Page de titre du Code de la nature, 1755
Œuvres principales
- Basiliade du celebre Pilpai
(1753)
- Code de la nature
(1755)
modifier
Etienne-Gabriel Morelly
, ne vers 1717 et mort peut-etre en 1778, est un
philosophe
francais
meconnu, qui s'inscrit dans le mouvement des
Lumieres
. Son ouvrage principal, le
Code de la nature
repose sur le postulat que l'homme est naturellement bon, et que tous ses maux proviennent de la notion de
propriete
.
La vie de Morelly est tres mal connue : aucun des documents habituels d'
etat-civil
, ni aucun manuscrit n'a ete retrouve. Il a meme ete avance qu'il y aurait eu deux Morelly philosophes, le pere et le fils
[
1
]
. Les recherches de Coe
[
2
]
et de Wagner
[
3
]
sont restees infructueuses face aux sources contradictoires, mais Antonetti pense avoir leve une grande partie du mystere et a reconstitue l'arbre genealogique de la famille
[
4
]
.
Le grand-pere d'Etienne-Gabriel Morelly, prenomme Jean-Jacques, est ne en 1659 a
L'Isle-sur-Sorgue
. Il est
tabellion
, puis controleur au
grenier a sel
d'
Avignon
. Son pere, Gabriel, probablement ne en 1687, est employe dans les
fermes du roi
puis dans le service des vivres des armees. Il decede en 1764 a
Vitry-le-Francois
. Etienne-Gabriel est probablement ne en 1717 a Paris, paroisse
Saint-Gervais
, et non a Vitry-le-Francois comme l'indiquent tous ses biographes ? il n'y a pas d'acte de naissance au nom de Morelly entre la fin du
XVII
e
siecle et 1722. Par contre, il est arrive dans cette ville dans sa toute prime enfance
[
4
]
.
Etienne-Gabriel Morelly ne vit plus a Vitry-le-Francois en 1764, a la mort de son pere, mais y vit encore en 1743 a la mort de sa mere. C'est a cette periode qu'il rencontre son premier protecteur,
Armand de Rohan-Soubise
, qui vient d'etre nomme
eveque coadjuteur
de
Strasbourg
[
4
]
, a qui il dedie son
Essai sur le cœur humain
[
5
]
. Par l'intermediaire de son pere, le jeune Morelly fait la connaissance d'
Helvetius
, alors
fermier general
charge d'inspections dans la region, ainsi que de
Dumarsais
, qui l'accompagnait dans ses tournees
[
6
]
. Ceux-ci l'introduisent aupres de
Fontenelle
[
5
]
.
Il s'installe a Paris entre 1743 et 1745
[
7
]
. Jusqu'en 1748, ses œuvres sont celles d'un jeune moraliste traitant surtout des sujets d'education, dediant
Physique de la beaute
a une membre de la
famille Conti
, qui n'est pas encore brouillee avec
Madame de Pompadour
[
8
]
. Vers 1748-1749, il devient un ecrivain politique, fidele a la
monarchie
, oppose a l'
Autriche
, au clerge, mais toujours fidele a Madame de Pompadour. C'est ce qui ressort du
Prince des delices
, qui parait en 1751
[
9
]
. Puis il change d'attitude : l'auteur de
La Basiliade
et du
Code de la nature
, visiblement decu par le gouvernement de
Louis XV
, se fait le porte- parole de l'opposition a la
Cour
des
Parlements
et des princes ? en particulier
Louis-Francois de Bourbon-Conti
? apres le renversement d'alliance au profit de l'Autriche et au detriment de la
Prusse
[
10
]
,
[
11
]
.
Souvent absent de France, Morelly a peut-etre ete employe comme courrier diplomatique par le prince de Conti, charge du
Secret du roi
, en lien plus ou moins occulte en particulier avec l'ambassadeur en
Pologne
Louis-Adrien Duperron de Castera
, egalement precepteur du prince
Adam Kazimierz Czartoryski
.
