Accords de Camp David

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Les accords de Camp David sont signes le , par le president egyptien Anouar el-Sadate et le Premier ministre israelien Menahem Begin , sous la mediation du president des Etats-Unis , Jimmy Carter [ 1 ] . Ils consistent en deux accords-cadres qui sont signes a la Maison-Blanche apres 13 jours de negociations secretes a Camp David , le lieu de villegiature du president des Etats-Unis.

Ils comprennent des declarations d'intention dont le but est d'aboutir a des traites de paix et des relations pacifiques entre les parties prenantes aux differents conflits qui ont oppose Israel a ses voisins arabes. Le premier accord-cadre, relatif a l’avenir de Gaza et de la Cisjordanie, ne sera pas suivi d'effets. Mais le second est suivi de la signature du premier traite de paix entre Israel et l'Egypte : le traite de paix israelo-egyptien de 1979, notamment a la suite duquel les Israeliens se retirent du Sinai . Ces accords entrainent en revanche une hostilite de la Ligue arabe envers l'Egypte, et cette derniere est donc la seule nation arabe en conflit avec Israel a signer un traite de paix avec l'Etat juif.

Contexte general [ modifier | modifier le code ]

Menahem Begin , Jimmy Carter et Anouar el-Sadate a Camp David .

A sa prise de fonction le , le president Jimmy Carter souhaita relancer le processus de paix au Proche-Orient , qui avait peu evolue a cause de la campagne electorale americaine de 1976 . Suivant les conseils de la Brookings Institution , Carter decida d'opter pour une nouvelle approche de discussions multipartites plutot que pour l'habituelle tradition diplomatique americaine d'envoyer des emissaires dans la region, a la facon d'un Henry Kissinger apres la guerre de Kippour de 1973. Ainsi, Carter souhaita inclure une delegation palestinienne dans les negociations dans l'espoir de trouver une solution definitive et globale. A la fin de la premiere annee de l'administration Carter, le president avait deja rencontre Anouar el-Sadate pour l'Egypte, Hafez el-Assad pour la Syrie et Yitzhak Rabin pour Israel.

Carter souhaitait partir de la conclusion de la conference de Geneve de 1973   (en) (une conference pour la paix apres la guerre du Kippour en octobre) pour relancer le processus de paix en demandant a Israel de se retirer de tous les territoires conquis lors de la guerre des six jours en 1967, sur chacun des fronts, et notamment en Cisjordanie , conformement a la resolution 242 des nations unies [ 2 ] . La situation politique en Israel changea avec l'election de Menahem Begin et d'un gouvernement Likoud (droite israelienne) en mai 1977. Begin semblait plus favorable que les travaillistes qui s'etaient succede au pouvoir depuis 1948, pour reprendre les termes de la conference de Geneve. Il n'etait pas oppose a l'idee de rendre le Sinai a l'Egypte ou a discuter avec des interlocuteurs palestiniens, mais il preferait (tout comme Sadate) des discussions bilaterales, et il etait surtout tres ferme sur son refus de perdre le controle de la Cisjordanie .

Initiative de paix egyptienne [ modifier | modifier le code ]

Sadate part du principe que la conference de Geneve n'a abouti a rien de solide, etant donne les desaccords avec la Syrie. Il ne croit plus en la pression americaine sur Israel [ref. necessaire] et entreprend secretement la demarche de rencontrer les Israeliens. En , sans meme prevenir les Americains [ref. necessaire] , Sadate annonce qu'il est pret a se rendre a Jerusalem pour entreprendre des negociations avec les Israeliens. Il devient ainsi le premier dirigeant d'un pays arabe a rendre une visite officielle a Israel, et se declare pret a reconnaitre son existence a l'Etat juif et de conclure la paix avec celui-ci en echange de l’evacuation de tous les territoires occupes et de la reconnaissance du droit aux Palestiniens d’avoir leur propre Etat. Mais les negociations echouent car les Israeliens refusent de quitter les territoires occupes [ 3 ] .

Les motivations de Sadate etaient surement d'ordre economique (l'aide des Etats-Unis a une economie egyptienne en mauvaise posture). Le Rais manifestait son intention d'entrer directement en dialogue avec les Israeliens, cassant ainsi le tabou et bravant la communaute arabe (c'est pour cette raison que plusieurs emissaires arabes se sont rendus au Caire dans l'espoir de le convaincre de revenir sur sa decision) [ref. necessaire] .

