한국   대만   중국   일본 
Cent Jours de Napoleon : l'ultime vol de l'aigle


napoleon golfe juanLes  Cent Jours  constituent le dernier episode du Premier Empire, de l’entree de Napoleon Ier dans Paris (20 mars 1815) a sa seconde abdication (22 juin 1815). Apres s'etre echappe de l'ile d'Elbe et avoir debarque a Golfe-Juan le 1er mars, Napoleon Bonaparte traverse les Alpes par une route qui porte depuis le nom de ≪ route Napoleon ≫. L'ultime vol de l'aigle se poursuit jusqu'a l'entree dans la capitale, suscitant au passage de l'empereur l’enthousiasme grandissant de la population. Il retrouve le pouvoir, laisse vacant par la fuite de Louis XVIII, durant cent jours. La defaite de Waterloo le contraint a abdiquer une seconde fois le 22 juin. Il est exile a Sainte-Helene. 

 

Les 100 Jours

Napoleon s'ennuyait certainement dans le royaume lilliputien qui lui avait ete concede par le Traite de Fontainebleau, lors de sa premiere abdication. Malgre toute l'activite qu'il deployait pour embellir l'Ile d'Elbe et accroitre ses ressources, il se trouvait forcement a l'etroit dans ce minuscule Etat, lui qui etait habitue a parcourir l'Europe et a lui dicter ses lois. La situation politique en France lui offre une possibilite de retour.

L'ennui de Napoleon se doublait du chagrin d'avoir perdu tout espoir de revoir son fils et sa femme, Marie-Louise, dont il connaissait l'infidelite, chagrin qu'attenuait a peine la presence de sa mere et de sa sœur et le rapide passage de Marie Walewska avec son fils. Pourtant, Napoleon n'aurait probablement pas quitte son royaume derisoire, qui ressemblait deja a une prison, puisqu'il y etait sous la surveillance constante du commissaire britannique Campbell, si d'autres motifs, encore plus puissants, ne l'y avaient incite. Ces motifs tenaient a la situation interieure francaise comme a la situation internationale. 

retour louisxviiiEn France, les bienfaits retires de la paix, apres plus de vingt ans de guerre, n'effacaient pas la t ache originelle de la Restauration , ramenee dans les fourgons de l'etranger. Les grognards, dont beaucoup avaient ete licencies, reduits a la demi-solde, c'est-a-dire a une situation proche de la mendicite, tandis que leurs adversaires de la veille frequentaient les allees du pouvoir, ne se montraient naturellement pas favorables au changement de regime. Les jeunes officiers, dont la carriere paraissait desormais bouchee, trepignaient d'impatience. La noblesse d'empire, ostensiblement meprisee par celle de l'Ancien regime, se taisait mais regrettait les fastes du regime defunt. Surtout, les emigres etaient rentres sans rien avoir appris de leur long exil et leur attitude attisait les craintes des acheteurs de biens nationaux qui se voyaient deja depouilles des proprietes qu'ils estimaient legitimement acquises.

Bref, un  profond mecontentement montait au sein de la population qui dotait l'ancien Empereur d'un nouveau sobriquet, celui de pere la violette, symbole des espoirs de ses partisans, cette fleur annoncant le retour du printemps. Napoleon etait tenu etroitement informe de l'etat d'esprit des Francais. Il recevait de nombreux emissaires de France comme du royaume de Naples, ou regnaient encore son beau-frere Murat et sa sœur Caroline.

Fleury de Chaboulon fut l'un de ceux-ci, mais il ne fut pas le seul et les informations qu'il transmit a son illustre interlocuteur ne furent pas aussi determinantes qu'il l'ecrivit. Cipriani, maitre d'hotel de Napoleon pendant les cents-jours, effectuait de frequents sejours sur le continent, et d'autres visiteurs se rendaient dans l'ile, dont un commercant grenoblois, le gantier Dumoulin, qui devait faciliter ulterieurement le retour de l'Empereur en France par les Alpes.

La situation internationale engageait Napoleon a rever d'evasion. La Russie, a la recherche d'un debouche sur les eaux chaudes, menacait la suprematie britannique sur les mers ; ces deux puissances s'affrontaient deja en Asie et au Proche Orient. La pretention des Russes au protectorat des peuples slaves se heurtait aux interets autrichiens dans les Balkans. La Prusse etait disposee a ceder sa part de la Pologne a la Russie contre la disparition a son profit du Royaume de Saxe, allie jusqu'a Leipzig de Napoleon ; mais l'Autriche, dont la domination sur l'Allemagne morcelee aurait ainsi ete battue en breche, etait hostile a cet arrangement.