≪ Ceci pourrait expliquer qu'il ait traverse comme une ombre la societe de son temps
[
12
]
,
[
13
]
. ≫
Cette lecture de Morelly comme plume et agent du prince de Conti, faite par Antonetti
[
14
]
, s'oppose a celle de Coe
[
15
]
. Pour ce dernier Morelly aurait sejourne a la Cour de
Frederic II de Prusse
, ce qui lui aurait inspire
≪ le degout de tout ce dont il etait le symbole
[
16
]
. ≫
Toujours selon Coe, c'est ainsi que, des 1752, il decouvre sa vocation reelle et, dans la
Basiliade
, preche le socialisme, non plus dans les termes d'un sycophante cherchant a plaire a son mecene, mais avec toute la ferveur du proselyte nouvellement converti
[
15
]
. L'ouvrage ne connait aucun succes. Plus tard, le
Code de la nature
est recu avec le meme silence indifferent, rompu seulement par les quelques sarcasmes de critiques scandalises
[
17
]
.
On perd la trace de Morelly apres 1755, date de la parution des
Lettres de Louis XIV
. Peut-etre vit-il jusqu'en 1778, date de publication de
L'Hymen venge
, mais sa paternite de l’œuvre est remise en cause
[
18
]
.
Naufrage des iles flottantes, ou Basiliade
[
19
]
du celebre Pilpai, Poeme heroique, traduit de l'indien
par M. M*****, parait en 1753. Trois editions sont connues, dont deux sont sans doute des contrefacons. Malgre une forme desastreuse
[
20
]
? six cents pages de prose quasi poetique ? l'ouvrage connait un succes ephemere, se trouve toujours en circulation cinq ans plus tard et fait l'objet d'une traduction anglaise
[
20
]
.
La
Basiliade
raconte comment Zeinzemin, le roi d'un peuple innocent et heureux, enleve par des envahisseurs europeens, revient chez lui apres avoir mesure la turpitude des civilisations proprietaires qui fleurissent dans les Iles Flottantes, c'est-a-dire l'
Europe
[
21
]
. Dans ce texte,
≪ roman utopique decrivant une societe basee sur l'amour du prochain, l'egalite entre tous et la bienfaisance mutuelle de ses membres
[
22
]
≫
, Morelly, contrairement a ses predecesseurs en
Utopie
, defend l'idee que la communaute de biens est la matrice de l'organisation sociale, et la propriete privee, son detournement
[
23
]
.
≪ L'auteur oppose la sociabilite, la moralite collective et l'affection universelle qui emanent spontanement d'une organisation communautaire a l'hypocrisie morale et religieuse, a l'alienation des etres, a une structure sociale absurde et barbare
[
24
]
. ≫
Un compte-rendu parait en novembre 1743 dans
La Nouvelle bigarrure
[
25
]
:
≪ Le but de cette pretendue traduction est de montrer quel serait l'etat heureux d'une societe formee selon les principes de la loi naturelle, et de faire sentir les meprises de la plupart des legislateurs qui ont voulu reformer le genre humain. L'auteur a bati un systeme impraticable de morale et de politique. ≫
Un autre article, paru dans la
Bibliotheque impartiale
[
26
]
, parait suffisamment important a Morelly pour qu'il consacre les premieres pages du
Code de la nature
a le refuter point par point.
Pour Abdelaziz Labib, la
Basiliade,
≪ utopie typiquement amoureuse et feministe
[
27
]
≫
, decrit la constitution d'une republique egalitaire. Son peuple vit sans contrainte politique ou domination religieuse. Son roi n'est que l'ame du peuple et ne renvoie a aucune realite contingente ou personnifiee. Pacifiste et anticolonialiste, la
Basiliade
depouille l'univers de toute relation de crainte, d'etrangete et de violence
[
28
]
.
