Asymetrie d'information

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Une asymetrie d'information est une situation ou, sur un marche , les agents economiques qui contractent ou echangent ne sont pas sur un pied d'egalite en termes d'informations, l'un des deux agents detenant une information que l'autre n'a pas.

La presence d'asymetries d'information conduit a des problemes d' anti-selection et de risque moral. Ils sont notamment etudies dans le cadre de la theorie des contrats et de la theorie des mecanismes d'incitation .

Concept [ modifier | modifier le code ]

On voit que l’asymetrie d’information enrichit le raisonnement economique, en montrant les difficultes d'application d'une des conditions de la theorie de la concurrence pure et parfaite. L'information est imparfaitement distribuee, certains agents etant naturellement, et de maniere transitoire, mieux informes que d'autres. De plus, l'utilisation de l'information ne suit pas totalement les hypotheses de rationalite des agents ( finance comportementale ). Par ailleurs, l'agent peut detourner l'information a son avantage ( desinformation ).

L'asymetrie de l'information conduit par exemple a etre reserve sur les predictions d'experts, et a considerer que les experts devraient se contenter de presenter des scenarios plus ou moins probables et plus ou moins informes, laissant les decideurs prendre leurs responsabilites au moment des choix.

Les economistes savent que le modele de la concurrence pure et parfaite (CPP), une approximation theorique supposant que soient reunies diverses conditions, ne reflete pas de maniere satisfaisante la realite.

Dans le modele CPP, on fait l’hypothese que les agents economiques sont parfaitement informes ( qualite , prix , expression des besoins, etc.). Or, sur les marches reels, l’information est imparfaite, l'un des phenomenes etant l’existence d’asymetrie d’information.

Le prix est lui-meme un vecteur d’information. Dans le cadre du modele CPP, sa principale fonction est d'informer de la rarete economique d’une ressource, compte tenu notamment de sa qualite.

La qualite est une information complexe. Et obtenir cette information est un processus qui peut etre couteux (en argent, mais aussi en temps). L’information a donc elle-meme une valeur et les individus sont disposes a payer pour l’obtenir. Cependant les marches de l’information posent un probleme, car l’information n’est pas tout a fait un bien comme les autres. C’est fondamentalement un bien d’experience, c'est-a-dire que vous ne connaissez la valeur de l’information (pour vous) qu’apres l’avoir obtenue. Des lors, se pose un dilemme. Devez-vous accepter de payer ≪ pour voir ≫ ? (Au risque d’etre decu par l’information obtenue). Ou n’allez-vous pas essayer d’obtenir l’information avant de payer (au risque de ne plus payer, au pretexte, reel ou imaginaire, que l’information ne vous interesse pas) ?

Ces situations sont caracteristiques de l’existence d’une asymetrie d’information. Celle-ci peut etre du cote du vendeur (celui-ci en sait plus que vous, et le probleme a resoudre a ete caracterise comme un probleme de selection adverse , pour l’acheteur). Le marche des vehicules d’occasion etudie par l’economiste George Akerlof dans un article celebre, The Market for “Lemons” , est l’exemple type.

Les signaux [ modifier | modifier le code ]

Pourquoi cela ne se produit-il pas forcement ? Parce qu’il existe des ≪ parades ≫. Une parade repose par exemple sur la theorie du signal. Un prix eleve peut etre un signal fort envoye aux acheteurs. D’autres signaux peuvent etre envoyes et se combiner (la garantie, les clauses contractuelles, etc.). Ce raisonnement est a la base de toute la reflexion economique sur la qualite. Dans le cas ou le vendeur est une entreprise (et non un simple particulier comme dans l’exemple etudie ci-dessus par Akerlof) celle-ci va en outre construire son offre dans la duree en misant sur la reputation de ses produits.

Elle ne pourra continuer a utiliser le prix eleve comme un signal que si elle ne decoit pas les acheteurs. C’est ainsi que les marques constituent un capital reputationnel qui guide les consommateurs dans leurs choix et agissent comme un reducteur d’incertitude (en diminuant l’asymetrie d’information). Nous sommes alors dans le cadre d’un apprentissage lie aux echanges successifs, apprentissage qui permet un affinement des anticipations sur la qualite. On passe ainsi d’une hypothese d’anticipations rationnelles (modele CPP) a un cadre d’ anticipations adaptatives , avec possibilite d’apprentissage.

