L’
arc de Constantin
est un
arc de triomphe
a Rome, situe entre le
Colisee
et le
Palatin
. Il se trouve de nos jours dans le
rione
du
Celio
, l'ancienne route des
triomphes
.
Il fut construit par le
Senat romain
pour commemorer a la fois la victoire de
Constantin
au
pont Milvius
contre
Maxence
le
ainsi que ses 10 annees de pouvoir. Il fut place pres du Colisee et de la
Meta sudans
, Constantin voulant associer son regne a celui de la dynastie flavienne qui avait erige ces monuments
[
1
]
.
Inaugure le
(date correspondant aux
decennalia
du regne de l'empereur), c'est le dernier de la serie des arcs de triomphe a Rome, dans laquelle il se distingue par son utilisation systematique de reemplois (
spolia
) de monuments anterieurs.
L'arc mesure 21,10
m
de haut, 25,7
m
de large et 7,4
m
de profondeur. Il possede trois baies : la baie centrale est la plus grande, avec 11,5
m
de haut pour 6,5
m
de large, tandis que les passages lateraux mesurent 7,4
m
de haut pour 4,4
m
de large. La partie inferieure du monument est construite de blocs de marbre, tandis que la partie superieure, l'
attique
, est en maconnerie de briques revetue d'un placage de marbre. Un escalier est amenage dans l'epaisseur de l'arc ; on y accede par une porte situee en hauteur sur le cote regardant le Palatin.
La conception generale du monument, avec une partie centrale structuree par quatre colonnes libres (et non
engagees
comme sur beaucoup d'arcs) et un attique comportant au centre une inscription monumentale, est inspiree du modele de l'
arc de Septime Severe
sur le
Forum Romain
. Certains auteurs ont suggere que la partie inferieure de l'edifice remontait en fait a un monument anterieur, probablement de l'epoque d'
Hadrien
plutot qu'a la construction du
IV
e
siecle
.
L'arc chevauche la
Via Triumphalis
, la route prise par les empereurs lorsqu'ils entrent dans la cite pour celebrer leur
triomphe
. L'itineraire de cette route commence au
Champ de Mars
, conduit au
Circus Maximus
et fait le tour du
Palatin
. Immediatement apres avoir franchi l'arc de Constantin, la procession triomphale tourne vers la gauche et suit la
Via Sacra
jusqu'au Forum Romain, puis au
Capitole
, en franchissant a la fois l'
arc de Titus
et l'arc de Septime Severe.
Au Moyen Age, l'arc de Constantin est incorpore dans une des forteresses familiales de Rome. Des travaux de restauration sont entrepris pour la premiere fois dans les annees
1990
.
Malgre les restaurations modernes et recentes, le decor de l'arc differe beaucoup de son etat initial : ont disparu le groupe statuaire qui le couronnait (representant peut-etre Constantin sur un quadrige) et la majeure partie des placages de pierre coloree revetant la facade, dont il ne reste que des fragments de porphyre sur la face nord. Le principal element de decor sculpte detruit est la frise qui devait courir tout autour du monument, symetriquement a la frise constantinienne, au sommet de la partie mediane, juste au-dessous de la corniche de l'attique. On suppose que cette frise comportait elle aussi un cycle narratif sur la conquete du pouvoir par Constantin.
Le decor de l'arc remploie massivement des fragments de monuments plus anciens, qui prennent une nouvelle signification dans le contexte constantinien. Sur ce monument commemoratif de la victoire de Constantin, la nouvelle frise historiee representant sa campagne d'Italie constitue le motif significatif le plus important : elle celebre l'empereur, a la fois dans ses fonctions militaires et civiles.
D'autres motifs iconographiques renforcent ce programme : les elements de decor (bas-relief, statues) pris sur les monuments de l'Age d'Or imperial, sous
Trajan
,
Hadrien
et
Marc Aurele
, et remployes sur l'arc, situent Constantin dans la lignee de ces empereurs modeles. Ils evoquent l'image du dirigeant pieux et victorieux.