Selon l'analyse de Nadia Minerva, Morelly se range dans une forme litteraire dont il respecte la forme et le contenu ? manuscrit, voyage imaginaire, naufrage ?, mais en fait un usage desinvolte et quelque peu desacralisant : ce n'est plus le representant de notre civilisation qui part a la decouverte d'Utopie, c'est l'utopien qui en sort et nous observe de son regard revelateur. Quant au cadre fabuleux, depassant les imperatifs structurels du genre, il contamine le contenu speculatif. Ainsi l'organisation socio-politique de la societe utopique n'est nullement detaillee. Il s'agit la d'une conception providentielle de l'histoire : les problemes sont miraculeusement resolus aussitot que poses, la reponse fantastique deforme le fond meme des questions en assignant aux problemes une solution qui les dissout.
Morelly ressent l'urgence d'extraire
≪ la verite de speculation ≫
de son utopie : ce sera le
Code de la nature
[
29
]
.
Lors de sa publication, ce texte ? le plus celebre des ouvrages de Morelly ?, date de 1755 mais paru en 1754
[
30
]
,
[
31
]
, est attribue a
La Baumelle
, a
Francois-Vincent Toussaint
ou a
Diderot
. Cette paternite est reprise par
Babeuf
, jusqu'a ce qu'elle soit refutee par
Barbier
en 1805
[
32
]
. L'ouvrage fait l'objet de plusieurs reeditions jusqu'en 1773, malgre sa mise a l'
Index
par le pape
Clement XIII
en janvier 1761
[
30
]
.
Le
Code de la nature
est structure en quatre parties :
- Defauts des principes generaux de la politique et de la morale.
Morelly definit sa conception de la nature humaine, fondee sur l'egalite, l'amour de soi et la dependance qui l'oblige a collaborer avec ses semblables
[
33
]
. Pour lui, l'homme est bon. Il recuse donc le presuppose de depart des moralistes ? la mechancete fonciere de l'homme. Pour lui, ce presuppose provient de leur aveuglement quant aux effets devastateurs de ce qu'il considere comme la cause majeure, voire unique, des maux de l'humanite : la notion de propriete
[
34
]
.
≪ Je crois qu'on ne contestera pas l'evidence de cette proposition que
la ou il n'existerait aucune propriete, il ne peut exister aucune de ses pernicieuses consequences.
(
ed. Roza, 2011, p. 58
) ≫
- Defauts particuliers de la politique.
A partir de l'exemple de
≪ peuples de l'
Amerique
≫
est esquissee l'histoire fictive, mais possible, d'un progres historique sans violence sociale, car sans partage
≪ de ce qui ne devait point l'etre. ≫
[
35
]
≪ Les hommes naissent dans une mutuelle dependance qui les fait tour a tour
commander
et
servir
, c'est-a-dire
etres secourus
et
secourir
; mais dans cette signification, et selon le veritable droit de la nature, il n'y a et ne doit y avoir ni
maitre
ni
esclave
.
(ed. Roza, 2011, p. 97)
≫
- Defauts particuliers de la morale vulgaire.
Dans cette partie polemique, Morelly denonce les maximes du
Droit civil
et du
Droit des gens
, la decheance de l'esprit originel du
christianisme
qui rapprochait les hommes des lois naturelles, et le sacrifice de l'interet general a l'interet du seul souverain
[
36
]
.
≪ J'ai fait des efforts pour trouver la solution du probleme que je propose des le commencement de cet ouvrage. C'est, je le repete,
de trouver une situation dans laquelle l'homme soit aussi heureux et aussi bienfaisant qu'il peut l'etre en cette vie.
Qu'il etende ou non ses esperances au-dela de son etat present, il faut rendre sa bonte morale independante de tout espoir futur, et qu'elle soit le motif et l'objet de son bonheur present.