Or, selon Mohamed Hasnine Haykal, redacteur en chef du quotidien Al Ahram et proche du cercle du pouvoir ecrivait, dans son livre La Guerre de 1973 , que Sadate repetait a qui voulait l'entendre que ≪ les autres ne veulent pas entrer dans la modernite ≫, ce qu'il interpretait comme signifiant que les autres Etats ne voulaient pas s'ouvrir au monde occidental. Ainsi, la distanciation de Sadate vis-a-vis des positions arabes n'etait pas motivee par un quelconque encouragement a negocier bilateralement ou a resoudre le probleme palestinien mais peut plutot s'interpreter comme ayant pour objectif principal l'acquisition d'une protection musclee necessaire a son maintien au pouvoir. Les multiples correspondances entre les Etats-Unis et Le Caire, suivies des visites de Kissinger tendent egalement a montrer qu'il s'agissait plus d'une transaction que d'une volonte deliberee tendant a resoudre le probleme regional dans sa globalite. Begin avait, de son cote, tout interet a voir favorablement une telle demarche car cela permettait de traiter bilateralement et sur un pied d'egalite avec le plus puissant des pays arabes [ref. necessaire] .

Les discussions [ modifier | modifier le code ]

Begin, Sadate et Carter a Camp David.

Les deux dirigeants, invites par Carter, se rendent aux Etats-Unis du 5 au a Camp David , avec leurs equipes de negociateurs (dont Aharon Barak , futur president de la Cour supreme israelienne ) et avec l'idee des concessions qu'ils etaient prets a faire. Les discussions sont tendues, mais Carter refuse de laisser partir les negociateurs sans qu'ils soient parvenus a un accord.

Le premier jour du sommet, Carter recoit d'abord Sadate. D'emblee et parce qu'il refuse de passer pour un traitre au nom des Arabes, Sadate exige de lier le sort de tous les territoires Arabes occupees et celui des Palestiniens a la question du Sinai . Il reclame aussi le demantelement de 3 aerodromes Israeliens et le depart de 2 000 colons juifs installes dans le Sinai pour pouvoir engager un accord de paix avec Menahem Begin . Soucieux de jouer les arbitres, Carter lui dit de ne s'en tenir qu'au Sinai en raison du rejet syrien de la resolution 242 et de la position irreductible des Israeliens au sujet de tous les autres territoires Arabes. Ensuite Carter recoit Begin ; il refuse d'envisager un retrait de Gaza , de Cisjordanie , de Jerusalem-Est , du Golan et de discuter des Palestiniens. De plus, il refuse de demanteler ses aerodromes et ses colonies dans le Sinai. Carter evite de s'appesantir sur les premiers points et lui suggere d'installer des bases Americaines dans le Sinai pour repondre aux besoins de securite pour Israel.

Le deuxieme jour, Sadate reduit ses exigences et abandonne l'idee de recuperer le Golan Syrien et Jerusalem-Est mais exige de lier Gaza, la Cisjordanie et l'auto-determination des Palestiniens a la question du Sinai. Sensible a cet effort, Carter tente de faire flechir Begin sur l'auto-determination des Palestiniens et sur le retrait des colons Israeliens, mais en vain. 

Le troisieme jour, Carter s'entretient avec Begin, Moshe Dayan et Ezer Weizman et leur demande fermement d'evacuer leurs colons du Sinai et de renoncer a la construction de nouvelles colonies juives en Cisjordanie et a Gaza en signe de bonne volonte, mais le Premier Ministre Israelien refuse. Carter l'accuse alors de vouloir garder a jamais le controle de la Cisjordanie et qualifie sa proposition d'autonomie administrative pour les Palestiniens presentee en de subterfuge. En fin de journee, Carter s'entretient seul avec Sadate et Begin mais celui-ci refuse toujours de deloger ses colons du Sinai, de demanteler ses aerodromes et oppose son veto categorique a toute auto-determination aux Palestiniens ainsi que mettre fin a la construction de colonies. Furieux a l'idee de devenir la risee du monde arabe une fois le sommet termine, Sadate explose de colere et declare : ≪ qu'il n'y a plus a discussion ≫. Sadate et Begin ne s'adresseront plus jamais la parole.

