Cet article peut contenir un
travail inedit
ou des declarations
non verifiees
(
).
Vous pouvez aider en ajoutant des references ou en supprimant le contenu inedit. Voir la
page de discussion
pour plus de details.
10 canoes, 150 lances et 3 epouses
(
Ten Canoes
) est un film
australien
de
2006
realise par
Rolf de Heer
et
Peter Djigirr
.
Le film evoque la vie et les mythes des premiers habitants de l'Australie, bien avant la colonisation.
Le film est construit par histoires imbriquees : reportage, expedition d'un vieux chasseur avec son jeune frere, a qui il raconte une chronique du
Temps du reve
, elle-meme entrecoupee par de breves sequences consacrees aux Ancetres, a leurs vices et erreurs.
Le spectateur est ramene en des temps tres anciens. Il survole une riviere qui serpente dans le
bush
: encadree de sa galerie forestiere (palmiers,
paletuviers
et
eucalyptus
), elle draine de vastes marecages verdoyants, et sur elle planent de grands oiseaux aux ailes blanches et noires.
La voix de
David Gulpilil
rappelle les croyances des Indigenes Australiens du
Territoire du Nord
dans un monologue :
- ≪ Je dois d'abord vous parler de mon peuple et de mon pays ; alors vous pourrez voir mon histoire, et savoir…Cette terre commenca au commencement
[
3
]
.
Yurlungur
, le grand ≪ goanna ≫ d'eau (le
varan
)
[
4
]
, il voyagea par ici. Yurlungur fit toute cette terre, il fit cette eau…Il fit ce marais, qui s'etend au loin et nous donne la vie…Je viens d'un trou d'eau de ce pays, qu'Yurlungur a fait. Je ressemblais a un petit poisson dans mon trou d'eau… Alors mon pere s'est approche de mon trou d'eau. Je lui ai demande ou etait ma mere, car je voulais naitre. Mon pere m'a montre du doigt une de ses femmes : ≪ Voici ta mere… ≫, me dit-il. J'attendis le bon moment, et soudain je fus dans sa matrice. Alors mon pere eut un reve, et ce reve lui fit savoir que sa femme avait un petit en elle. Ce petit, c'etait moi… ≫
Le conteur rit a bas bruit, puis reprend sa narration :
- ≪ A ma mort, je retournerai dans le trou d'eau. J'attendrai la, comme un petit poisson, pour renaitre a nouveau…Vous ne saviez pas tout ca, hein?…Mais c'est une chose vraie, ca se passe toujours comme ca pour mon peuple…Et maintenant, il nous faut trouver ou est l'histoire, l'histoire que je vais vous raconter…Il nous faut revenir en arriere, il y a tres longtemps, au temps ou vivaient mes ancetres
[
5
]
… ≫
Et, pendant que l'image passe de la couleur au noir-et-blanc, le conteur continue a voix basse :
- ≪ Chut! Maintenant, ecoutez…Je les entends, ils arrivent, mes ancetres… Cette histoire vous aidera a vivre correctement… ≫
Il commence abruptement : le spectateur (comme s'il etait cache derriere un arbre a 20 metres du sentier) voit s'approcher et passer devant lui, de droite a gauche, 10 chasseurs de l'age de pierre.
Ils marchent en file indienne, a grandes enjambees, nus, en silence, les sagaies sur l'epaule, le propulseur a la main, le
dilly-bag
(sac fourre-tout en filet) leur battant les fesses. Dans la chaleur oppressante qu'on croit sentir, seul le rire gras d'un
kookaburra
(
Dacelo
) rompt le silence. Ils vont disparaitre vers la gauche, quand l'un d'eux pousse un cri guttural. Tous s'arretent, et le charme est rompu, la trivialite humaine reprend le dessus : le dernier de la file clame :
- ≪ Je ne veux pas rester derriere, il y en a un qui pete, c'est affreux ! ≫
Tous s'esclaffent, plies en deux, les lazzi resonnent dans le silence de la foret, les chasseurs se questionnent pour la forme : l'un d'eux est bien connu pour ses gaz intestinaux pestilentiels, et il ne fait pas de difficultes pour passer en serre-file. D'ailleurs ils arrivent au but : un bosquet d'arbres au tronc haut, parfaitement regulier et cylindrique ; ils vont en detacher de grands pans d'ecorce pour confectionner des canoes. Et pendant le travail les commerages gaillards
[
6
]
vont bon train : ≪ Alors, vous pensez qu'ils couchent ensemble ? ≫ etc. Ils parlent de
Dayindji
, le jeune frere de
Miningululu
, leur chef au cheveux blancs, et de sa plus jeune epouse. Le vieux chef prend alors son petit frere a part : il veut lui montrer comment detacher proprement l'ecorce des troncs, et surtout lui parler…Il lui conseille de s'eloigner de sa belle-sœur : si le jeune homme s'obstine a la courtiser, le groupe en sera perturbe ; d'ailleurs il va lui raconter une histoire du ≪ Temps du Reve ≫ qui illustre parfaitement les dangers de ce type de liaison…Le jeune homme lui repond :
- ≪ Oui, mais moi j'ai besoin d'un femme ! Toi tu es vieux, et tu en as trois… ≫
- ≪ Sois patient, lui repond son frere, tu auras une femme plus tard… ≫
- ≪ Mais alors je serai vieux, replique le jeune homme, et mon sexe sera mou !… ≫
Sous les eclats de rire du groupe, le vieux chef se redresse, et, la main sur le bas-ventre, proteste :
- ≪ Quoi, tu veux dire que mon sexe est mou ?… ≫
[
7
]
.
Cependant les hommes rapportent sur leurs tetes les grands cylindres d'ecorce vers le marecage
[
8
]
. Ils s'exclament en arrivant :
- ≪ Ah, ca fait du bien de nous rafraichir les pieds dans l'eau !… ≫
[
9
]
.