(ed. Roza, 2011, p. 144)
≫
- Modele de legislation conforme aux intentions de la nature
. Ce code legislatif marque une rupture avec la fiction utopique, qui laisse la societe ideale dans l'imaginaire
[
37
]
. Sont definies des
≪ Lois fondamentales et sacrees ≫
, des lois distributives ou economiques, des lois de police, des lois de la forme et de l'administration du gouvernement, des lois conjugales, des lois d'education et des lois penales.
- Trois lois sacrees sont mises en exergue : la premiere abolit la propriete privee, la seconde proclame le droit de vivre et le droit au travail, la troisieme etablit un systeme de cooperation, avec l'obligation pour le citoyen de prendre part aux efforts collectifs ≪ en fonction de ses forces, de ses talents, de son age ≫
[
38
]
.
- Un systeme d'education collective unit etroitement les apprentissages du travail intellectuel et du travail manuel. Le mariage est obligatoire, mais le divorce possible
[
39
]
.
Morelly a la malchance de publier son ouvrage en 1755, a peu pres en meme temps que parait le
Discours sur l'origine et les fondements de l'inegalite parmi les hommes
de
Rousseau
, qui l'eclipse par son retentissement extraordinaire
[
40
]
.
Le premier compte-rendu, relativement favorable, parait dans la
Bibliotheque des sciences, et des beaux arts
d'octobre-1754
[
41
]
:
≪ Quoi qu'en qualite de Legislateur il eleve quelquefois le ton, c'est un Philosophe d'une humilite exemplaire. ≫
Puis les critiques s'accumulent.
Raynal
, dans les
Nouvelles litteraires
de janvier 1755, remet en cause l'hypothese fondamentale du livre :
≪ Depuis
Platon
jusqu'a
M. de la Baumelle
[Morelly], nous avons eu je ne sais combien de faiseurs de republiques de speculation ; mais ces legislateurs ont presque toujours suppose les hommes comme ils ne sont pas
[
42
]
. ≫
Grimm
, dans sa
Correspondance litteraire
de fevrier 1755
[
43
]
assassine l'auteur :
≪ Il n'y a ni principes, ni lumiere dans ce livre. ≫
Freron
, dans son
Annee litteraire
ecrit, en avril 1755
[
44
]
:
≪ Quelques traits lances avec autant d'injustice que de fureur contre les Ecclesiastiques et les Moines, des expressions hardies ou singulieres, le titre meme du livre, lui ont procure une espece de vogue, uniquement fondee sur la malignite ou la sottise d'un certain ordre de lecteurs. Un peuple qui serait gouverne selon ces principes ne ressemblerait pas mal a un theatre de marionnettes.Le style de l'auteur n'est pas plus capable de faire illusion que le fond de l'ouvrage. Vous le trouverez dur, sec, froid, plat. Je ne parle ni des contradictions grossieres et multipliees que l'on rencontre a peu de distance les unes des autres, ni de la confusion generale qui regne dans la distribution des matieres. Ce grand Philosophe qui veut mettre de l'ordre dans une Republique ne sait pas en mettre dans ses idees. ≫
Quant a
La Harpe
, il qualifie la communaute de biens et de travaux de
≪ folle hypothese d'un cerveau malade
[
45
]
. ≫
Pour Coe,
≪ Quelques sept ans avant le
Contrat social
de
Jean-Jacques Rousseau
, Morelly reussit a presenter une image claire d'une ≪ democratie totale ≫ qui soit a la fois economique et politique, concue pour donner a tous ses membres le maximum de securite, et en meme temps pour eviter les dangers de degeneration inherents a toute republique elective. La
critique la plus evidente qui doive lui etre adressee est que Morelly ne donne aucune indication concernant les moyens par lesquels cette societe ideale pourrait s'etablir
[
46
]
. ≫
Selon le
fourieriste
[
47
]
Villegardelle,
≪ il doit etre facile a ceux qui ont eu connaissance des theories sociales de
Saint-Simon
et de
Charles Fourier
