D'une certaine façon, les réactions passionnées provoquées par la désignation du nouveau conseil d'administration de la SABC sont la preuve que l'Afrique du Sud, au moins en ce qui concerne l'audiovisuel, a bien changé. Insipide, frileuse et, surtout, largement déconsidérée pour avoir trop longtemps servi de porte-voix à la propagande gouvernementale, la SABC avait en effet bien besoin d'un coup de jeune, alors que le pays devrait bientôt organiser les premières élections multiraciales de son histoire. C'est d'ailleurs pour garantir un minimum d'impartialité durant la prochaine campagne électorale que les partis d'opposition avaient exigé ce remaniement.
Une commission indépendante, désignée d'un commun accord par les partis et le gouvernement, a publiquement auditionné 86 candidats pendant plusieurs semaines, les invitant à exposer leurs conceptions en matière audiovisuelle et à disserter sur des sujets tels que leur passé politique ou les libertés publiques. C'est la première fois que les postulants à une telle responsabilité, habituellement choisis par le seul pouvoir politique, étaient soumis à pareil régime. Sortant d'une longue audition, un notable du Parti national (NP) n'a pu que balbutier : " J'ai eu l'impression de faire face à un tribunal de généraux SS. " Il venait d'être interrogé sur son appartenance au Broederbond, société secrète étroitement liée à son parti, qui n'admet dans ses rangs que des Afrikaners mâles, protestants et non divorcés.
Des candidats imposés par M. De Klerk
Les noms des vingt-cinq canditats retenus par la commission, parmi lesquels onze Noirs, ont été transmis, le 21 mai, au président De Klerk auquel revenait la responsabilité formelle de leur nomination. C'est alors que tout s'est gâté. On croyait que M. De Klerk se bornerait à ratifier les choix de la commission. Mais, par deux fois, il a renvoyé la copie à ses auteurs, leur demandant de reconsidérer certains noms.
La liste définitive, rendue publique lundi, comporte la même proportion de Noirs. Mais sept candidats qui figuraient dans la liste originale ont été remplacés, parmi lesquels deux journalistes particulièrement actifs dans le combat pour la libération des ondes. Plus délicat : Frederik Van Zyl Slabbert, choisi comme vice-président par la commission, se retrouve promu président, tandis que Njabulo Ndebele, un professeur d'université, est rétrogradé du poste de président pressenti à celui de membre ordinaire.
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