialistes d'etablir la presence d'explosifs sous le batiment. Cette approche est corroboree par les rescapes, lesquels se souviennent de l'impossibilite d'acceder au sous-sol du Drakkar en vehicule. De plus, les parachutistes de garde ce jour-la n'ont pas vu de vehicule suicide .

Selon les autorites politiques en responsabilite a l'epoque, l'attaque aurait ete realisee a l'aide d'un pick-up charge de 250  kg de TNT dont le conducteur se serait fait exploser sur la rampe d'acces au sous-sol du batiment ; le vehicule se serait souleve dans les airs avant de retomber a sept metres de distance [ 9 ] . Tous les rescapes confirment que la destruction du poste Drakkar n'est pas due a l'explosion du vehicule piege, aucun debris n'ayant ete retrouve [ 10 ] . Effectivement, l'immeuble qui auparavant etait occupe par les services secrets syriens, aurait pu etre mine ; une hypothese a priori infirmee par l'enquete [ 11 ] . Il faut savoir que les sous-sols de Beyrouth, comme beaucoup de lieux de conflits, disposaient a l'epoque de nombreux souterrains. Ainsi les explosifs auraient pu etre installes quelques heures avant l'attentat.

Une semaine apres l'attentat, les familles sont invitees aux obseques nationales aux Invalides. Dans l'attente, les cercueils scelles a Beyrouth sont convoyes a Evreux et confies a la garde de BA 105.

Nationalite Morts
Etats-Unis 241
France 58
Liban 6

Les represailles [ modifier | modifier le code ]

Le casernement des Marines a Beyrouth avant sa destruction.
Secours dans les ruines apres l'explosion.

La France et les Etats-Unis accusent le Hezbollah et l' Iran , qui dementent les accusations [ 3 ] .

Le president Francois Mitterrand se rend sur place le lendemain pour apporter son soutien au contingent francais. Un grand hommage dans la cour d'honneur des Invalides a lieu en presence de la classe politique le [ 12 ] .

En represailles, le service Action de la DGSE , dirige par le colonel Jean-Claude Lorblanches, organise une operation ≪ homo ≫ , dans la nuit du 6 au , a l'aide d'une Jeep bourree de 600 kilos d'explosifs devant exploser devant le mur d'enceinte de l'ambassade d'Iran de Beyrouth. L'operation, au nom de code ≪ operation Sante ≫, ne se deroula pas comme prevu, a cause d'un probleme technique, lie probablement aux retardateurs de la bombe, la Jeep n'explosa pas [ 13 ] . La seconde riposte est l' operation Brochet le  : huit Super-Etendard de la Marine nationale decollant du porte-avions Clemenceau effectuent un raid sur la caserne Cheikh Abdallah, une position des Gardiens de la Revolution islamique et du Hezbollah dans la plaine de la Bekaa [ 14 ] . Ils larguent, selon les sources ouvertes, une trentaine de bombes qui tuent une dizaine de miliciens chiites et une douzaine de soldats iraniens [ 15 ] , mais la caserne a ete desertee par la majorite de ses occupants, prevenus du raid par une fuite d'un diplomate francais proche du ministre des Affaires etrangeres Claude Cheysson , oppose a toute riposte militaire [ 16 ] .

Le , la CIA organise un attentat a la voiture piegee en represailles a l'attaque contre les troupes americaines. L'attentat devait principalement tuer Mohammad Hussein Fadlallah , un representant religieux influent aupres de la population chiite libanaise, qui bien que non lie a ces evenements et oppose aux attaques suicides etait proche du Hezbollah. Celui-ci echappe a l'attentat, mais la puissance de l'explosion tue 80 personnes et en blesse plus de 200 autres parmi les habitants du quartier [ 17 ] .

Imad Moughniyah , considere comme le responsable des attaques, fut tue dans un attentat a la bombe le [ 18 ] , meme si le lien entre ces evenements n'a pas ete etabli.

Aujourd'hui encore, le souvenir de cet attentat demeure vivace et constitue un traumatisme pour l'armee francaise [ 19 ]  : de telles pertes subies lors d'une seule attaque n'ont pas ete atteintes depuis et l'attentat du Drakkar sert souvent de reference, comme cela a ete le cas avec l' embuscade de Surobi de 2008 ou 10 militaires francais furent tues [ 20 ] ou avec la collision de deux helicopteres de l'Armee de terre au Mali le qui tua 13 soldats francais [ 21 ] .