L'utilisation de ces remplois est egalement expliquee par la rapidite de construction de l'arc, commencee a la fin de
313
au plus tot, et achevee pour l'inauguration a l'ete
315
: c'est faute du temps necessaire pour sculpter de nouveaux reliefs que les architectes auraient reutilise des pieces existantes. On invoque aussi parfois l'incapacite technique des ateliers romains de sculpture du
IV
e
siecle
de produire des œuvres d'une qualite comparable a celles du
II
e
siecle
: le pillage des monuments anterieurs constituerait l'aveu implicite de cette inferiorite artistique en meme temps que la reconnaissance admirative des œuvres de l'epoque precedente. Cette interpretation n'est toutefois plus guere retenue, en raison de la reevaluation de l'esthetique qui domine l'art de l'Antiquite tardive : on admet generalement aussi, ce qui est demontre par certaines œuvres, notamment dans les arts mineurs (comme la sculpture sur ivoire) que les artisans de cette epoque avaient les moyens techniques d'approcher, sinon d'egaler le classicisme de leurs predecesseurs. Un argument important en faveur de cette reevaluation est la qualite des portraits de Constantin et de
Constance Chlore
ou
Licinius
retailles a partir des portraits d'empereurs du
II
e
siecle, aussi bien sur les
tondi
de l'epoque d'Hadrien que sur les grands panneaux du regne de Trajan ou de celui de Marc-Aurele.
Ces differentes explications ne sont pas exclusives l'une de l'autre et peuvent chacune contribuer a rendre compte des remplois dans ce monument. Cette pratique n'est par ailleurs en rien exceptionnelle a l'epoque, puisque de nombreux monuments eleves sous le regne de Constantin font aussi largement appel a des remplois : c'est le cas par exemple de la premiere
basilique Saint-Pierre
de Rome ou encore de nombreux monuments de la nouvelle capitale imperiale,
Constantinople
.
Au-dessus de la baie centrale, l'inscription principale occupe la place principale de l'
attique
. Elle est identique sur les deux faces.
De chaque cote de cette inscription, surplombant les deux baies secondaires, se trouve une paire de panneaux de bas-reliefs, donc huit au total. Ils proviennent d'un monument non identifie erige en honneur de
Marc Aurele
, et representent : sur la face nord, de gauche a droite, l'entree de l'empereur (theme de l'
adventus
imperial) dans la ville de Rome apres la campagne, l'empereur quittant la ville et salue par une personnification de la
Via Flaminia
, l'empereur distribuant de l'argent au peuple (la
largitio
) et l'empereur interrogeant un prisonnier germain ; sur la face sud, de gauche a droite, un chef ennemi prisonnier amene devant l'empereur, d'autres ennemis prisonniers presentes a l'empereur, l'empereur s'adressant aux troupes (
adlocutio
) et l'empereur sacrifiant un porc, un mouton et un taureau (scene de "suovetorile").
Ces huit panneaux, ainsi que trois autres conserves au musee du Capitole, proviennent d'un monument commemoratif celebrant le triomphe de Marc Aurele en
176
sur les
Sarmates
dans la guerre de
169
-
175
. Sur le panneau de la
largitio
, le portrait du fils de Marc Aurele,
Commode
, avait ete efface a la suite de la condamnation de sa memoire (
damnatio memoriae
) par le
Senat
en
193
. Les portraits de Marc Aurele sur ces differents reliefs sont en realite des restaurations du
XVII
e
siecle : dans l'etat d'origine de l'arc, ils avaient ete retailles pour representer Constantin.
Au sommet de chacune des huit colonnes encadrant les baies se trouve une statue de prisonnier
dace
, probablement prise au
forum de Trajan
.
De la meme epoque sont les deux grands panneaux (3 metres de haut) qui ornent les petits cotes de l'attique et representent des scenes des guerres de Dacie. Ils proviennent, de meme que les deux bas-reliefs situes sur les parois du passage central, d'une grande frise celebrant la victoire sur les Daces. Elle devait se trouver a l'origine sur le forum de Trajan ou dans les casernes de la cavalerie sur le
Cælius
. Les figures de Trajan sur ces panneaux ont ete retravaillees de la meme facon que celles d'Hadrien sur les medaillons, pour les adapter au nouvel empereur.
La structure generale de la facade principale est identique sur les deux faces de l'arc. Elle est divisee par quatre colonnes
corinthiennes
libres, en marbre jaune de
Numidie
(
giallo antico
). L'une d'entre elles fut transferee pour etre utilisee a la
basilique Saint-Jean-de-Latran
et remplacee par une colonne de marbre blanc. Les bases des colonnes sont ornees, de face, par des victoires, et sur les cotes par des captifs barbares et des soldats romains.