de noter les rapports qui existent entre elles et le systeme de Morelly. Et, d’abord, on voit tres bien que les trois reformistes sont d’accord sur deux points essentiels : 1° la possession en commun du fonds, des immeubles et des instruments de travail ; 2° la communaute d’education. Mais Morelly n’admet pas la repartition selon la capacite et les œuvres comme l’ecole saint-simonienne, encore moins selon le capital, comme l’ecole
phalansterienne
, mais il veut l’usage commun des productions aussi bien que des immeubles. Il n’y a donc pas, dans la cite Morellyste, de categories, de classes, de distinctions
[
48
]
. ≫
Jacques Droz
considere que
≪ son utopie rationnelle et moralisante fige l'histoire. La conception du progres chez Morelly est avant tout morale. Pour parvenir a l'age d'or, il faut retablir dans le coeur de l'homme des sentiments de ≪ probite naturelle ≫. Morelly est l'un des premiers defenseurs de la ≪ democratie totale ≫ : il ne recherche pas seulement l'abolition des privileges, mais l'abolition de toutes les distinctions sociales, y compris celles de la richesse et du talent, et meme de l'autorite deleguee : l'election est bannie. Sa conception de l'egalite represente une premiere tentative pour formuler le dogme essentiel des systemes socialistes du
XIX
e
siecle : que chacun contribue selon sa capacite, que chacun recoive selon ses besoins
[
49
]
. ≫
Benoit Hepner relit Morelly a la lumiere d'evenements posterieurs :
≪ Philosophe de la Nature comme
Jean-Jacques
, il nous mene dans le havre d'un communisme tyrannique qui ne nous laisse nulle illusion sur l'impasse dans laquelle debouche cet esprit raisonneur et passionne
[
50
]
. ≫
En synthese, selon Nicolas Wagner, le
Code de la nature
est un de nos grands
pamphlets
politiques.
≪ Livre bacle, improvise, furibond, c'est un entassement de fragments bien venus et bien ecrits. L'ensemble est grandiose et grotesque, souverainement inclassable
[
51
]
. ≫
- L'
Essai sur l'esprit humain ou principes naturels de l'education
, ecrit en grande partie en 1741, publie entre le 15 mars et le 18 mai 1743
[
52
]
, est un
≪ traite de pedagogie liberale
[
53
]
≫
Villegardelle resume sa
≪ substance ≫
en retenant deux de ses propositions
[
54
]
:
≪ Les inclinations de l’intelligence peuvent se reduire a deux ; savoir : le desir de connaitre et l’amour de l’ordre ; il faut rapporter a ces deux fins jusqu’aux divertissements des enfants. ≫
et
≪ Il suffit de presenter a l’ame les objets dans l’ordre qu’elle suit ordinairement, sans lui faire apercevoir qu’elle y doit faire attention. ≫
L'ouvrage fait l'objet d'un compte-rendu elogieux et tres detaille de l'
abbe Desfontaines
dans ses
Observations sur les ecrits modernes
[
55
]
:
≪ Son but est de conformer l'education a la nature. [Sur l'imagination] les deux premiers chapitres sont un peu abstraits, mais il y regne un esprit philosophique qui sait donner corps aux idees. Le troisieme chapitre est encore fort bon. Sur les quatrieme et cinquieme chapitre, je ne suis point du sentiment de l'auteur. Le sixieme chapitre a un air sense. L'objet de la seconde partie est la memoire. L'auteur ne confond-il point la memoire machinale et la memoire intellectuelle ? Sur la troisieme partie, ou il s'agit du jugement. M. M. me pardonnera si je pense autrement sur un article si important. [Ce livre] m'a semble la production d'un homme qui a des idees fort eloignees des idees triviales et tres au-dessus des lumieres communes. ≫
Un resume detaille de l'ouvrage parait egalement dans le
Mercure de France
de juin 1743, lui reconnaissant un
≪ merite reel
[
56
]
. ≫
- L'
Essai sur le cœur humain, ou principes naturels de l'education
, sans doute compose a la meme periode que le precedent, ne parait qu'en 1745 et inaugure une longue serie d'echecs
[
57
]
.