La France, qui parvenait peniblement a se reintroduire dans le jeu diplomatique, voulait retablir les Bourbons de Naples sur le trone occupe par Murat ; mais les Anglais et les Autrichiens ne se montraient pas disposes a trahir leur allie de la derniere heure. Finalement, deux groupes antagonistes emergerent, entre les illuminations et les valses du Congres de vienne, avec d'un cote la Russie et la Prusse et, de l'autre, l'Angleterre et l'Autriche auxquelles se ralliait la France. L'Europe se trouvait a nouveau au bord de la guerre. Napoleon ne l'ignorait pas; il recevait de nombreux messages de Vienne, notamment de la part du baron de Meneval, attache aupres de Marie-Louise ; il pouvait esperer jouer les arbitres.

Sortir d'une situation precaire

De toute maniere, il n'avait pas le choix. Sa situation financiere etait d'autant plus precaire que le gouvernement de Louis XVIII refusait d'honorer la rente de deux millions octroyee par le Traite de Fontainebleau. De plus, le gouvernement royal stipendiait des sbires pour espionner l'Empereur, voire pour l'assassiner; la tentative fomentee dans ce sens par le chevalier de Bruslart, un ancien chouan normand, en relation avec les barbaresques, echoua mais le danger subsistait.

Quant a l'Angleterre, inquiete de la presence de Napoleon si pres des cotes de France, elle reclamait sa deportation; on parlait de Malte jugee trop proche, des Antilles, des Acores, de l'Australie et enfin de Sainte Helene. Napoleon pensait pouvoir resister quelques temps a une tentative d'enlevement, mais il savait, qu'avec ses faibles moyens, cette resistance ne pourrait etre qu'un baroud d'honneur .

Golfe-JuanIl songeait sans doute depuis longtemps a son retour en France. Cependant, son evasion ne fut pas premeditee ; elle s'organisa en effet dans la precipitation . Les principaux personnages de l'evenement ne furent prevenus qu'au dernier moment, y compris les proches de l'Empereur et meme les membres de sa famille. On profita de l'absence de l'anglais Campbell, occupe a Libourne, pour preparer et effectuer a la hate l'embarquement sur le brick l' Inconstant et, le 26 fevier 1815, un dimanche, apres avoir fait avancer l'heure de la messe, Napoleon prit definitivement conge de l'ile, apres avoir confie sa mere et sa sœur aux Elbois. Les grognards de la Garde n'apprirent la destination qu'une fois en pleine mer !

Certains observateurs soupconnerent les Britanniques d'avoir volontairement facilite le depart de l'Empereur afin de se donner un pretexte pour le deporter. Cette hypothese n'a jamais ete confirmee bien que certains faits tendissent a l'accrediter, notamment le voyage a francs etriers, a travers la France, d'un Anglais qui annoncait aux echos que Napoleon s'etait echappe alors que nul ne le savait encore.

Napoleon debarque a Golfe Juan

Le destin favorisa a nouveau l'Empereur qui parvint, avec sa petite flottille , a echapper a la surveillance de la croisiere francaise evoluant en Mediterranee, ainsi qu’a la corvette anglaise qui naviguait dans les parages. Le 1er mars 1815, le debarquement, prevu initialement a Saint-Raphael, d'ou Napoleon etait parti un an plus tot, s'effectua dans les environs de Vallauris, devant quelques douaniers meduses, entre quatorze et dix sept heures. Le premier bivouac fut installe sur le rivage du Golfe-Juan, dans une region que Bonaparte, jeune officier, avait parcourue en 1794.

Une tentative sur Antibes, dirigee par le capitaine Lamouret, qui posa le premier les pieds sur le rivage, a la tete de 30 hommes d’elite, echoua ; 22 des huit cents soldats de l'ile d'Elbe y furent faits prisonniers par le colonel Cuneo d’Ornano qui commandait la place. Cet incident sans gravite dissuada Napoleon d'emprunter la vallee du Rhone ; il savait la population de la Provence hostile, depuis son passage en 1814, au cours duquel il n'avait du son salut qu'a un deguisement. Il decida donc de diriger sa marche sur les Alpes , selon les indications fournies par Dumoulin. Il pensait pouvoir y beneficier d'un bon accueil de la part d'une paysannerie inquiete de la remise en cause des acquis de la Revolution. Ce changement d'itineraire contraignit l'Empereur a abandonner deux petites pieces d'artilleries qu'il eut ete difficile de trainer a travers les montagnes.

marcheAu moment ou Napoleon touchait a nouveau le sol de France, un autre evenement se deroulait a l'autre extremite du pays. Le general Lefebvre Desnoettes, a la tete des chasseurs royaux, tentait de s'emparer de La Fere et de son arsenal, tandis que le general Exelmans essayait d'entrainer dans la sedition les troupes de Guise et de Chauny. Les freres Lallemand participaient a l'entreprise que le general d'Aboville fit echouer. Les royalistes virent dans la coincidence de ces deux evenements l'indice d'un vaste complot.