Responsables des attentats [ modifier | modifier le code ]

L'attentat du Drakkar aurait ete un acte de represailles de l' Iran au pret a l'Irak par la France d'avions de combat Super-Etendard equipes de missiles Exocet et accompagnes de pilotes instructeurs francais. A l'origine secrete, l' operation Sugar aurait ete rendue publique par une indiscretion gouvernementale, ce qui aurait conduit l'Iran a se considerer en guerre avec la France [ 22 ] . Selon le general Francois Cann , qui commandait la Force multinationale de securite a Beyrouth (FMSB) a l'epoque, une autre raison aurait ete l'interruption unilaterale par la France du contrat Eurodif signe avec le Shah d'Iran et gele au moment de l'arrivee au pouvoir de l' ayatollah Khomeini [ 23 ] .

Dans la culture [ modifier | modifier le code ]

Notes et references [ modifier | modifier le code ]

Notes [ modifier | modifier le code ]

References [ modifier | modifier le code ]

  1. a b et c Marc Daou, Attentat du Drakkar : 30 ans apres le drame, des larmes et des doutes , France 24 , 25 octobre 2016.
  2. a et b ≪  L'attentat du Drakkar au Liban en 1983  ≫, sur nouvelObs.com , (consulte le )
  3. a et b ≪  Beyrouth - Soudain, l'immeuble Drakkar explose  ≫, sur francesoir.fr ,
  4. a et b ≪  Attentat du Drakkar  ≫, sur campidron.org (consulte le ) .
  5. ≪  Le lourd tribut paye par les soldats francais a l'etranger  ≫, Le Point , (consulte le )
  6. ≪  France Televisions / Toutes les offres du groupe audiovisuel francais  ≫, sur France Televisions (consulte le ) .
  7. L. S. avec AFP et AFP et AP , ≪  Attentat du Drakkar : l'Elysee defend la Syrie  ≫, Le Figaro , (consulte le )
  8. Certains ensevelis, comme le montre cette photo de Yan Morvan .
  9. Mike Davis ( trad.  de l'anglais par Marc Saint-Upery), Petite histoire de la voiture piegee [≪  Buda's wagon  ≫], Paris, La Decouverte, coll.  ≪ La Decouverte-poche. Essais ≫ ( n o  368), , 241  p. ( ISBN   978-2-7071-7388-1 , BNF   42688379 ) , p.  113.
  10. Raison d'Etat : l'attentat du Drakkar , france5.fr, 3 octobre 2010
  11. Benoit Hopquin, ≪  Attentat du Drakkar : qui a tue les paras francais de Beyrouth en 1983 ?  ≫, sur lemonde.fr ,
  12. ≪  Edition speciale : Emission speciale : ceremonie des invalides  ≫ [video] , sur INA
  13. Vincent Nouzille, Les tueurs de la Republique , Fayard,
  14. ≪  Histoire du Super-Etendard  ≫
  15. Vincent Nouzille, Les tueurs de la Republique , Fayard, , p.  143
  16. Jean-Dominique Merchet , ≪  La guerre Iran-Irak, matrice geopolitique du Golfe  ≫, sur L'Opinion ,
  17. ≪  Roger Morris: America’s shadow in the Middle East  ≫, sur warincontext.org (consulte le )
  18. Jean-Dominique Merchet , ≪  Imad Mougnieh, l'homme du Drakkar a ete tue  ≫,
  19. Le Monde parle a cet egard d'un ≪ syndrome Drakkar ≫ pour expliquer les reticences de l'armee francaise a s'engager dans des operations de maintien de la paix sans mandat bien defini (≪ Les reticences des militaires francais, hantes par le "syndrome Drakkar" ≫, Le Monde , mardi 22 aout 2006).
  20. ≪  L'attaque la plus meurtriere depuis 1983  ≫, sur Le figaro.fr ,
  21. ≪  Treize militaires francais tues dans un accident d'helicoptere au Mali  ≫, sur www.20minutes.fr (consulte le )
  22. Emission Raison d'Etat - L'attentat du Drakkar , France 5, 3 octobre 2010
  23. Entretien avec le general Cann le 29 aout 2013.
  24. ≪  Ceux du Liban  ≫

Voir aussi [ modifier | modifier le code ]

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Bibliographie [ modifier | modifier le code ]

  • Frederic Pons , Les Paras sacrifies, Beyrouth, 1983-1984 , Presses de la Cite , 1994
  • Philippe Fortabat Labatut , Capitaine Thomas : mort a Beyrouth le 23 octobre 1983 : du Prytanee a Saint-Cyr, de la Blanchard a la Danjour, la formation d'un officier francais , Prechacq-les-Bains, CYL editions, , 192  p. ( ISBN   979-10-95473-02-2 , BNF   44474753 )

Filmographie [ modifier | modifier le code ]

  • L'attentat du Drakkar , film documentaire d'Amal Mogaizel, France, 2010, 55 min.

Articles connexes [ modifier | modifier le code ]

Liens externes [ modifier | modifier le code ]