Les ecoincons de l'arc central sont decores de reliefs de Victoire portant un trophee, tandis que ceux des arcs secondaires presentent des personnifications de fleuves. Les reliefs des ecoincons, comme ceux des bases des colonnes, datent de l'epoque constantinienne.
Au-dessus de chaque baie laterale se trouvent des paires de reliefs circulaires remontant a l'epoque d'
Hadrien
: le monument d'origine de ces sculptures n'est pas connu, mais on suppose qu'il celebrait la chasse, une des activites favorites de l'empereur : sur les
tondi
alternent en effet des scenes de chasse et de sacrifice.
Sur la face nord, les medaillons presentent de gauche a droite : une chasse au sanglier ; un sacrifice a Apollon ; une chasse au lion ; un sacrifice a
Hercule
.
Sur la face sud, de gauche a droite : un depart a la chasse ; un sacrifice a
Silvanus
; une chasse a l'ours ; un sacrifice a
Diane
.
Le portrait d'origine de l'empereur Hadrien a ete retravaille sur tous les medaillons de facon a representer, du cote nord, Constantin dans les scenes de chasse et
Licinius
ou
Constance
I
er
, pere de Constantin, dans les scenes de sacrifice, et inversement du cote sud.
Les reliefs, qui mesurent environ 2
m
de diametre, etaient encadres de
porphyre
, qu'on ne retrouve que du cote nord de l'edifice. Des medaillons comparables, mais d'epoque constantinienne, ont ete places sur les petits cotes de l'arc : ils representent les chariots du Soleil levant (cote est) et de la Lune (cote ouest).
Le bas-relief principal contemporain de la construction de l'arc est la frise a motif historique qui se deploie tout autour du monument en dessous des medaillons, a raison d'une bande au-dessus de chaque arc secondaire et sur les petits cotes de l'arc. Elle represente des episodes de la campagne italienne de Constantin contre Maxence, en raison de laquelle on proceda a la construction du monument.
La frise commence sur le cote ouest avec la scene du depart de Milan, se poursuit du cote sud (qui regarde vers l'exterieur) avec le siege d'une ville, probablement
Verone
, qui joua un grand role dans la guerre en Italie du nord. C'est sur cette facade aussi que se trouve representee la bataille du pont de Milvius, avec l'armee victorieuse de Constantin et l'ennemi en train de se noyer dans le
Tibre
.
Sur le cote
est
du monument, la frise montre Constantin et son armee entrant a Rome. Il est notable que l'artiste a evite dans ce cas l'utilisation de l'iconographie du triomphe, probablement parce que Constantin ne souhaitait pas apparaitre en train de triompher sur Rome. Du cote nord, qui fait face a la ville, deux bandes representent les actes de l'empereur apres la prise de Rome : Constantin s'adresse aux citoyens sur le Forum Romain, et procede a une distribution d'argent.
Dans le passage central se trouve sur chaque paroi un des grands panneaux de la guerre de Trajan contre les Daces. Dans les passages lateraux etaient places huit bustes (deux par mur) qui ont ete endommages au point de ne plus etre identifiables.
L'inscription principale etait a l'origine en lettres de bronze. Elle est encore lisible grace aux caracteres en creux et aux trous de fixation qui subsistent. Le texte, identique sur les deux faces, se lit :
IMP(eratori) CAES(ari) FL(avio) CONSTANTINO MAXIMO
P(io) F(elici) AVGUSTO S(enatus) P(opulus) Q(ue) R(omanus)
QVOD INSTINCTV DIVINITATIS MENTIS
MAGNITVDINE CVM EXERCITV SVO
TAM DE TYRANNO QVAM DE OMNI EIVS
FACTIONE VNO TEMPORE IVSTIS
REMPVBLICAM VLTVS EST ARMIS
ARCVM TRIVMPHIS INSIGNEM DICAVIT
Traduction :
Au pieux et heureux empereur Cesar Flavius Constantin le Grand, Auguste, parce que, sous l'inspiration de la divinite et par grandeur d'esprit, avec son armee et de justes armes, en un seul coup decisif, il a venge l'Etat sur le tyran et toute sa faction, le Senat et le peuple romain dedient cet arc en signe de son triomphe.