Puis les hommes commencent a faconner les canoes : ils assouplissent les pans d'ecorce sur le feu, pincent les extremites dans un etau fait d'un arbre fourchu, avant de les coudre avec des fibres vegetales. Une branche taillee en forme de banc maintient les parois ecartees… Tout en travaillant, le vieux chef
Miningululu
commence a raconter a son jeune frere l'histoire des ancetres, au Temps du Reve, et les images en couleur apparaissent alors.
Par la suite, le frere aine reprendra plusieurs fois le ≪ recit en couleurs ≫, afin que son cadet ≪ apprenne a vivre correctement ≫. Et il choisira des moments privilegies de la journee pour lui en restituer l'impact. Ainsi, lorsqu'il se trouve seul dans les marais avec le jeune homme qu'il initie a l'approche des
gumangs
' (canaroies), a leur chasse a la sagaie, et a la recolte de leurs
mapu
(œufs) sur les
yali
(nids). Ou le soir, quand le groupe se retrouve au bivouac sur les plates-formes dressees dans les taillis au-dessus du niveau de l'eau, afin d'echapper aux crocodiles, aux sangsues et aux serpents, pres des feux nourris d'ecorce d'eucalyptus, dont la fumee chasse les moustiques.
Puis la chasse prend fin, et les chasseurs rentrent chez eux en riant et en discutant, sagaies sur l'epaule, portant des paniers d'œufs et tenant par le cou ou les pattes quelques cadavres d'oies blanches et noires.
- En rapport direct avec la
cosmogonie
des Yolngu, il narre une chronique du
Temps du reve
. C'est, dit le narrateur, ≪ ce qui arriva il y a tres-tres longtemps, tout a fait au commencement, alors que les grands-peres de nos grands-peres etaient encore des petits poissons dans les trous d'eau, juste apres le Grand Deluge qui couvrit toute la Terre…
Yurlungur
, le Grand Goanna, avait juste nomme les arbres, les oiseaux, les plantes et les hommes… Et il avait donne aux Ancetres la Grande Ceremonie du
Djunggan
, par laquelle les hommes ont recu la Loi que nous apprenons tous, la Loi selon laquelle nous devons vivre ≫.
Les Ancetres dont parle le narrateur etaient un groupe d'hommes et de femmes dont le chef avait une epouse jeune et belle, qui fut convoitee par le frere cadet du chef
[
10
]
…..
Les heros sont tout d'abord presentes en une galerie de portraits individuels cadres en gros plan et commentes par la voix
off
du conteur :
- le chef
Ridjimiraril
, un grand guerrier, d'une beaute farouche, viril et dominateur, protecteur du groupe et bon pourvoyeur de gibier, son
javelot
atteint son but avec force
[
11
]
.
- son jeune frere
Yeeralparil
, ephebe maladroit, que son frere aine se charge d'initier a la vie en brousse
[
12
]
…
- la premiere epouse du chef,
Banalundju
, sage, bonne et tolerante, mais qui surveille de pres la plus jeune coepouse et l'empeche de s'ecarter…
- la deuxieme epouse du chef,
Nowalingu
, aguicheuse, perverse et volage, mais qui tient le chef par les sens…
- la troisieme epouse,
Munanjarra
, jeune, ≪ belle et tranquille comme un bebe qui dort ≫…
- un membre important du groupe,
Birrinbirrin
, un vieux madre, amateur de bonne chere au ventre enorme, toujours en train de quemander du miel sauvage. Mais il est plein d'experience et de sagesse, parle les differents dialectes de la region, et ses pointes de sagaie en pierre taillee en forme de
feuille de laurier
sont tres recherchees…
- et le Sorcier, un vieil homme ride qui vit seul a l'ecart du groupe ≪ pour preserver les secrets de sa magie ≫…
Derriere le campement principal, l'ambiance est a la detente : les hommes se coupent les cheveux et se rasent mutuellement. Mais les enfants qui cherchaient des ruches sauvages dans les arbres accourent en poussant des cris d'alarme : ≪ Un etranger, un etranger arrive ! ≫ Or personne n'a annonce sa visite… Le groupe fait bloc derriere le chef, sagaie sur le propulseur, et scrute l'intrus qui sort du bois. Il degage ≪ l'odeur de quelqu’un de tres dangereux ≫ et il porte un cache-sexe, aussi les compagnons de
Ridjimiraril
remarquent-ils qu'≪ il faut se mefier de celui qui cache sa bite… ≫
On commence a parlementer,
Birrinbirrin
sert d'interprete. L'Etranger ne dit pas clairement pourquoi il vient ; par contre il seme l'inquietude en affirmant avoir des pouvoirs magiques. On lui offre des aliments, on lui fait comprendre qu'il n'est pas le bienvenu
[
13
]
et on lui demande de se retirer. L'Etranger fait demi-tour et repart dans le
bush
.