Pourtant, le soulevement militaire n'avait probablement aucun rapport direct avec le debarquement du Golfe-Juan ; on pense qu'il etait fomente par les milieux republicains, sourdement travailles par Fouche, peut-etre pour couper l'herbe sous les pieds de l'Empereur.

La petite troupe imperiale gagna Cannes ou elle bivouaqua a proximite de la chapelle Notre-Dame de Bonsecours. Cambronne fut envoye en avant-garde sur Grasse. Entre Cannes et Grasse, Napoleon rencontra le prince de Monaco ; Les deux hommes echangerent quelques paroles. - Ou allez-vous, lui demanda Napoleon? - Je retourne chez moi repondit le prince. - Moi aussi retorqua l'Empereur. Napoleon ne suivit pas la route qui porte son nom: elle n'existait pas encore. Cette route recoupe par endroits celle de l'epoque; a d'autres, elle s'en ecarte et l'ancien chemin se perd dans les fourres.

Le vol de l'aigle

Voici, sommairement retrace, l'itineraire suivi par Napoleon et ses hommes: le 2 mars, campement dans la neige a 1000 metres d'altitude, chemin faisant, l'Empereur remet une bourse d'or a la mere du defunt general Muiron. Le 3 mars, Castellane, ou Napoleon rencontre le sous-prefet destitue par Louis XVIII mais pas encore remplace, poursuite sur Barreme, pratiquement a la file indienne et dans la neige. Le 4 mars, apres la chute de caisses de numeraire dans un ravin, arrivee a Digne, dont l'eveque fait grise mine, on y imprime les proclamations.

Le 5 mars, a Sisteron, ou la forteresse eut pu arreter la progression, si les atermoiements des troupes royalistes n'avaient pas laisse le passage libre ; il faut reconnaitre, a leur decharge, que le debarquement fut d’abord pris pour le retour dans leurs foyers de quelques grognards fatigues de resider a l’ile d’Elbe. Le soir, arrivee a Gap, ou Napoleon recoit un accueil enthousiaste qu'il paie de l'abandon de son drapeau. Le 6, a Corps, la petite troupe s'est renforcee des paysans des alentours qui l'escortent et souhaitent meme s'y engager; a La Mure Napoleon felicite le maire qui a refuse de detruire le pont.

napoleon grenobleLe 7, a Laffrey, l' Empereur s'avance seul au devant de la troupe envoyee de Grenoble pour l'arreter, l'officier commande le feu, mais les soldats du 5eme de ligne, refusant d'obeir, acclament Napoleon; entre Vizille et Grenoble, le colonel de la Bedoyere amene son regiment en renfort et c'est desormais une troupe imposante qui approche de la capitale du Dauphine; le gouverneur de Grenoble, le general Marchand, est decide a resister; les portes n'en sont pas moins enfoncees, sous la pression de la foule et des soldats.

Napoleon sejourne deux jours a Grenoble, d'ou il envoie un courrier a Marie-Louise pour l'inviter a le rejoindre; il en enverra d'autres tout au long de sa route, en pure perte. L'Empereur quitte Grenoble le 9 mars pour gagner Bourgoin-Jallieu, ou la ville illuminee lui reserve une ovation, malgre l'heure tardive (3 heures du matin!). Le 10 mars, Napoleon atteint Lyon ; le comte d'Artois, le duc d'Orleans et le marechal Mac Donald avaient ete envoyes par Louis XVIII pour defendre la seconde ville du royaume; le futur Louis Philippe Ier avait ete eloigne de Paris parce qu'il affichait des idees liberales et que la famille royale s'en mefiait; les princes et le marechal ne purent s'opposer au torrent.

Napoleon reste deux jours a Lyon ou il redige une dizaine de decrets et une nouvelle missive a Marie-Louise. Le 13 mars, il arrive a Macon, ou il manifeste son mecontentement de la mauvaise defense de la ville en 1814. Le 14 mars, il est a Chalons-sur-Saone, ou une deputation de Dijon vient lui annoncer l'expulsion du maire et du prefet royalistes.

Les Cents Jours

Napoleon_ParisL'Empereur se comporte desormais comme s'il etait a nouveau sur le trone; il ne se contente plus de publier des proclamations et des decrets, il destitue les magistrats et les officiers, en nomme d'autres et decerne des decorations. Le 15 mars, a Autun, il apprend le ralliement du marechal Ney , qui avait promis au roi de le ramener dans une cage de fer; il enjoint au marechal de conserver son commandement. Il prend aussi a partie les autorites royalistes de la cite; il les accuse de s'etre laisse mener par le bout du nez par les pretres et les emigres et il menace ces derniers de faire justice d'eux en les lanternant !
 
