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biographie
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Inventeur
génial autant que courageux, original et dandy
à la fois, Alberto Santos-Dumont est loin d'être
un pionnier de l'Aviation comme les autres.
Santos-Dumont
:
Pionnier de l'aviation, dandy de
la Belle Epoque.
Par
Alain Jacques MARCHAND
,
Président de la Commission Histoire, Arts et Lettres
de l'AéCF
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Né le 20 juillet 1873 à Cabangu (Brésil),
il fait preuve, dès sa jeunesse, d'un vif
intérêt pour tout et en particulier
pour la mécanique. Enthousiasmé par
les romans de Jules Verne, il dévore les
récits des exploits des Frères Montgolfier,
de Giffard et autres Lilienthal. Lors d'un voyage
en France, en 1891, il découvre les nouvelles
techniques modernes dont les moteurs à explosion
qui se révèleront d'une importance
déterminante dans ses inventions. L'idée
de la Conquête de l'air s'empare de lui, confortée
par les ascensions effectuées à cette
époque par les aéronautes. L'expédition
Andrée (1896) au pôle Nord qui se termine
tragiquement le marque particulièrement.
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Santos-Dumont connaît les risques de ces
expéditions, mais malgré le danger,
il se sent comme investi d'une mission : permettre
à l'homme de VOLER. Sa forte personnalité
a sans conteste été sa meilleure
alliée dans la réussite de cette
mission.
Santos-Dumont est véritablement un génie
de la mécanique; sans être ingénieur,
il sait expérimenter les solutions les
plus originales, farfelues, sans qu'aucun de ses
échecs n'atteigne sa volonté.
L'argent constitue également un des atouts
de Santos. Son père, ancien "roi du
café" lui ayant légué
sa fortune, Santos n'a pas, contrairement à
bon nombre d'inventeurs, de soucis financiers.
Cette aisance lui permet de réaliser ses
prototypes sans faire appel à des créanciers
et donc de ne dépendre que de lui-même.
L'aventure de Santos-Dumont commence avec les
ballons. Après quelques ascensions, il
conçoit son premier aérostat qu'il
fait construire par MM. Lachambre et Machuron
; initiateurs de l'expédition Andrée.
"Simples et légers ", est le
principe de base de Santos, inhérent à
son propre poids (50 kg), qui lui permet de faire
du "Brasil", son premier ballon, le
plus léger jamais réalisé
jusqu'alors. Mais, très vite, Santos s'oriente
vers le dirigeable.
Des
engins simples et légers
La voie est semée d'épisodes
surprenants. Santos n'hésite pas à
utiliser des échasses pour prendre ses
repas sur la table et la chaise suspendues au
plafond de son appartement de la rue du Colisée,
pour s'habituer! De peur de faire s'écrouler
le plafond, il revient à une méthode
moins dangereuse : une table de 3 m de haut à
laquelle son valet de chambre a bien du mal à
accéder! Fantaisiste jusqu'au bout, il
suspend son tricycle à moteur de Dion Bouton
à un arbre du Bois de Boulogne pour montrer
qu'il ne se produit pas de vibrations et qu'il
a donc raison d'en envisager l'usage pour son
prochain dirigeable !
Ses essais retentissants le font connaître
du tout Paris. Une célébrité
renforcée par ses bonnes manières
et son allure de dandy qui en font bientôt
une figure de la société parisienne.
Malgré sa vie mondaine, on ne lui connaît
pas d'aventures féminines : à croire
que l'air est son seul amour !
Santos relève
le défi...
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En octobre
1898, Santos-Dumont devient un membre actif
de l'Aéro-Club de France tout récemment
créé. D'ailleurs, Santos utilise
pour les essais de son dirigeable N°3
un hangar construit sur le parc de l'AéCF
à St-Cloud qu'il baptise bientôt
"aérodrome".
Quand Henri Deutsch de La Meurthe offre,
en 1900, un prix de 100 000 F au premier
dirigeable ou engin volant qui, entre mai
1900 et mai 1904, effectuera le trajet St-Cloud
Tour Eiffel en une demi heure, Santos est
sur les rangs. Audacieux, il propose même
de créer un prix à son nom
récompensant celui qui réussira
la performance avant octobre 1901, mais
sans impératif de temps. Le défi
donne lieu à de multiples péripéties.
