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La force et le mensonge?: deux concepts qui ont marque 2016 | Les Echos
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La force et le mensonge?: deux concepts qui ont marque 2016

On pensait que la verite etait importante et que la force etait devenue anachronique. Marquee par le Brexit, l’election de Trump et l’implication de Poutine dans le conflit syrien, l’annee 2016 a prouve le contraire.

Par Dominique Moisi (geopolitologue, conseiller special de l’Institut Montaigne.)

Publie le 30 dec. 2016 a 20:29

Defaite de la verite, triomphe de la force. Si l’on voulait, en quelques mots, aller a l’essentiel, l’annee 2016 pourrait se resumer a cette formule. Des campagnes electorales qui, des deux cotes de l’Atlantique, du referendum britannique a l’election presidentielle americaine, se sont construites sur le mensonge delibere et les fausses promesses. Une campagne militaire qui, comme en Syrie, repose sur l’usage systematique de la force militaire sous sa forme la plus brutale. Trump champion du mensonge , Poutine champion de la force.

On disait la verite importante, la force anachronique, 2016 rebat les cartes de facon decisive. La verite n’est plus ce qu’elle etait, la force, par contre, l’est redevenue. Au-dela de la direction prise par les evenements, il y a aussi la question du calendrier.

La defaite de la Verite

2016 n’est pas seulement une annee marquee par des changements spectaculaires, en termes d’equilibre des forces, sinon d’equilibre des principes ??moins d’Amerique, d’Europe et de democratie, plus de Russie et d’autoritarisme??, c’est aussi une annee particulierement courte. Sur un plan politique ne commence-elle pas reellement le 23?juin, avec la victoire des partisans du Brexit en Grande-Bretagne?? Un resultat qui ouvre les portes de l’impensable, c’est-a-dire l’election de Donald Trump aux Etats-Unis.

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Dans les deux processus electoraux, le grand vaincu a ete le concept de Verite. Assertions erronees, fausses promesses, tout etait bon. Prisonniers d’une logique de rationalite, incapables d’integrer l’impact des technologies de l’information sur le comportement des electeurs, et plus encore sur le fonctionnement des institutions democratiques, les ≪?experts?≫ ??dont je fais partie?? se sont lourdement trompes. Meme si, dans le cas americain, un doute subsiste. Est-ce les analystes qui se sont trompes en refusant d’envisager la possibilite de la victoire de Trump, ou est-ce le peuple americain lui-meme qui a ete trompe par l’ingerence dans la campagne, sinon dans le processus electoral lui-meme, d’une puissance etrangere favorable au candidat populiste??

L'annee du rejet

La question du ≪?hacking?≫ demeure incontournable. Mais on peut se demander, aussi, si tout autre candidat democrate qu’Hillary Clinton ne l’aurait pas emporte contre Trump. Barack Obama l’affirme, parlant de lui-meme. Le vice-president, Jo Biden, serait-il sorti vainqueur s’il s’etait presente?? Il est bien sur impossible de repondre a cette question, mais le doute subsistera. Derriere la montee, pretendument irresistible, du populisme, il y a de fait l’absence, ≪?en face?≫, d’alternative credible et/ou seduisante. L’Allemagne est, jusqu’a preuve du contraire, un parfait contre-exemple. La France de Francois Fillon ou d’Emmanuel Macron pourrait le devenir en 2017. Si elle rassure ou fait rever, la democratie peut encore l’emporter sur toute forme d’aventure.

L’annee 2016, en effet, ne fut pas seulement celle de la colere, mais aussi celle du rejet?: de David Cameron en Grande-Bretagne, de Nicolas Sarkozy au sein de la droite francaise, de Matteo Renzi en Italie et, avant tout, d’Hillary Clinton aux Etats-Unis. La ≪?divine surprise?≫ de l’Autriche, avec la defaite du candidat de l’extreme droite aux elections a la presidence, ne saurait bien sur suffire a reequilibrer le reste. L’annee 2016 demeurera celle des demagogues.

Au-dela du dysfonctionnement de la democratie et de ses institutions, il y a celui du systeme international. Il est trop tot pour affirmer que, une fois president, Donald Trump appliquera fidelement son programme de politique etrangere fonde sur le principe de ≪?L’Amerique d’abord?≫, avec toutes ses consequences strategiques et commerciales en matiere de survie des alliances et des accords de reciprocite. Mais, sur un plan strictement geopolitique, l’homme de l’annee 2016 demeurera, au moins par defaut, Vladimir Poutine.

Quand la Russie mene la danse

Barack Obama aura termine son second mandat par l’expression d’un regret?: celui de ne pas avoir fait progresser le reglement du conflit Israel-Palestine. En decidant de ne pas opposer son veto a la resolution des Nations unies condamnant la politique de poursuite de la colonisation menee par le gouvernement de Benjamin Netanyahu, et en choisissant l’abstention, Obama s’apprete a quitter le pouvoir en restant fidele a ses principes. De maniere implicite, il exprime, par son vote, non pas ce qu’il a fait mais ce qu’il aurait aime pouvoir faire.

Au moment ou l’Amerique d’Obama s’exprime par son abstention, la Russie de Poutine, maniant d’une main la force militaire et de l’autre le veto aux Nations unies, avance ses pions sans contrainte et sans etats d’ame. Contrairement au president des Etats-Unis, le president russe agit plus qu’il ne parle. Son bilan ne tiendra pas en une serie d’abstentions ou de discours, certes plus brillants et inspirants les uns que les autres, mais en une rehabilitation cynique, efficace et sans doute dangereuse de l’utilisation de la force dans l’ordre international. La Russie tisse sa toile de la maniere la plus classique, au moment ou l’Amerique d’Obama semble vouloir apporter la preuve des limites du ≪?soft power?≫.

Le rapprochement diplomatique entre Moscou et Ankara sur le dossier syrien restera comme un des grands tournants de 2016. Recep Tayyip Erdogan considere, sans doute, que le ­controle des Kurdes est plus important pour lui que le depart du regime d’Assad. Il s’aligne de fait sur la position de Moscou et de Teheran. Il ne faut pas oublier que derriere la Russie, l’autre grand vainqueur de l’annee au Moyen-Orient est incontestablement l’Iran qui, de la Syrie au Liban en passant par l’Irak, consolide lui aussi ses positions.

Dans sa volonte de se rapprocher de Moscou pour equilibrer la Chine, le Japon suit une demarche parallele a celle de la Turquie. Et que dire de Donald Trump lui-meme, qui semble desireux de pencher vers Moscou pour isoler la Chine?? Richard Nixon etait plus inspire, au debut des annees 1970, en s’ouvrant a la Chine pour isoler l’URSS. L’annee 2016 entrera dans l’histoire comme celle du ≪?double dysfonctionnement?≫, de la democratie et de l’ordre international.

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