Le 16 mars, a Avallon, le general Girard l'attend avec deux nouveaux regiments, dans une ville pavoisee de tricolore. Le 17 mars, Napoleon arrive a Auxerre, ou il passe en revue le 14eme de ligne du colonel Bugeaud. Le 18 mars, il ecrit une nouvelle lettre a Marie-Louise et organise la marche sur Paris, que le bataillon de l'Ile d'Elbe rejoindra par le coche d'eau; la Garde abandonne le roi et se rallie a l'Empereur. Le 19 mars, Napoleon passe a Sens.
 

Dans la nuit, Louis XVIII quitte les Tuileries pour se rapprocher de la frontiere belge. Ce qui reste de l'armee royale se decompose; les soldats aux ordres du duc de Berry, charges de s'opposer a Napoleon, abandonnes par leurs officiers, passent du cote de l'Empereur qui couche a Fontainebleau. Le 20 mars, Paris tombe progressivement aux mains des bonapartistes. Le drapeau tricolore est arbore sur les batiments publics. On n'attend plus que le grand homme. Il arrive bientot et l'un des temoins de la scene de son entree aux Tuileries, porte en triomphe par ses partisans, le general Thiebault, croit assister a la resurrection du Christ.

Quels enseignements peut-on tirer de cette fantastique reconquete du pouvoir sans tirer un coup de fusil? D'abord, que les couches populaires et les soldats approuverent largement le retour de l'Empereur. Ensuite que, sauf exceptions, les notables resterent reserves, y compris les officiers superieurs, tant que le denouement ne fut pas sur, et que beaucoup d'entre eux demeurerent fideles aux Bourbons. Massena, par exemple, qui etait a Marseille, se tint sur une prudente expectative.

L'Empereur, retabli sur son trone, ne retrouva pas son pouvoir quasi absolu d'antan, loin s'en faut. Il lui fallut d'abord vaincre les dernieres resistances royalistes. Le duc d'Angouleme, qui etait a Bordeaux lors du debarquement, avait leve une armee dans le midi; cette equipee tourna court, le prince fut a nouveau exile et Grouchy y gagna son baton de marechal. Napoleon dut ensuite composer avec les liberaux; Benjamin Constant redigea les actes additionnels a la constitution de l'empire qui conferaient au nouveau regime une apparence democratique. Napoleon abolit meme l'esclavage qu'il avait retabli en 1802.

L'enthousiasme populaire contrastait avec les reticences et les arriere-pensees des elites; le plebiscite qui enterina l'evolution du regime ne rencontra qu'un succes relatif, tant les abstentions furent nombreuses. Cependant les protestations de l'Empereur en faveur de la paix ne flechissaient pas l'opposition de ses ennemis; l'intempestif commencement des hostilites par Murat en Italie, contre les vœux  de son beau-frere, contribua evidemment a entretenir l'humeur des allies, mais ce geste insense ne fut pas decisif. La decision d'eloigner definitivement Napoleon etait deja irrevocablement arretee; Marie-Louise ne revint pas. La guerre etait inevitable. Grace aux efforts de l'Empereur, l'armee reconstituee etait prete en juin, mais la nation dans son ensemble ne l'etait pas. Et l'aventure des Cent jours finit tragiquement dans les champs de Waterloo  l e 18 juin.

Les emigres de la seconde vague revinrent,  plus ultras que jamais. La these d'un complot bonapartiste fut accreditee. Elle legitima la terreur blanche. Ney, Labedoyere, Mouton-Duvernet furent fusilles; Brune et Ramel, ce dernier deporte en fructidor comme royaliste, furent assassines par des forcenes; le general Gazan, qui s'etait trouve par hasard a Grasse lors du passage de Napoleon, fut prive de commandement jusqu'en 1830, peine legere quand tant d'autres etaient exiles.

Les Cent jours contribuerent pour beaucoup a forger la legende de l'Empereur; il tomba plus populaire qu'il ne l'avait jamais ete. Mais, pour la France vaincue, condamnee a voir une grande partie de son territoire occupe pendant 5 ans et a payer des indemnites de 700 millions de francs, amputee des dernieres conquetes de la Revolution epargnees en 1814, cette chute finale, aux allures d'apotheose individuelle, fut une veritable catastrophe collective.

Bibliographie

- Les cent-jours ou l'esprit de sacrifice , par Dominique de Villepin, Tempus, mars 2002.

- Cent jours, La tentation de l' impossible mars-juillet 1815 , de Emmanuel de Waresquiel. Texto, 2021.

Histoire des Cent-Jour , de Charles-Eloi Vial. Perrin, 2021.

.