Le 13 juillet 1901, alors qu'il rentre sur
St-Cloud après avoir contourné
la Tour Eiffel, le N°5 de Santos s'empale
sur un marronnier du Parc de Rothschild
!
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Une ancienne princesse impériale du Brésil,
voisine du lieu de l'incident envoie un valet demander
à l'aviateur de descendre de son arbre pour
venir lui conter ses mésaventures. Pas démonté,
Santos se rend à l'invitation après,
bien sûr, avoir replacé sa cravate
et son canotier ! Dandysme oblige !
Deux semaines plus tard, Santos ne peut empêcher
l'aérostat à moitié dégonflé
de venir percuter l'hôtel du Trocadéro,
et se retrouve accroché par sa ceinture à
25 m de haut! Sauvé par les pompiers, il
rentre chez lui, prend un bain, commande sans plus
attendre le dirigeable N°6 et s'en va dîner
chez "Maxim's", ovationné par le
public !
Enfin, le 19 octobre 1901, Santos remporte le Prix
Deutsch de La Meurthe, mais non sans mal. Le parcours
est parsemé d'incidents parfois dramatiques,
sous les yeux des Parisiens, le "petit Santos"
s'aventure sur les minces poutrelles de son N°6,
pratiquement dans le vide, pour vérifier
son moteur tandis que le ballonnet faiblit...
Aéronaute
dans l'âme...
La "Balladeuse" ou
N°9, l'un des derniers dirigeables de Santos,
reste sans nul doute celui lui ayant apporté
le plus de satisfaction. Vêtu à la
dernière mode ; costume ajusté avec
faux col, écharpe rouge et chapeau melon,
Santos utilise l'aérostat pour aller prendre
un apéritif au Bois de Boulogne, ou un
café à son hôtel, rue Washington!
Il regrette même d'avoir à demander
l'aide de deux domestiques pour descendre, puisque,
"avec l'autorisation de la municipalité"
dit il, "rien ne serait plus facile que de
construire une plate forme d'atterrissage ornementale
au niveau de la fenêtre !
Ces fantaisies plaisent à Santos qui, après
avoir provoqué des attroupements, s'éloigne
sur sa "Balladeuse" dans une joyeuse
pétarade !
Puis, en novembre 1903, surviennent les Frères
Wright et leurs planeurs motorisés.
Longtemps contestés, ces vols ne lancent
pas moins l'idée nouvelle des "plus
lourds que l'air". Mais, malgré les
essais des Français Ferber, Archdeacon,
Blériot et autres Farman, Santos-Dumont
n'adhère à l'idée que très
tardivement. En 1905 encore, il publie un article
prédisant que le dirigeable constituera
l'avenir de l'Aviation, qu'il s'agisse de croiseurs
aériens à 30 moteurs ou de yachts
aériens pour passagers.
Mais, une fois la conversion amorcée, Santos
progresse rapidement. Il élabore un nouveau
modèle d'aéroplane ; un "canard".
Là encore, la fantaisie est au rendez vous
! Ainsi, pour tester la stabilité de son
appareil, Santos le fait glisser sur un câble
remorqué par un âne! Puis, aéronaute
dans l'âme, il le suspend à son N°14,
aboutissant à une sorte de monstre hybride
dont le pilotage est plutôt acrobatique.
Et, même débarrassé de son
ballon pour devenir le "14 bis" historique,
le prototype reste un appareil dangereux que,
probablement, seul Santos peut piloter!
Néanmoins, c'est avec ce même "14
bis" que Santos remporte, 1e 12 novembre
1906, le Prix Deutsch Archdeacon, grâce
à un vol de 220 m contrôlé
par l'AéCF.
En 1907, Santos crée la "Demoiselle"
ou N°19, certainement le plus réussi
et le plus célèbre de l'époque.
Anti thèse du "14 bis", l'appareil,
alliant simplicité et légèreté
applique les principes chers à Santos depuis
ses débuts. Au premier rang de ses préférences,
la Demoiselle est aussi une de ses dernières
créations.
Un dandy
très à la mode
Ayant pour but, non pas le profit, mais le progrès
technique, générateur, selon lui,
du bonheur, Santos a beaucoup dépensé.