Ces phenomenes de reputation constituent des barrieres a l’entree de nouveaux competiteurs et nuisent donc a la fluidite des marches postulee dans le cadre du modele CPP. C’est aussi dans ce cadre que l’on peut analyser le role joue par les depenses de publicite. Comme le rappelle l’economiste Joseph E. Stiglitz citant les propos attribues a un chef d’entreprise ≪  quand je depense un dollar de publicite, je sais que j’en jette un demi par la fenetre, le probleme, c’est que je suis incapable de dire lequel.  ≫

La publicite a en effet objectivement un double role : elle est a la fois informative et persuasive. Le role informatif peut etre analyse dans le cadre ci-dessus comme un reducteur d’asymetrie d’information (notamment en raison du fait que pour engager des depenses aussi elevees, c’est que l’entreprise est sure de la qualite de ses produits). Mais elle peut aussi etre analysee comme un moyen de developper des ≪ croyances ≫, dont le caractere purement informatif est plus discutable.

Historique [ modifier | modifier le code ]

Akerlof et le ≪ marche des tacots ≫ [ modifier | modifier le code ]

Akerlof publie The Market for “Lemons” en 1970, qui met en evidence une situation d'asymetrie d'information sur un marche. Le marche etudie est celui des lemons , que l'on peut traduire par ≪ tacots ≫, ≪ rossignols ≫ ou encore ≪ citrons ≫, c'est-a-dire les voitures presentant des vices caches sur le marche des voitures d'occasion. Dans le ≪ marche des tacots ≫, les vendeurs possedent de l'information supplementaire par rapport aux acheteurs sur la qualite des produits, et sont incites a tromper ceux-ci en leur vendant une mauvaise voiture au prix d'une bonne voiture.

Dans une telle situation, la courbe de demande du bien a une forme atypique. Elle n’a pas la forme classique (du modele CPP) d’une fonction decroissante du prix. Mais celle d’une courbe en C ≪ inverse ≫. En effet, les personnes qui possedent un ≪ tacot ≫ vont tenter de s’en debarrasser en le vendant d’occasion. Comment les acheteurs peuvent-ils faire le tri entre les vendeurs qui ont de bonnes raisons de vendre leur vehicule et ceux qui le font parce que le vehicule est devenu un ≪ tacot ≫ ? Devant le risque, les acheteurs sont tentes de se retirer du marche, ce qui a pour consequence de faire baisser le prix pour toutes les voitures. Les vendeurs de vehicules de bonne qualite, jugeant le prix trop faible, renoncent alors a proposer leur vehicule, et la proportion de ≪ tacots ≫ augmente, ce qui rend encore plus mefiant les acheteurs, etc. A la limite, le marche des vehicules d’occasion peut disparaitre. En pratique il devient ≪ etroit ≫ et les ≪ tacots ≫ y sont surrepresentes.

Donc, devant un manque d'information sur la qualite, les mauvaises voitures chassent les bonnes. Ce modele montre ainsi une imperfection du marche qui ne maximise des lors plus l'utilite des consommateurs (a cause de la selection adverse), pas plus que le profit des producteurs les plus interessants (en raison de l'effet d'eviction sur ces derniers).

Akerlof partage le prix Nobel d'economie en 2001 avec Joseph Stiglitz , pour cette etude de l'asymetrie d'information.