Une palabre a lieu au campement : que venait chercher l'Etranger ? Le Sorcier fait subitement son apparition : de loin, affirme-t-il, il avait percu l'approche d'une personnalite malefique. Et il assure son pouvoir sur le groupe en rappelant quelques techniques elementaires d'
envoutement
que l'etranger a peut-etre utilisees, surtout si les habitants du village ont laisse trainer leurs dejections : elles servent de support a la technique d'envoutement… Pire que tout, affirme le sorcier, l'Etranger pourrait voler une ame en secret
[
14
]
. Les chasseurs fremissent : ≪ Restons groupes ≫ chuchotent-ils…
Apres avoir fait ses recommandations au groupe afin que personne ne laisse prise aux influences nefastes de l'Etranger, le Sorcier couvert de peintures rituelles ocres et blanches exorcise le campement (son intervention est soutenue par le crepitement des
clapsticks
en fond sonore)
La tension retombe ensuite au campement principal, ou vivent hommes et femmes maries, et la vie reprend son cours habituel, avec ses hauts et ses bas dus essentiellement aux aleas de la
polygamie
. Pour echapper aux criailleries et aux disputes de ses femmes le chef part chasser le
wallaby
dans le
bush
[
15
]
. Birrinbirrin harcele ses femmes qui vont chercher du bois pour qu'elles lui rapportent du miel et il se fait severement rabrouer : ≪ Vas-y toi-meme, vieux crapaud !… ≫ Ses petit-fils lui rapportent un rayon de miel, il pioche dedans goulument avec sa baguette, puis s'accroupit et commence a travailler a petits coups precis une de ses fameuses pointes de lance en silex, tout en fredonnant la ≪ chanson du miel ≫…
Cependant au campement annexe, ou les jeunes celibataires passent le temps comme ils peuvent, le beau
Yeeralgaril
ne peut plus vivre loin de
Munandjarra
, la femme qu'il aime. ≪ Ses jambes decident d'aller la voir, et il les suit ≫ dit-il. Il met ses sagaies sur l'epaule et part sous les quolibets, les plaisanteries et les exclamations
[
16
]
des autres celibataires. Mais les autres femmes veillent, tout en ramassant a la lisiere du marecage des noix des marais, en deterrant des racines, en papotant comme des ≪ gumangs ≫ (oies pies) ou en vidant leurs querelles toutes griffes dehors
[
17
]
.
Munandajarra
, en pretextant un besoin naturel, arrive a s'ecarter et a echanger quelques mots avec
Yeeralparil
tapi dans les buissons, mais naturellement toutes les femmes s'en rendent compte…
Soudain un jour la nouvelle se repand : c'est
Nowalingu
, la seconde epouse de
Ridjimiraril
, ≪ elle a disparu comme une gummang ≫. Les hommes se reunissent et palabrent, chacun donne son avis. On conclut qu'il n'y a que deux possibilites : soit
Nowalingu
s'est enfuie, soit elle a ete victime d'un rapt. Et chaque homme, dans une sequence particuliere (en couleurs delavees), decrit sa version du rapt, et expose ses
phantasmes
de vengeance…
Le chef
Ridjimariril
est sur que c'est l'Etranger qui est venu chercher Nowalingu, et cette pensee l'obsede. ≪ Un grand nombre de lunes traversa la nuit ≫ apres la disparition de
Nowalingu
. Et si le groupe parait s'accommoder parfaitement de l'absence de cette femme querelleuse et semeuse de discorde,
Ridjimiraril
ne l'oublie pas et en perd le gout de vivre.
Un jour un vieil oncle arrive au camp, de retour d'un long periple. Il dit avoir brule l'herbe, tue un
goanna
(varan) et un
bandicoot
[
18
]
, et vu
Nowalingu
: elle vivait dans une hutte d'ecorce avec un etranger…
Les hommes entrent alors en effervescence : il faut aller reprendre
Nowalingu
, et exercer la
vendetta
'. Au son haletant du
didgeridoo
, les preparatifs de guerre s'accelerent : les adolescents portent en courant les baton-messages au loin, on coupe des branches pour en faire des hampes de sagaie, Birrinbirri taille sans arret des pointes de silex, on se peint en argile blanche. On elabore des plans d'attaque, et les modalites du rapt : on ne se contentera pas de reprendre
Nowalingu
aux ennemis, on capturera une de leurs femmes… Ou deux femmes ? ≪ Et pourquoi pas toutes ? ≫ lance Birrinbirri le goulu. Mais un des hommes le fait revenir sur terre : ≪ Et qui s'occupera d'elles ensuite ? Toi ? ≫
Les hommes peints de frais partent en gambadant sur le sentier de la guerre, sauf
Yeerilparil
: son frere aine l'a consigne au camp. Il devra prendre en charge ses femmes s'il vient a etre tue
[
19
]
. Mais quand en l'absence du chef son jeune frere vient roder trop pres de
Munandjarra
, la premiere epouse lance une buche au jeune homme, et lui crie : ≪ Va donc jouer avec une femelle de crocodile !… ≫
Finalement les guerriers reviennent au camp, tout joyeux : ils n'ont pas eu a combattre ceux du camp de l'autre rive, car ils ont pu constater que
Nowalingu
n'etait pas la-bas… La vie reprend son cours, sauf pour
Ridjimiraril
: le chef devient de plus en plus sombre, taciturne et irritable. Il est obsede par l'image de
Nowalingu
, il se demande sans cesse ce qui a pu lui arriver : est-elle vivante, ou a-t-elle ete tuee ?…
≪ Son ame etait possedee par un mauvais esprit…Un jour le mauvais esprit qui habitait la tete de
Ridjimiraril
s'echappa, et les choses empirerent ≫. Les enfants de
Birrinbirrin
apercurent l'Etranger a proximite du camp, et leur pere courut alerter le chef
[
20
]
.
Ridjimiraril
se dresse, empoigne ses sagaies.
- Que vas-tu lui faire ? ≫ demande
Birrinbirrin
, inquiet.
- ≪ Juste parler avec lui… ≫
- ≪ Pourquoi prends-tu toutes ces sagaies ? ≫
- ≪ Fais-moi confiance… ≫
Le guerrier athletique, suivi du vieillard obese, se faufile dans la brousse et approche l'Etranger. Il est la, le dos tourne, accroupi, en train de defequer par terre. Soudain
Yirilmaril
brandit son propulseur et perce ce dos d'une sagaie. Ils se precipitent, et constatent que l'homme qui agonise, couche sur le flanc a cote de son etron, la sagaie plantee dans le torse, est un inconnu. Et le mauvais esprit continue a exercer son action nefaste : au meurtre impulsif succedent des phrases insanes (≪ Mauvaise merde de mauvais inconnu !… ≫) et des actes illogiques : les deux chasseurs dissimulent sommairement le cadavre sous la vegetation en esperant que personne ne le trouvera, s'exhortent au silence, et reviennent au camp comme si rien ne s'etait passe…
Mais un groupe d'hommes peints en ocre-rouge, sagaies brandies, leur barre soudain le chemin. Ils sont menes par le premier Etranger, fou de rage : c'est son frere qui a ete tue, ils ont suivi ses traces et trouve son corps.