L'impasse semble definitive au dixieme jour a propos du retrait des implantations israeliennes de la peninsule du Sinai et du statut de la Cisjordanie. Pour sauver les discussions, Carter choisit de defendre la position de Sadate sur le Sinai et la position de Begin sur la Cisjordanie. Les discussions aboutirent finalement aux accords de Camp David.

Les communications egyptiennes lors des negociations de Camp David furent espionnees par les Etats-Unis [ 4 ] .

Les termes des accords [ modifier | modifier le code ]

Les accords de Camp David contiennent deux accords-cadres qui posent les bases d'un reglement de paix future. Ils se fondent sur la resolution 242 votee a la suite de la guerre des six jours en 1967 et la resolution 348 votee lors de la guerre du Kippour en 1973 [ 5 ] .

Cadre pour la paix au Proche-Orient [ modifier | modifier le code ]

Le premier accord cadre pour la paix au Proche-Orient invite notamment en preambule Israel et ses ennemis a signer entre eux des traites de paix.

Il comporte ensuite trois parties :

  • la premiere partie, qui pose les principes des futures negociations sur le statut de la Cisjordanie et de la bande de Gaza , a pour but de deboucher sur une autonomie transitoire de cinq ans de cette nouvelle entite, dans le respect de la resolution 242 (1967) . Elle stipule que les habitants des territoires de Cisjordanie et de Gaza auront la liberte de confirmer, ou non, ce statut negocie. Une solution juste au probleme des refugies doit egalement etre etablie [ 5 ] . Cette partie a ete jugee moins claire que le second accord et fut plus tard interpretee differemment par Israel, l'Egypte et les Etats-Unis [ref. necessaire] . Elle ne sera ainsi jamais appliquee ;
  • la deuxieme partie etait un preambule au second accord, concernant les relations diplomatiques entretenues entre Israel et l'Egypte ;
  • la troisieme partie declarait certains principes qui auraient du s'appliquer aux relations entre Israel et les autres pays arabes. Elle resta lettre morte.

Selon le texte : ≪ les autres parties impliquees dans le conflit israelo-arabe sont invitees a s'associer a cet Accord-cadre ≫ [ 5 ] .

Cadre pour un traite de paix Israel-Egypte [ modifier | modifier le code ]

Le second accord concernait la conclusion d’un traite de paix entre les deux pays dans les six mois suivants. Celui-ci fut signe le a Washington et permit a l’Egypte de recuperer le Sinai en 1982 apres le retrait complet de l'armee israelienne et le demantelement de certaines implantations juives comme a Yamit [ 3 ] , [ 6 ] . En contrepartie, Israel obtint une normalisation des relations diplomatiques israelo-egyptiennes et des garanties sur la liberte de circulation sur les voies d'eau du canal de Suez et du detroit de Tiran [ 3 ] . L'accord concernait egalement les forces militaires, que chacun des pays etait dispose a ne plus rassembler pres de la frontiere. Israel offrit egalement une garantie de libre passage de l'Egypte vers la Jordanie .

La version anglaise contenait l'expression ≪ will retreat of occupied territories ≫ . Sa traduction en francais exigea que fut tranchee une ambiguite : ≪ se retireront de territoires occupes ≫ ou ≪  des territoires occupes. ≫ Ainsi l'usage du francais (obligatoire puisque c'etait une des langues de travail de l'ONU) aida-t-il a une meilleure precision des accords.

Les accords et le traite de paix furent accompagnes de lettres de comprehension mutuelle des Americains, des Egyptiens et des Israeliens [ 5 ] .

Des defauts [ modifier | modifier le code ]

La question de Jerusalem n'est pas traitee dans ces accords. Les dirigeants egyptiens et israeliens sont divises sur la question : Sadate indique que la Jerusalem arabe fait partie de la Cisjordanie, tandis que Begin rappelle qu'Israel a decrete en 1967 que ≪ Jerusalem constituait une cite une et indivisible, capitale de l'Etat d'Israel ≫ [ 5 ] .

Ces accords-cadres ont connus des difficultes a etre mis en œuvre, en partie car ils ne sont que des declarations d'intention qui n'ont aucun effets concrets s'ils ne debouchent pas sur des traites [ 5 ] .

Consequences [ modifier | modifier le code ]

Menahem Begin et Anouar el-Sadate recoivent le prix Nobel de la paix en 1978 [ 7 ] .