Ajouté à sa générosité
(il a, par exemple, distribué à
son personnel le montant du Prix Deutsch), sa
coûteuse passion fini par rendre sa situation
nettement moins florissante. Malade depuis longtemps,
il se retire au Brésil. Il laisse le souvenir
d'un inventeur génial qui a surmonté
tous les échecs pour poursuivre le rêve
d'Icare que chaque homme porte en lui.
Le 3 décembre 1928.
Santos-Dumont acclamé par la foule brésilienne
à son arrivée à Rio de Janeiro.
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Chronologie
d'un
pionn
ier
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1873
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20 juillet,
naissance d'Alberto à Cabangu (Minas Gerais),
aujourd'hui rebaptisé " Santos-Dumont
"
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1892
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Il vient s'installer à Paris
pour y faire ses études.
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1897
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Santos lit "Andrée au pôle
Nord en ballon" de Lachambre et Machuron qui
transcende son intérêt pour les ballons.
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1898
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23 mars,
il effectue son baptême de l'air avec Machuron
comme pilote.
4 juillet,
vol du "Brasil",
premier ballon de Santos-Dumont.
20 septembre,
vol du
dirigeable n° 1.
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1899
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11 mai,
vol du n° 2, projeté sur des arbres par
un vent violent.
13 novembre,
vol du n°
3.
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1900
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19 septembre,
vol du n° 4 devant les congressistes de
l'Aéro-Club de France. Santos obtient le Prix
de l'Encouragement d' AéCF.
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1901
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12 juillet,
vol
du n° 5 de Longchamp vers Puteaux, avec atterrissage
forcé dans les jardins du Trocadéro.
19 octobre,
vol du n°
6.
4 novembre,
Santos reçoit
le Prix Deutsch de La Meurthe.
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1902
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23 janvier
rencontre avec l'Impératrice Eugénie
à Monaco.
13 février,
le
n° 6 fait naufrage au large de Monaco.
décembre,
vol
du n° 7.
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1903
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janvier,
Santos projette de construire le dirigeable n°10
; un omnibus pouvant transporter 12 passagers.
14 juillet,
vol du n°
9, la "Balladeuse", dirigeable préféré
de Santos.
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1904
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Santos publie "Dans l'Air"
17 juin,
arrivée
du n° 7 à New-York pour l'Exposition Internationale
de Saint-Louis.
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1905
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août,
essai du n° 14 et tentative de construction d'un
hélicoptère abandonné le 23 juillet
1906.
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1906
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juillet,
essais du " 14 bis "
13 septembre,
Santos
parcours 10 m avec le " 14 bis "
23 octobre,
il remporte
la Coupe Archdeacon en parcourant 60 m.
12 novembre,
il réalise
les premiers records homologués dont un vol
de 220 m
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1907
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22 mars,
essais du n° 15 et fabrication d'un hydroplane
à glisseur.
18 juin,
vol du n°
16.
16 novembre,
essais du
n° 19, la "Demoiselle"
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1910
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Santos décide d'arrêter
de voler.
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1910
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Rencontre avec Latham.
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1918
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Santos publie "O Que Eu Vi, O Que
Nós Veremos" (ce que j'ai vu, ce que nous
verrons). Livre dans equel il relate, entre autre,
ses vols avec le "14 bis".
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1922
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Santos, accompagné de Kapferer,
visite les ateliers Astra.
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1924
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Inauguration au Bois de Boulogne d'une
stèle, en souvenir du premier vol régulièrement
contrôlé.
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1926
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Il lance un appel à la S.D.N.
pour limiter l'emploi des engins aériens comme
armement.
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1928
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Santos assiste à la célébration,
à l'Aéro-Club de France, du vingtième
anniversaire du kilomètre bouclé.
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1929
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Catastrophe d'un hydravion, venu l'accueillir
en baie de Rio, lors de son retour au Brésil.
( 14 victimes )
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1932
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23 juillet,
très
malade, Santos-Dumont se suicide.
