Depuis qu’elle avait remporte le
prix de litterature de la Nouvelle Academie a Stockholm
, en octobre?2018, avant d’etre accueillie avec les honneurs en Guadeloupe, Maryse Conde se disait en paix. Avec elle-meme, avec le monde litteraire, avec sa vocation. Elle est morte, a l’age de 90?ans, dans la nuit du lundi?1
er
au mardi 2?avril?a l’hopital d’Apt (Vaucluse), a annonce, le 2?avril, son mari a l’Agence France-Presse.
Elle laisse une œuvre magistrale, qui decrit
≪?dans un langage precis
(…)
les ravages du colonialisme et le chaos du postcolonialisme?≫
, selon la Nouvelle Academie. Lue et etudiee dans le monde entier, la professeure a l’universite Columbia, l’ecrivaine voyageuse qui a habite a Paris, en Afrique, aux Antilles, aux Etats-Unis, la militante et grande romanciere de la Guadeloupe avait dedie la recompense, longtemps desiree, a son
≪?pays?≫
, qu’elle a reve independant sa vie durant.
Les romans, pieces de theatre et livres pour la jeunesse, les memoires et les essais de Maryse Conde sont pareillement portes par un irrepressible besoin de comprendre. Sa vie. La vie. Ce qui anime les peuples et le monde. Dans la chute d’un royaume bambara (les deux tomes de
Segou
, Robert Laffont, 1984 et 1985) comme dans son milieu d’origine, la bourgeoisie ≪?negro-antillaise?≫ (
Le Cœur a rire et a pleurer
, Robert Laffont, 1999). Dans les mentalites et les croyances guadeloupeennes (
Traversee de la mangrove
, Mercure de France, 1989, et
Celanire cou-coupe
, Robert
Laffont, 2000) comme dans le djihadisme francais, inspiration du
Fabuleux et Triste Destin d’Ivan et d’Ivana
(JC?Lattes, 2017). Dans le couple mixte et le statut de la femme artiste (
Histoire de la femme cannibale
, Mercure de France, 2003) comme dans le parcours de sa grand-mere maternelle, une cuisiniere exceptionnelle qui ≪?louait ses services?≫ aux familles blanches de la Guadeloupe (
Victoire, les saveurs et les mots
, Mercure de France, 2006).
Son refus des carcans identitaires et des etiquettes commodes ? non, elle n’etait pas une romanciere francophone, elle ecrivait en ≪?Maryse Conde?≫ ?, sa lucidite et son ironie mordante concouraient a rendre sa voix singuliere. Sa perte est immense.
Se rebeller et ecrire
Benjamine d’une fratrie de huit, Maryse Liliane Appoline Boucolon nait le 11?fevrier?1934 a Pointe-a-Pitre. Son pere, Auguste Boucolon, est commercant et fondateur d’une banque. Sa mere, Jeanne Quidal, est la premiere institutrice noire de la Guadeloupe. Les parents elevent leurs enfants dans l’amour de la culture francaise et l’ignorance de leur ascendance africaine. Ils voyagent regulierement a Paris, ne parlent jamais creole a la maison. Ils revent que leur fille devienne une fonctionnaire, qu’elle epouse un fonctionnaire antillais. Elle aspire a autre chose.
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