Ridjimiraril
reconnait avoir tue. Il accepte de subir l'epreuve de
makaratta
pour eteindre la
dette de sang
, et il choisit son jeune frere comme second
[
21
]
…
Breves, en images delavees : il s'agit (images mentales ramassees en raccourci) de ≪ reves dans le reve ≫, de
phantasmes
, de tentations, de pensees cachees, de jubilations par anticipation. Ainsi :
- lors des
palabres
, quand les hommes echafaudent des hypotheses sur les causes de la disparition de
Nowalingu
: s'est-elle sauvee, ou a-t-elle ete enlevee, et par qui ? Et l'on voit un homme et une femme, se tenant par la main, nus comme Adam et Eve, se faufiler dans la vegetation luxuriante
- les projets de represailles : comment va-t-on attaquer le camp ennemi : de jour, ou de nuit ? La terreur de l'homme surpris, et ses gestes d'apaisement devant les sagaies levees sur lui ne seront-ils pas plaisants?
- les variations sur le theme du
rapt
de femme(s) dans le clan adverse : ≪ on va leur reprendre
Nowalingu
, on la reprendra. Et de plus on enlevera une autre femme… Et pourquoi pas plusieurs femmes ?... ≫
- les peurs primaires que les avertissements du sorcier eveillent parmi les hommes : quand il les avertit que l'Etranger va certainement voler leurs ames, soit subrepticement (et trivialement, en utilisant leurs dejections), soit par la violence. On voit alors un zombie errer dans la brousse (cf note
n
o
30). Puis vient une etrange et breve scene de meurtre (
gore
dans le
bush
) qui assassine le
mythe du bon sauvage
: au fond d'un taillis eclabousse de sang, un homme vu de dos, a genoux devant sa victime pantelante, la larde posement de coups de sagaie…
- et aussi l'evocation d'une
utopie
pacifiste
que la
fatalite
fera avorter dans la realite future proche : le chef
Rildjimiril
fraternise avec l'Etranger, et ils vont ensemble chercher
Nowalingu
.
David Gulpilil
, danseur et acteur indigene australien
[
24
]
, celebre pour avoir joue depuis 1971 dans (entre autres)
Walkabout
(
La Randonnee
)
[
25
]
,
Mad Dog Morgan
,
The Last Wave
(
La Derniere Vague
),
Crocodile Dundee
,
Rabbit-proof fence
(
Le Chemin de la liberte
), et
Australia
(en 2008), fut dirige en 2002 dans le film
The Tracker
(
Le Pisteur
) par
Rolf de Heer
. David invita ensuite Rolf a venir tourner dans sa region natale, la
terre d'Arnhem
, une immense zone sauvage de brousse tropicale parsemee de marecages situee sur la cote nord de l'Australie, en bordure de la
mer d'Arafura
[
26
]
.
Le catalyseur de l'œuvre de Rolf de Heer et Peter Djigirr
[
27
]
fut une photographie qui representait dix pirogues montees par des hommes Yolngu, en expedition de chasse-collecte dans le marecage d'Arafura
[
28
]
. Cette photo fut prise en 1936 par
Donald Thomson
, un ethnologue et naturaliste australien qui se consacra dans le
top end
a une œuvre a la fois scientifique et humanitaire, et contribua tant sur le plan local que sur le plan national a apaiser les conflits entre les communautes blanche et
aborigene
.
Les photos, vu l'etiolement de leur tradition orale, sont l'un des rares liens que les indigenes australiens aient conserve avec leurs parents. Le critique ecrivant a propos de
Dix canoes…
sur le site allocine.fr l'a bien compris : ≪ Donald Thomson, dit-il, nous a laisse un patrimoine exceptionnel : le portrait d'un peuple et d'un mode de vie, qui sans lui ne nous serait jamais parvenu. La Collection Thomson (300 photos en noir-et-blanc) couvre de nombreux aspects de la culture des aborigenes. Elle est conservee au Musee Victoria avec 700 autres photos prises en Australie Centrale et au Cap York. Les Indigenes Australiens Yolngus entretiennent des liens tres forts avec les photos qui ont ete exposees chez eux, chacun y reconnaissant un ou plusieurs membres de sa famille. ≫
[
29
]
Daniel Gulpilil explique
[
30
]
: ≪ J'ai montre une photo faite par Donald Thomson a Rolf de Heer et je lui ai demande ce qu'il en pensait. Il a alors commence a ecrire une histoire, avec les habitants de Raminginig ? mon peuple ? et nous avons entame notre collaboration… (…) Cette histoire ? l'histoire que raconte le film ? n'est pas terminee. Elle se poursuit encore et encore, car c'est l'histoire de notre peuple et de notre terre… ≫
Rolf de Heer (avant que
Ten canoes
ne soit presente le
au
Festival de Cannes 2006
, dans la selection ≪ Un certain regard ≫) assura
[
31
]
: ≪ Les gens se demandent : ≪ Qu'a a faire un cineaste blanc avec une histoire d'indigenes ? ≫ Ils (les indigenes australiens) racontent l'histoire, largement, et je ne suis que le mecanisme qui les aide a le faire… ≫
Le tournage fut freine par de nombreux facteurs :
- tout d'abord l'environnement physique
[
32
]
: le climat tres chaud et humide, eprouvant autant pour l'equipe de tournage que pour le materiel ; le stress etait augmente par les moustiques, les sangsues, et surtout la peur des
crocodiles
.