Typologie [ modifier | modifier le code ]

Selection adverse et alea moral [ modifier | modifier le code ]

Outre les problemes de selection adverse , l’asymetrie d’information peut etre apprehendee dans des contextes ou l’un des contractants peut etre amene a changer de comportement. L’autre partenaire est alors dans une situation caracterisee par l’apparition d’un alea moral . Ce cas a ete particulierement etudie dans le domaine de l’ assurance . L’acheteur est ici l’assure qui cherche a se premunir contre un risque en souscrivant une police d’assurance. Le vendeur est ici la compagnie d’assurance qui se retrouve dans une situation ou elle doit couvrir un risque dont la probabilite d’occurrence peut etre mesuree ex ante par des analyses reposant sur la loi des grands nombres. Cependant, une fois la police souscrite, l’acheteur du contrat peut changer de comportement. Il peut relacher sa vigilance. Le vendeur du contrat risque alors de voir ses couts augmenter considerablement. Il lui faut maintenir des incitations suffisantes a ce que le comportement de l’assure ne devienne pas opportuniste. Les mecanismes de franchises en sont un exemple. Le probleme est ici que le changement de comportement intervient ex post , c'est-a-dire une fois le contrat passe. Et que les contrats peuvent difficilement prevoir toutes les possibilites (meme s’ils sont ecrits avec le plus de soin possible). Les contrats sont donc incomplets.

L’asymetrie d’information est ici liee a la nature opportuniste des contractants qui sont libres de changer de comportements dans la mesure ou des incitations ne sont pas suffisantes a les remettre dans le ≪ droit chemin ≫. Cette asymetrie d’information est notamment liee au fait que les contrats en question se deroulent dans la duree.

Solutions [ modifier | modifier le code ]

Renforcement de l'information [ modifier | modifier le code ]

Pour limiter l'asymetrie d'information (et les risques d'anti-selection) des producteurs au detriment des consommateurs :

  • decerner des labels et certifications respectant un cahier des charges (labels publics ou independants)
  • controler et reprimer les fraudes par des institutions publiques ou des campagnes d'information.
  • developper le capital social entendu ici comme la qualite des relations interpersonnelles, ce qui inclut la confiance des agents economiques et l'efficience des conventions sociales (dimension sociologique).

Conventionnalisme [ modifier | modifier le code ]

Des auteurs comme Andre Orlean ont explore d’autres possibilites, notamment dans le cadre de leur reflexion sur la finance de marche. Pour lui, il existe des croyances partagees (appelees egalement des ≪  conventions  ≫, d’ou le nom de la theorie dite theorie economique des conventions ). Pour Orlean, les marches ont une logique autoreferentielle : les intervenants sur un marche interpretent toute nouvelle information, notamment sur les prix, par exemple le prix d’un actif (action ou obligation) a l’aide du cadre cognitif dont ils disposent, et notamment vont chercher a anticiper quelle est la signification pour les autres de l’information. Ce qui interesse les agents n’est donc pas l’information en elle-meme, mais la maniere dont les autres l’interpretent. Dans ce contexte, un comportement d’imitation constitue une forme dynamique de rationalite autoreferentielle comme Keynes l’avait deja montre a travers l’exemple du concours de beaute .

Le probleme est que cette rationalite autoreferentielle peut amplifier les dysfonctionnements du marche en situation d’information imparfaite a la Akerlof. Elle est ainsi a l’origine des bulles qui se forment sur certains marches d’actif (actions, immobilier…) et qui deviennent des krach a certains moments parce que les anticipations autoreferentielles changent d’orientation a l’occasion d’une nouvelle information. Le probleme est que l’information n’a pas necessairement un rapport avec la question de la qualite au sens etudie precedemment.

Et donc que le prix n’est pas en lui-meme un bon indicateur de la qualite d’un actif. Les phenomenes de mode s'expliquent par le mimetisme des comportements qui s’applique a de nombreux produits et peuvent etre interpretes ainsi. Ce qui compte alors, ce n’est pas la qualite (≪ objective ≫) du produit, mais le fait de posseder ce produit parce que tout le monde le possede ou aurait envie de le posseder ; ce qui peut induire des comportements agressifs de la part de ceux qui sont tentes mais n’ont pas les moyens de se l’offrir, mais aussi des comportements de faussaires de la part d’entreprises qui vont chercher a imiter le produit jusqu’a en fabriquer des imitations illegales.

Notes et references [ modifier | modifier le code ]

Voir aussi [ modifier | modifier le code ]

Articles connexes [ modifier | modifier le code ]