C'est un
≪ traite de morale
[
58
]
≫
que Villegardelle resume ainsi :
≪ Le lecteur a du remarquer ce mot profond :
l’homme n’est sensible que par ce qu’il peut etre heureux ; et il n’est raisonnable que parce qu’il est sensible
. C’est le premier jet lumineux d’une idee qui prit son developpement complet dans le
Code de la Nature
. La raison n’est pas faite pour contrarier en nous les penchants qui nous portent a former un vœu tres legitime, celui d’etre heureux
[
48
]
. ≫
Serge Baudiffier considere l'
Essai sur le cœur humain
et l'
Essai sur l'esprit humain
comme un programme philosophique et pedagogique unique
[
59
]
. Celui-ci est encore plus
sensualiste
que
John Locke
, qui l'inspire.
≪ Son
sensualisme
est un
humanisme
, avec sa confiance dans la nature humaine et son aspiration au bonheur terrestre. Cependant Morelly a tendance a avancer plus loin que ses modeles anglais et a consommer, par la radicalisation de sa reflexion, la rupture avec l'ordre social etabli et avec ses fondements metaphysiques et religieux
[
60
]
. ≫
- Physique de la beaute
,
≪ traite d'esthetique d'un classicisme etroit
[
61
]
≫
,
≪ livre mal venu
[
62
]
≫
paru en 1748, passe inapercu et ne fait l'objet d'aucun compte-rendu
[
63
]
.
- Le Prince, les delices des cœurs, ou Traite des qualites d'un grand roi et systeme general d'un sage gouvernement
, publie en 1751, est a nouveau un echec. L'ouvrage ne s'attire qu'un compte-rendu peu flatteur dans une revue des Pays-Bas
[
63
]
.
≪ Morelly a voulu
refaire
un
Louis XIV
a sa guise, mais il n'a pas pour autant remis en cause les principes essentiels du pouvoir ludovicien. S'il ne renie pas les revendications des liberaux, il tente de sauver le principe monarchique dans ce qu'il a d'essentiel : la puissance au-dessus de toute puissance ≫
[
64
]
.
- Les
Lettres de Louis XIV aux princes de l'Europe
,
≪ pur travail de mercenaire qui montre, a defaut d'autres choses, que Morelly dut se trouver dans la gene entre 1749 et 1751 ≫
sont ecrites en 1751 et paraissent au debut de 1755 avec un assez fort tirage
[
30
]
. La
Bibliotheque des Sciences et des Beaux-Arts
[
65
]
considere que l'ouvrage aurait du etre reduit a un seul volume, et s'etonne parfois du contenu :
≪ N'est-il pas singulier de voir
Louis XIV
precher le Tolerantisme ? ≫
- L'
Hymen venge
, paru en 1778, est attribue a Morelly car deux courts passages en vers sont des versions retouchees en mauvais alexandrins de passages de la
Basiliade.
Il n'apporte pas la preuve que Morelly vivait encore a la date de parution et
≪ n'ayant aucune valeur peut etre oublie sans inconvenient
[
66
]
. ≫
Wagner considere l'ouvrage
≪ qui n'est pas mediocre ≫
, comme apocryphe
[
67
]
.
L'influence de Morelly, penseur isole
[
68
]
, meconnu des
Lumieres
[
3
]
, est faible.
Il inspire la
Conjuration des Egaux
menee par
Babeuf
. Meme s'il confond Morelly avec
Diderot
, celui-ci voit en l'auteur du
Code de la nature
≪ le plus determine, le plus intrepide, j'ai presque dit le plus fougueux athlete du systeme
[
69
]
. ≫
Proudhon
s'inspire largement de Morelly, non seulement dans son
collectivisme
, mais peut-etre egalement dans son
antiparlementarisme
[
70
]
. Les idees d'
Etienne Cabet
[
71
]
et de Theodore Dezamy sont influencees par le
Code de la nature
[
72
]
.