Donc, pendant le tournage, les acteurs eux-memes devaient retrouver leurs reflexes ancestraux, et rester vigilants (≪ keep on croc-spotting ≫) pendant que le directeur et les techniciens pataugeaient, plonges dans l'eau et la vase jusqu'a la taille. Et le soir, quand ils rentraient epuises, affames et couverts de cloques (≪ piqures de moustiques au-dessus de la taille - et morsures de sangsues en dessous ≫…) au campement de Murwangi (quelques vieux baraquements de
tole ondulee
ayant servi d'etables autrefois, augmentes des tentes de l'equipe technique et des acteurs) ils pouvaient constater que les nombreux visiteurs Yolngu (amis et famille, proches ou tres eloignes…) avaient applique les regles de l'hospitalite de brousse, et qu'il ne restait plus rien a manger. Et que de plus, toute consolation du genre
long drink
etait impossible, l'alcool etant interdit au camp. Mais l'odeur du poisson en train de cuire sur les multiples petits feux de bois, et la chaleur humaine rachetaient tous les inconvenients : la bonne entente regnait au camp,
black-fellas
et
white-fellas
(≪ gars-noirs ≫ et ≪ gars-blancs ≫) avaient appris a se connaitre. Un film documentaire ≪ Le
balanda
(blanc), et les 1O canoes d'ecorce ≫, montrant la realisation du film lui-meme, fut d'ailleurs monte en annexe.
Heureusement pour l'equipe comme pour les acteurs, apres le
slogging through reeds
(trimardage dans les roseaux) que fut le tournage de la premiere partie du film, celui de la seconde partie se deroula dans la brousse seche.
- la communication entre les acteurs locaux (parlant le
ganalpingu
) et les acteurs ≪ etrangers ≫ comme Crusoe Kurdall (qui est de Maningrida et parle le
guwinggu
)
[
33
]
, posa aussi des problemes, du moins au debut. Les membres de l'equipe technique et les Ganalpingu eurent aussi du mal a s'entendre. En fait, ce ne fut pas tant la diversite des langues qui fut en cause (tous les Indigenes Australiens, s'ils parlaient peu ou mal l'anglais, pouvaient se faire comprendre en 5 ou 6 langues indigenes…), mais la transmission de concepts qui s'avera difficile : il fallut souvent que 5 ou 6 ≪ expliqueurs ≫ se mettent d'accord avant de pouvoir tourner une scene. Rolf de Heer, tout en reconnaissant que ≪ certains concepts n'appartenaient pas a leur facon de penser le monde ≫
[
34
]
rend par ailleurs hommage a Peter Djigirr (un ex-chasseur de crocodiles Yolngu qui joue dans le film le role d'un canoeiste - et celui de l'Etranger, tue par erreur par Ridjimiraril), pour ses talents en relations humaines, ainsi que pour son habilete a dejouer les pieges du ≪ bush ≫. C'est que la brousse et le marecage sont devenus des milieux presque etrangers a de nombreux Yolngu habitues maintenant a vivre en ville a l'occidentale, et qui meme voyagent souvent a l'etranger pour faire la promotion de leurs œuvres artistiques
[
35
]
- le casting fut une source de surprise : Rolf de Heer pensait pouvoir choisir les piroguiers, mais il se les vit imposer par la communaute. En effet, les Yolngu, se referant aux souvenirs du ≪ Thompson Time ≫ (≪ l'Epoque de Thomson ≫) qui subsistaient chez les anciens, et aux photos que l'anthropologue avait prises, ne proposerent a Rolf de Heer que les descendants des hommes qui avaient travaille autrefois avec Thomson. C'est sans doute l'une des causes qui firent que David Gulpili n'apparait pas a l'ecran. Une des autres etant qu'il appartient a un clan voisin du clan local des Ganalpingu (≪ fils des oies pies ≫), et que les rivalites interclaniques etaient ardentes il y a encore quelques decennies…
Quant aux femmes, seules furent admises a jouer celles (d'ailleurs peu nombreuses) que les regles compliquees du
kin-ship
(systeme de parentele coutumier) n'excluaient pas…Mais le fait que les acteurs locaux n'aient pas ete choisis par le metteur en scene n'a pas d'importance, car ≪ ils sont les personnages ≫. C'est bien ce qu'a souligne Frances Djulibing (qui dans le film incarne
Nowalingu
, la deuxieme epouse, celle qui disparait): ≪ Jouer nos ancetres, et notamment jouer nus, n'a pas ete un probleme : pendant le tournage, nous etions nos ancetres, litteralement… ≫
[
36
]
. D'ailleurs on note que certains acteurs ont garde ≪ a la scene ≫ leur propre nom : le vieux sage Minigululu, le gros Birrinbirrin…
- 3 versions du film furent realisees
[
37
]
, ce qui, en mettant en evidence l'enracinement de l'œuvre, accentua son cote didactique et permit d'augmenter sa diffusion :
- Une version en
yolngu-matha
(langue vehiculaire dans les
Northern Territories
), sans sous-titres
- Une version en
yolngu
, avec commentaires et sous-titres en
mandalpingu
- Une version en
yolngu
, avec commentaires et sous-titres en anglais
- La premiere representation officielle eut lieu le
lors de l'
Adelaide Festival of Arts
, puis le film fut montre le
au
Festival de Cannes 2006
(dans la serie ≪ Un certain regard ≫, ou il recut le Prix Special du Jury), et avant la fin 2006 dans 12 autres festivals de par le monde
[
38
]
. Le titre ≪ Ten canoes ≫ est simplement traduit dans les versions presentees a l'etranger, sauf dans les versions francaise et allemande. Sans doute afin que le titre paraisse plus attractif, on y a ajoute ≪ 150 lances ≫ (ce qui est nettement exagere : il est rare que plus de 10 personnes paraissent sur l'ecran), et ≪ 3 epouses ≫
[
39
]
.