Les mots
instinctu divinitatis
(≪ sous l'inspiration de la divinite ≫) ont fait l'objet de nombreux commentaires. On y voit en general le signe du changement d'affiliation religieuse de Constantin : la tradition chretienne, notamment
Lactance
et
Eusebe de Cesaree
, rapporte que Constantin aurait eu une vision du dieu des chretiens au cours de la campagne, et qu'il fut victorieux au
pont Milvius
grace au signe de la croix qu'il avait fait inscrire sur les boucliers de son armee. Mais, bien que Constantin ait commence a soutenir activement l'Eglise a partir de
312
, le symbole du Dieu Soleil,
Sol Invictus
, continue de figurer en bonne place sur les documents officiels de son regne ? notamment les monnaies ? jusqu'en
324
. La formulation assez vague de l'inscription sur l'arc, dans ce contexte, peut etre volontairement interpretee de differentes facons, selon les lecteurs, et satisfaire ainsi a la fois les paiens et les chretiens, l'inscription ayant fait l'objet d'un compromis entre le Senat composee d'une vieille aristocratie paienne et les nouvelles croyances de Constantin
[
2
]
.
Comme il est de coutume, l'ennemi vaincu n'est pas mentionne nommement dans l'inscription, mais seulement par une reference indirecte au ≪ tyran ≫, selon une terminologie qui, avec l'image d'une ≪ guerre juste ≫, justifie l'assassinat d'un dirigeant illegitime et donc la guerre civile declenchee par Constantin contre son collegue Maxence.
Le meme message est repete en deux courtes inscriptions situees sur les parois interieures du passage central : LIBERATORI VRBIS (liberateur de la cite) ? FVNDATORI QVIETIS (fondateur de la paix). Constantin se presente ainsi en liberateur et non en conquerant. Il a delivre la Ville de l'occupation et retabli la paix.
Au-dessus des baies secondaires, d'autres courtes inscriptions se lisent ainsi : VOTIS X ? VOTIS XX ? SIC X ? SIC XX (≪ Vœux solennels pour le
10
e
anniversaire ? pour le
20
e
anniversaire ? de meme que pour le
10
e
, de meme pour le
20
e
anniversaire ≫). Elles permettent de dater l'arc de triomphe des
decennalia
de Constantin (dixieme anniversaire de son regne, compte a partir de
306
), qu'il celebre a Rome lors de l'ete
315
. Il est naturel de supposer que l'arc a ete inaugure durant ce sejour dans la Ville.
Canaletto
, peintre venitien de
vedute
le represente encore en ruine en 1742
[
3
]
, et Camille Corot le montre de cote avec le Forum
[
4
]
.
- ↑
(en)
Elizabeth Marlowe, ≪ The Mutability of All Things’: The Rise, Fall and Rise of the Meta Sudans Fountain in Rome ≫, in D. Arnold and A. Ballantyne,
Architecture as Experience: Radical Change in Spatial Practice
, Routledge, 2004, p. 45
- ↑
Pierre Maraval
, ≪ L'Empereur Constantin ≫ dans
La Marche de l'histoire
, 29 novembre 2011
- ↑
Canaletto, Royal Collection
- ↑
Camille Corot, Frick Collection
- (it)
Patricio Pensabene, et Clementina Panella,
Arco di Costantino: tra archeologia e archeometria
, Roma, 1999 ;
- (it)
Maria Letizia Conforto
et al.
,
Adriano e Costantino. Le due fasi dell'arco nella Valle del Colosseo
, Milan, 2001.
- (en)
Bryan Ward-Perkins
, ≪ Re-using the architectural legacy of the past,
entre ideologie et pragmatisme
≫, in G. P. Brogiolo et B. Ward-Perkins (ed.),
The Idea and Ideal of the town between Late Antiquity and the Early Middle Ages
, Brill, 1999,
p.
225-244
.
- Jose Ruysschaert
, ≪ Essai d'interpretation synthetique de l'Arc de Constantin ≫, Estratto dai RENDICONTI della Pontificia Accademia Romana di Archeologia, vol. XXXV 1962-1963,
p.
79-100
.
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