Morelly a quelque succes en
U.R.S.S.
Le
Code de la Nature
y parait en 1923 puis en 1947. Pour son editeur, Morelly est le representant de l'
intelligentsia
obscure issue de la petite
bourgeoisie
urbaine du
XVIII
e
siecle. Mais
≪ les anticipations les plus frappantes de Morelly ne sont pas precisement celles dont font etat les travaux d'un savant sovietique ≫
[
73
]
.
A la suite de Lichtenberger et d'
Edouard Dolleans
,
Jacques Droz
considere que Morelly
≪ merite d'etre place au premier rang de l'histoire des origines de la pensee socialiste
[
49
]
≫
, tandis qu'
Alfred Sudre
le critique dans son
Histoire du communisme ou Refutation historique des utopies socialistes
, de meme que
Gilbert Chinard
.
- Essai sur l'esprit humain, ou Principes naturels de l'education
, Paris, C.-J.-B. Delespine,
(
lire en ligne
)
- Essai sur le cœur humain, ou Principes naturels de l'education
, Paris, C.-J.-B. Delespine,
(
lire en ligne
)
- Physique de la beaute, ou Pouvoir naturel de ses charmes
, Amsterdam, Aux depens de la compagnie,
(
lire en ligne
)
- Mr M***,
Le Prince, les delices des cœurs, ou Traite des qualites d'un grand roi et systeme general d'un sage gouvernement
, Amsterdam, 2 vol.,
(
lire en ligne
)
- Mr M******,
Naufrage des iles flottantes, ou Basiliade du celebre Pilpai, Poeme heroique, traduit de l'indien
, Messine, par une societe de libraires., 1753, 2 vol.
Lire en ligne :
Tome I
.
Tome II
.
- Code de la nature, ou Le veritable esprit de ses lois de tout temps neglige ou meconnu
, Partout, chez le vrai sage,
(
lire en ligne
)
- Lettres de Louis XIV aux princes de l'Europe, a ses generaux, ses ministres, etc., recueillies par Mr. Rose, secretaire du cabinet ; avec des remarques historiques, par M. Morelly
, Edimbourg, Hamilton, Balfour et Neill,
(
lire en ligne
)
- L'Hymen venge en cinq chants, suivi de la traduction libre en vers francois de Medee, tragedie de Seneque, et de quelques pieces fugitives, par M***
, Londres, Paris,
[
75
]
- Sylvie Courtine-Sinave,
Morelly, auteur du
Code de la Nature
: philosophe-utopiste, libre penseur, homme subversif ?
, Universite de Sherbrooke,
(
lire en ligne
)
- Guy Antonetti, ≪
Etienne-Gabriel Morelly : l'homme et sa famille
≫,
Revue d'Histoire litteraire de la France
,
n
o
3,
(
lire en ligne
)
- Guy Antonetti, ≪
Etienne-Gabriel Morelly : l'ecrivain et ses protecteurs
≫,
Revue d'Histoire litteraire de la France
,
n
o
1,
(
lire en ligne
)
- Serge Baudiffier, ≪
Morelly pedagogue
≫,
Dix-Huitieme Siecle
,
n
o
14,
(
lire en ligne
)
- R. N. C. Coe, ≪
A la recherche de Morelly: Etude bibliographique et biographique
≫,
Revue d'Histoire litteraire de la France
,
n
o
3,
(
lire en ligne
)
- R. N. C. Coe, ≪
A la Recherche de Morelly: Etude bibliographique et biographique (suite et fin)
≫,
Revue d'Histoire litteraire de la France
,
n
o
4,
(
lire en ligne
)
- R. N. C. Coe, ≪
La Theorie morellienne et la Pratique babouviste
≫,
Annales historiques de la Revolution francaise
,
n
o
150,
(
lire en ligne
)
- Daniel Droixhe, ≪
"Voici un livre qu'on dit imprime a Liege": le Code de la nature de Morelly
≫,
Revue d'Histoire litteraire de la France
,
n
o
5,
(
lire en ligne
)
- Benoit P. Hepner, ≪
Morelly ou aux sources du totalitarisme : a propos d'une reedition du
Code de la Nature
≫,
Revue d'histoire economique et sociale
,
vol.