Mais la premiere projection en public de la version entierement parlee en langue yolngu-matha, sans sous-titres, eut lieu en plein air a
Raminginig
, le village a cote duquel l'acteur David Gulpilil vecut en brousse son enfance et son adolescence. La nuit etait chaude et orageuse : c'etait la saison des pluies… David Gulpilil dit
[
40
]
: ≪ J'ai pleure en voyant le film. Je suis fier de ceux qui y ont participe. Ceux qui verront ce film le garderont dans leur cœur, ils seront plonges dans la beaute du monde sauvage… ≫
Recompenses aux
AFI Awards 2006
, ils sont de haute qualite, et laissent le pas a l'image
- dans le bush les cris d'oiseaux renforcent la tension : que ce soit le rire du
kookaburra
(
Dacelo
), ou le cri d'un oiseau-moniteur (un bruit de grosse toile brutalement dechiree) qui fait sursauter les chasseurs et les avertit quelqu'un approche.
- au camp ou lors de la cueillette, le cacardement des
gummangs
, les oies-pies, est mis en parallele avec le papotage des femmes, qui devient parfois strident quand des coepouses ennemies en viennent aux mains.
-
Birrinbirrin
, trop vieux et trop gros pour monter lui-meme aux arbres, chante doucement une ≪ chanson du miel ≫ en attendant que ses petits-enfants lui rapportent sa friandise preferee, et en taillant une de ses fameuses pointes de silex.
- lors de la ronde du sorcier dans le campement, la tension est accrue par le crepitement des
clapsticks
(baguettes de bois dur qu'on entrechoque).
- et plus tard leur
staccato
, sur fond de grondements sourds du
didgeridoo
(tube de bois dans lequel on souffle) scande les preparatifs des hostilites - puis soutient la chanson de mort entonnee par
Birrinbirri
pendant la ceremonie funebre.
Parmi de tres nombreuses critiques, on note une appreciation
[
41
]
: ≪ Ce qui en fait un film a voir absolument : la photo siderante du Northern Territory ≫ (≪ et de ses femmes et de ses hommes ≫ aurait du ajouter le journaliste…) ≫, l'originalite etonnante de l'histoire, plus le plaisir inattendu cree par l'humour vibrant et omnipresent… ≫
Ten canoes
est un document ethnologique , qui evoque des techniques ancestrales qui font partie du
patrimoine de l'humanite
: la fabrication des pirogues d'ecorce, l'approche et le tir du gibier a la sagaie, la collecte du miel, la taille de pointes de lance en
feuille de laurier
de type solutreen. Cependant le spectateur qui a vu les
Inuit
vivre en riant et chasser les phoques au harpon dans le film
Nanouk l'Esquimau
(I919) - et les Amerindiens Nambikwara observes par
Claude Levy-Strauss
se peindre le corps et chasser a l'arc en 1938, ne peut eviter de se demander si dans 90 ans, ou meme dans 70 ans seulement, les Indigenes Australiens de la Terre d'Arnhem continueront a vivre selon leurs coutumes, et combien ils seront encore…
Ten canoes
, tourne
in situ
dans l'humidite des marais et la chaleur de la brousse, mis en scene et joue par les Indigenes Australiens locaux qui parlent leur langue, en mettant en valeur leur mode de vie et leurs traditions, lutte justement contre l'oubli de nos racines.
D'ailleurs des techniques presque oubliees, comme la fabrication des pirogues d'ecorce et la taille de pointes de sagaies par les hommes, le tressage de paniers ou le tissage de recipients etanches en fibres de
pandanus
par les femmes, ont ete retrouvees et fierement appliquees et demontrees par les Yolngu, qui y voyaient un renouveau de leur ame.
Ten canoes
traite d'une culture jusque-la largement meconnue et cherche a decrire le quotidien des natifs australiens : il montre les disputes fomentees par la polygamie, aux palabres, a l'epreuve du rachat du sang, a la ceremonie mortuaire, a la preparation du cadavre pour l'au-dela. Le but est de surprendre le spectateur venu d'une autre cultue. C'est peut-etre cette accession inattendue a l'empathie qui est a l'origine du succes que le film a connu en Australie
[
42
]
.
On a dit que le succes de
Ten canoes
etait du a un effet de mode, ou a un malentendu. Mais peu importe que les spectateurs se soient precipites en croyant voir une version australienne de
Les dieux sont tombes sur la tete
, ou parce qu'ils pensaient retrouver la fantaisie epique et les belles images de
La Guerre du feu (film)
: le resultat est la (et
Donald Thomson
s'en serait rejoui), le pourcentage de blancs australiens qui considerent que les
abos
ne sont qu'une communaute a problemes a diminue.
Certes on a accuse Rold de Heer d'
angelisme
[
43
]
. Mais on notera cependant que ≪ Ten canoes ≫ est sorti sur les ecrans en 2006, et que c'est en 2007 qu'a ete promulguee la loi ≪ Northern Territory National Emergency Response ≫.
- Festival de Cannes 2006
: prix special du jury
Un Certain Regard
pour
Rolf de Heer
.
- Festival international du film de Flandre-Gand
: Grand Prix pour
Rolf de Heer
et
Peter Djigirr
.