La perception que les Arabes avaient de l'Egypte changea apres la signature de ces accords. L'Egypte, qui avait porte le leadership parmi les pays arabes a l'epoque de Nasser , se retrouva isolee pour n'avoir pas mis davantage en avant les interets arabes. Il fut notamment reproche a Sadate de ne pas avoir obtenu de concessions israeliennes sur la reconnaissance des droits des Palestiniens a l'autodetermination. Sur le plan interieur, une grande partie des ministres dont le Premier ministre Mamdouh Salem presentent leur demission du gouvernement. La haine fut entretenue jusqu'a entrainer l'assassinat de Sadate en 1981 [ref. necessaire] . L'Egypte fut egalement exclue de la Ligue arabe de 1979 a 1989 [ 2 ] . L'Egypte est donc le seul pays arabe a avoir signe un traite de paix avec Israel, alors que les accords de Camp David avaient pour ambition que tous les pays arabes en conflit avec Israel en signent un [ 5 ] .

L'unite arabe contre Israel fut brisee a la suite de ces accords. Saddam Hussein tenta de remplir le vide laisse par la perte du leadership egyptien, ce qui explique selon certains observateurs l' invasion de l'Iran par l'Irak en 1980.

La Force multinationale et observateurs au Sinai fut mise en place a partir de 1982 en vue de faire respecter la partie des accords portant sur le Sinai [ 8 ] .

Surtout, les accords de Camp David demontrerent aux pays arabes qu'il etait possible de negocier avec Israel. La conference de Madrid de 1991 , les accords d'Oslo de 1993 et plus tard le sommet de Camp David II en 2000 n'auraient probablement jamais eu lieu sans ce precedent.

References [ modifier | modifier le code ]

  1. ≪  Accords de Camp David  ≫, sur www.monde-diplomatique.fr (consulte le )
  2. a et b ≪  17 septembre 1978 : les accords de Camp David, visa pour la paix israelo-egyptienne  ≫, sur Le Figaro , (consulte le )
  3. a b et c Dominique Perrin , ≪ Israel face au monde arabe : La Palestine entre la guerre et la paix ≫ , dans Palestine : Une terre, deux peuples , Presses universitaires du Septentrion, coll.  ≪ Histoire et civilisations ≫, ( ISBN   978-2-7574-2198-7 , lire en ligne ) , p.  217?321 §  143-152
  4. ≪  Crypto AG, l'entreprise suisse qui a permis a la CIA d'espionner 120 pays pendant quarante ans  ≫, sur Marianne ,
  5. a b c d e f et g Joelle Le Morzellec , ≪  Les Accords de Camp David (17 septembre 1978) et le Traite de paix israelo-egyptien (26 mars 1979)  ≫, Annuaire Francais de Droit International , vol.  26, n o  1,‎ , p.  175?192 ( DOI   10.3406/afdi.1980.2385 , lire en ligne , consulte le )
  6. Isabelle Saine , ≪  Les partis religieux en Israel et le plan de desengagement de Gaza  ≫, Confluences Mediterranee , vol.  54, n o  3,‎ , p.  155?170 ( ISSN   1148-2664 , DOI   10.3917/come.054.0155 , lire en ligne , consulte le )
  7. Robert Sole , ≪  L’Egypte, d’une revolution a l’autre  ≫, Bulletin de la Sabix. Societe des amis de la Bibliotheque et de l’Histoire de l'Ecole polytechnique , n o  54,‎ , p.  53?57 ( ISSN   0989-3059 , DOI   10.4000/sabix.1121 , lire en ligne , consulte le )
  8. Olivier Sanmartin et Jacques Seguin , ≪  Sous les mines, la plage  ≫, Egypte/Monde arabe , n o  22,‎ , p.  63?96 ( ISSN   1110-5097 , DOI   10.4000/ema.600 , lire en ligne , consulte le )

Voir aussi [ modifier | modifier le code ]

Article connexe [ modifier | modifier le code ]

Liens externes [ modifier | modifier le code ]

  • Texte des accords de camp David (en francais, sans annexes) : diplomatie.gouv.fr
  • Texte integral des accords de camp David (en anglais, avec annexes) : peacemaker.un.org
  • Texte integral du traite de paix Israel-Egypte de 1979 (en francais, avec annexes, sans cartes) : treaties.un.org
  • Texte integral du traite de paix Israel-Egypte de 1979 (en anglais, avec annexes, avec cartes) : treaties.un.org
  • Texte integral du discours de Sadate a la Knesset le 20 novembre 1977 : Le Monde