30,
n
o
1,
(
lire en ligne
)
- Abdelaziz Labib, ≪
La Basiliade
: une utopie orientale ?
≫,
Dix-Huitieme Siecle
,
n
o
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(
lire en ligne
)
- Nadia Minerva, ≪
De l'utopie litteraire a l'utopisme reformateur : La
Basiliade
et le
Code de la nature
de Morelly
≫,
Francofonia
,
n
o
18,
(
lire en ligne
)
- Stephanie Roza,
Preface a la reedition du
Code de la nature
, Montreuil, La ville brule,
- Stephanie Roza
, ≪
Comment l’utopie est devenue un programme politique : Morelly, Mably, Babeuf, un debat avec Rousseau
≫,
Annales historiques de la Revolution francaise
,
n
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,
p.
111?118
(
ISSN
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,
lire en ligne
)
- Stephanie Roza, ≪
Utopie, democratie totale et souverainete populaire : du
Code de la Nature
de Morelly a la Conjuration des Egaux (1755-1797)
≫,
Tumultes
,
n
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(
lire en ligne
)
- Francois Villegardelle,
≪ Analyse raisonnee du Systeme social de Morelly ≫
, dans Morelly,
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, Paris, Masgana,
(
lire en ligne
)
- Nicolas Wagner, ≪
Etat actuel de nos connaissances sur Morelly. Biographie, accueil et fortune de l'œuvre
≫,
Dix-Huitieme Siecle
,
n
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)
- Nicolas Wagner, ≪
Morelly - Dom Deschamps : divergences, convergences
≫,
Revue d'Histoire litteraire de la France
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n
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4,
(
lire en ligne
)
Sur les autres projets Wikimedia :
Notices dans des dictionnaires ou encyclopedies generalistes
:
- ↑
Cette theorie, avancee par Michaud,
Hoefer
et
Lichtenberger
, mais refutee par
Barbier
, est definitivement mise en piece par
Coe 1957
,
p.
329-334
- ↑
Coe 1957
.
- ↑
a
et
b
Wagner 1978
.
- ↑
a
b
et
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Antonetti 1983
.
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p.
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Antonetti 1984
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p.
24.
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Antonetti 1984
,
p.
19.
- ↑
Antonetti 1984
,
p.
20.
- ↑
Antonetti 1984
,
p.
20, citant
Wagner 1978
- ↑
Coe 1957
,
p.
522 considere ce
≪ changement radical de theorie politique ≫
comme provoque par une desillusion face a
Frederic II de Prusse
- ↑
Antonetti 1984
,
p.
34-36
- ↑
Coe 1957
,
p.
520-522 pense au contraire que Morelly aurait vecu quelque temps en Allemagne, gravitant sans succes autour de la Cour de
Frederic II de Prusse
- ↑
Antonetti 1984
.
- ↑
a
et
b
Coe 1957
- ↑
Coe 1957
,
p.
522
- ↑
Coe 1957
,
p.
522
- ↑
Coe 1957
,
p.
523
- ↑
Basiliade
signifie en grec
≪ les actions heroiques d'un homme vraiment digne de l'empire du monde. ≫
Roza 2011
,
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Roza 2011
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, cite par
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o
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p.
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(
ISSN
0003-4436
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DOI
10.4000/ahrf.12656
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- ↑
Coe 1957
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p.
329 et
Wagner 1978
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p.
274 mettent en cause l'attribution a Morelly