- 48
e
ceremonie des AFI Awards
(en)
: Meilleure photographie (
Ian Jones
), meilleure realisation (
Rolf de Heer
et
Peter Djigirr
), meilleur montage (
Tania Nehme
), meilleur film (
Julie Ryan
et
Rolf de Heer
), meilleur scenario original (
Rolf de Heer
), meilleur son (
James Currie
,
Tom Heuzenroeder
,
Michael Bakaloff
et
Rory MacGregor
)
- Prix 2006 du Cercle des critiques de film d'Australie : Meilleur film, meilleure photographie
Ian Jones
, a egalite avec David Williamson pour
Jindabyne
), meilleur montage (
Tania Nehme
)
- IF Awards 2006 : Meilleur acteur (
Crusoe Kurdall
), meilleure photographie (
Ian Jones
), meilleure realisation (
Rolf de Heer
et
Peter Djigirr
)
- ↑
a
et
b
En concertation avec les habitants de
Ramingining
, d'apres une idee de
David Gulpilil
inspiree par les photographies de Donald Thomson.
- ↑
on voit : au centre le trou d'eau (reservoir d'ames) ; les
gummangs
(canaroies pies) sur leur nid ; le
Goanna
(
varan
) createur ; les nympheas qui ont une valeur symbolique differente selon leur taille : les petits (
yariman
) sont benefiques, le ≪ vieux nymphea ≫ (
gardatji
) est nefaste, sa racine est en forme de baton-message…Sur le foyer culturel de
Maningrida
, voir ≪[http:// www.Factbites.com/topics/maningrida] ≫
- ↑
cette formule rappelle, en beaucoup plus profond, notre formule ≪ Il etait une fois… ≫ que le conteur utilise d'ailleurs tout au debut de sa narration, puis interrompt par un rire
- ↑
selon l'article de WP:fr,
Yurlungur
serait un grand serpent…Dans le marecage, milieu naturel des Yolngu, serpent et varan se ressemblent fort lorsqu'il nagent. Le corps long et sinueux de la
divinite chtonique
reste donc le meme…
- ↑
le conteur veut dire ≪ avant l'arrivee des colons anglais ≫
- ↑
exactement comme autrefois sous nos climats, pendant les vendanges, les moissons, les fenaisons…
- ↑
une des publications scientifiques de Donald Thomson s'intitula : ≪ The joking relationship and organized obscenity in North Queensland ≫ (≪ La plaisanterie comme communication et l'obscenite organisee dans le Nord Queensland ≫). A rapprocher de notre
gauloiserie
…
- ↑
et, comme le dit Rolf de Heer (dans l'article ≪ Keeping Time with Rolf ≫ du
Time
(magazine) du 13 mars 2006, interview par Michael Fitzgerald) : ≪ One of the great things at the end of the shoot was that Minygululu had picked out the tree that he was going to make his canoe from the next year… ≫ (≪ et, consequence interessante : a la fin de la prise de vues,
Minygululu
avait selectionne l'arbre qui lui servirait l'annee suivante a faire son canoe… ≫)
- ↑
la marche pieds-nus dans la brousse leur a echauffe la plante des pieds, d'ailleurs probablement attendrie par le port des chaussures…
- ↑
C'est aussi ce theme universel qu'ont developpe les
Inuit
qui ont tourne le film
Atanarjuat
en 2002
- ↑
une des publications scientifiques de Donald Thomson s'intitule ≪
The hero cult, initiation and totemism on Cape York
≫
- ↑
en le voyant evoluer en brousse, on se rend compte que Jamie Gulpilil, fils du celebre acteur Daniel Gulpilil, n'est pas dans son milieu habituel… Et quand il trebuche dans son canoe, tombe a l'eau, et remonte precipitamment dans la pirogue instable, on voit que ce n'est pas une scene preparee, et ses amis le brocardent avec naturel : ≪ Eeeeh, il a peur des crocodiles ! ≫
- ↑
une des publications scientifiques de
Donald Thomson
s'intitule : ≪ Economic Structure and the Ceremonial exchange cycle in Arnhem Land ≫ (1949)
- ↑
les images representant les menaces du sorcier ressortent a l'ecran en couleurs delavees, ce qui accentue le surrealisme des manipulations fecales, et de la description du chasseur depouille de son ame, transforme en
zombie
errant nu dans la brousse. Manifestement l'acteur a imite un homme en etat d'ebriete…La notion que l'homme blanc est venu avec ses alcools distilles voler l'ame (et subsidiairement les biens) des autochtones est repandue dans de nombreuses societes ≪ primitives ≫ :
Chef Bromden
, le colossal
amerindien
Creek
enferme avec
Mac Murphy
dans le film
Vol au-dessus d'un nid de coucou
le dit clairement. L'
alcoolisme
est une plaie majeure chez les
Indigenes Australiens
, et l'introduction d'un succedane, la
kava
, a ete tentee a titre de palliatif (cf. ≪
http://www.healthinsite.gov.au/topics/Kava
≫), tout au moins dans le
Northern Territory
, puis abandonnee en 2007. De meme, des mesures ont ete prises pour attenuer les effets desastreux de l'inhalation d'hydrocarbures (cf l'article
Petrol Sniffing
sur ≪
http://www.abc.net.au/health/
≫ ; et le chapitre ≪ Substance Abuse ≫ de l'article
Indigenous australians
sur WP:en), en particulier par la vente d'essence desaromatisee
AvGAs
ou
Opal
(cf
Opal (fuel)
dans WP:en)…
- ↑
et nous suivons une belle demonstration de pistage en brousse arboree, et de tir du javelot avec propulseur. A noter qu'apparemment ni l'
arc
ni le
boomerang
ne sont utilises (d'ailleurs le boomerang serait difficile a lancer en milieu boise…)
- ↑
exactement les memes manifestations que celles qu'on pourrait entendre a Lusaka, Rabat, Seville, Montevideo, Vera-Cruz ou Montfermeil…
- ↑
selon les statistiques publiees dans l'article
Indigenous Australians
de WP:en, la
prevalence
des lesions corporelles par agression physique etait en 2004 deux fois plus forte chez les Indigenes Australiens que chez les blancs
- ↑
le bandicoot vit dans les regions desertiques : l'oncle est donc alle loin vers le sud…
- ↑
en somme une application de la regle du
levirat
- ↑
en contraste avec nos representations classiques de la
fatalite
, ici ce sont deux vieillards, l'oncle decharne et ride, et le ventripotent
Birrinbirrin
, qui, declenchent la catastrophe…
- ↑
l'epreuve
makaratta
, une modalite d'
ordalie
, consiste chez les Indigenes Australiens a soumettre le coupable aux jet des sagaies des parents du mort, jusqu'au premier sang ou a l'arret de l'epreuve par epuisement des lanceurs. Le sujet-cible est libre de se mouvoir pour esquiver les
javelots
, ce qui laisse plus de chances au coupable que la
loi du talion
. L'apparition du second, de plus frere du heros, ramene a
l'Iliade
et au
roman de chevalerie
…
- ↑
Avec des sous-titres anglais pour les dialogues (c'est cette version qui est distribuee a l'international, les sous-titres etant evidemment adaptes en d'autres langues)
- ↑
Sans sous-titres pour les dialogues (c'est cette version qui avait ete presentee en avant-premiere et en plein air a la population de
Ramingining
).
- ↑
Selon WP:en (article
Aborigenes d'Australie
), en Australie la denomination ≪ Aborigene ≫ est maintenant affectee d'une connotation pejorative, et le terme ≪
Indigenous Australians
≫ est utilise preferentiellement.
- ↑
L'affiche de
Ten Canoes
montre que Jamie Gulpilil, qui joue les personnages de
Dayindi
et de
Yeeralparil
, ressemble trait pour trait a son pere David, alors qu'il incarnait 35 ans auparavant dans
Walkabout
le
black boy
qui sauve deux enfants blancs perdus dans l’
out-back
.
- ↑
Les Australiens appellent
out-back
leurs regions desertiques en general, et ils ont surnomme
top end
le nord de leur pays.
- ↑
Peter Djigirr est un indigene australien de l'ethnie
Yolngu
qui aida Rolf de Heer sur les lieux de tournage, et s'investit a tel point dans la realisation que ce dernier lui reconnut la copaternite de l'œuvre.
- ↑
Cette photo est visible dans le livre
Donald Thomson in Arnhem Land
, de D. Thompson, Miegunyah Press,
(
ISBN
978-0-522-85205-9
)
,
p.
249.
- ↑
Thomson avait aussi longuement filme les Yolngu, et tourne 6 000 pieds de film noir-et-blanc dans de dures conditions, mais ce patrimoine inestimable disparut totalement en 1946 dans un incendie.
- ↑
Selon allocine.com
- ↑
Propos rapportes dans ≪ Keeping Time with Rolf ≫, un article de Michael Fitzgerald paru dans le
Time
du 13 mars 2006 : ≪ People talk about, What is a white director doing making an indigenous story? They're telling the story, largely, and I am the mechanism by which they can ≫.
- ↑
Selon
Donald Thomson
lui-meme, ≪ suivre les Yolngu dans les marecages a la fin de la saison des pluies, epoque favorable a la collecte des œufs de ≪ gumang ≫ (
canaroies
, ou oies pies) etait tres difficile ≫ : bel exemple d'
understatement
anglo-saxon…
- ↑
on voit dans le film le chef
Ridjimiraril
(Crusoe Kurdall) froncer les sourcils et faire de la main, noblement, le geste international ≪ Je ne comprends pas, repete… ≫ lorsque les parents de l'homme qu'il a tue viennent reclamer le
prix du sang
: c'est qu'ils vivent de l'autre cote du vaste marecage, et leur langue est differente de la sienne
- ↑
dans l'article
Keeping Time with Rolf
de Michael Fitzgerald,
Time
magazine du 13 mars 2006 : ≪ It was conceptually outside their thinking about the world ≫ dit Rolf de Heer
- ↑
Rolf de Heer mentionne d'ailleurs qu'il eut scrupule a faire jouer le ventripotent Richard Birrinbirrin (car l'obesite n'apparut chez les Indigenes Australiens qu'il y a une cinquantaine d'annees…) mais que la truculence du personnage l'emporta sur la vraisemblance. D'ailleurs la voix
off
du narrateur precise que ≪ Birrinbirrin ne pense qu'a manger, et il est tout le temps a la recherche de miel sauvage… ≫
- ↑
extrait d'une declaration pour
Liberation
, alors qu'elle est sur la Croisette avec Rolf de Heer et Richard Birrinbirrin, lors du festival de Cannes 2006 (in ≪ www. tencanoes_lefilm.com ≫). Bel exemple du travail des acteurs Yolngu : ne serait-ce qu'en ce qui concerne la nudite, il suffit de voyager de nos jours sous les tropiques pour voir quel impact desastreux ont eu sur la mentalite des habitants quelques siecles de pudibonderie occidentale
- ↑
selon ≪
http://www.allocine.com
≫
- ↑
≪
https://www.imdb.com
≫
- ↑
ce qui a le merite de faire allusion a la
polygamie
traditionnelle, un des moteurs de l'intrigue, sans cesse rappelee dans le film, et qui, par les jalousies et la frustration qu'elle entraine chez les jeunes celibataires, sera a l'origine de drames dans le clan…
- ↑
cf. ≪
http://www.alocine.fr
≫
- ↑
cf ≪
http://www.film.org.au/tencanoes.htm
≫
- ↑
Un engouement qui tranche avec le petit succes d'estime que connut le film
Le Pays ou revent les fourmis vertes
de
Werner Herzog
(1984)…
- ↑
a l'oppose, ceux qui critiquent le paternalisme des
balandas
(voir les photos de panonceaux) ne peuvent nier que des mesures sont a prendre en urgence pour sauvegarder la sante et l'integrite des peuples du Territoire du Nord