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Les fruits
de sa passion
Le
"Brasil"
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Créé
en 1898, ce ballon reste un des plus petits jamais
réalisés au monde. Avec un diamètre
de 6m, la sphère possède un volume
et une surface égaux en chiffres : 113m2
et 113m3. Construite en soie du Japon, l'enveloppe
ne pèse que 3,5kg et 14kg après le
vernissage à 3 couches. Le filet en coton
pèse lui 1800g ! La nacelle petite, mais
suffisamment spacieuse, pèse 6kg. Un guiderope
de 8kg et un grappin de 3kg complètent l'équipement
de ce petit ballon dont le poids total atteint 27,5kg,
sans ses engins d'arrêt. En raison du poids
réduit de Santos (50kg), le 44 "Brasil",
gonflé à l'hydrogène, peut
emporter 30kg de lest. L'inauguration a eu lieu
le 4 juillet 1898, au jardin d'Acclimatation. L'ascension
se prolonge pendant cinq heures ; une jolie durée
pour un si petit ballon.
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Le
"N°1"
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Conçu en 1898,
ce premier dirigeable possède de très
petites dimensions, mais il comporte bon nombre
de dispositifs nouveaux. L'enveloppe du ballon,
cylindro conique, en soie du Japon, est longue de
25m, avec un diamètre de 3,50m, pour un volume
de 180m3. Pour la première fois, Santos adopte
pour un dirigeable le système des "ralingues"
; ourlets cousus sur l'enveloppe permettant de maintenir
les suspentes. Santos adapte un moteur de tricycle
Dion Bouton à refroidissement par air, en
ajoutant verticalement, un cylindre au dessus du
cylindre normal. La puissance atteint 1ch et demi
et le poids 30kg. Autre innovation, Santos équipe
son dirigeable d'une hélice entièrement
métallique qui tourne à 1200 tours/minute.
Malheureusement, le 18 septembre 1898, le N°1
se jette sur des arbres.
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Le
"N°6"
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Après la destruction
du N°5 survenue le 8 août 1901, Santos
commande le N°6 qui est prêt en 22 jours.
Perfectionnement du précédent, il
possède une enveloppe ellipsoïde symétrique,
mesure 33m de long, pour un diamètre de 6m
et un volume de 622m3. L'enveloppe pèse 120kg.
Le moteur quant à lui pèse 98kg. ses
4 cylindres sont refroidis par ailettes, mais les
culasses à circulation d'eau nécéssitent
un radiateur. La puissance atteint 20ch. Santos
innove en installant un lest liquide de 45 litres
d'eau dans deux réservoirs en cuivre. Par
ailleurs, l'hélice est démultipliée
de dix à un.
Les premiers essais ont lieu le 6 septembre, et
le 19 octobre 1901, Santos remporte le Prix Deutsch
de La Meurthe. Il effectue en effet le trajet St-Cloud
-Tour Eiffel - St-Cloud en 29 minutes et 30 secondes.
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Le
"N°9"
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En 1903, Santos crée
le plus petit et le plus aimé de ses dirigeables,
surnommé la "Balladeuse". L'enveloppe
de forme ovoïde, longue de 15,12m donne à
l'appareil un aspect sympathique. Le volume atteint
215m3. La poutre armée, d'une longueur de
7,80m, reçoit la nacelle d'osier, le moteur
et se termine par une hélice. A l'arrière,
Santos dispose un long et puissant gouvernail. Le
moteur Clément à 2 cylindres donne
une puissance de 3ch, avec un poids de 12kg. Au
volant de fonte, se substitue une simple roue de
bicyclette. Par ailleurs, le N°9 est nettement
dissymétrique ce qui lui assure une bonne
stabilité et lui permet de parfaitement obéir
au gouvernail. Véritable ballon de promenade,
l'aéronaute l'utilise pour aller prendre
un café ! Très maniable, le dirigeable
se pose avec une aisance déconcertante.
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Le
"N°14 bis"
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Converti à l'aviation, Santos conçoit
un aéroplane très original : un long
fuselage dont l'arrière contient la nacelle
du N° 14 et se termine par un moteur Antoinette,
8 cylindres en V de 24ch. La voilure biplane et
cellulaire est fixée entre le fuselage et
la nacelle. La double courbure constitue la particularité
de cette voilure
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les nervures comportent un entoilage par dessus
et par dessous. Long de l0m et d'une envergure de
12m, cet aéroplane est du type "canard"
; c'est à dire à gouvernes antérieures
et sans queue. Accroché à l'enveloppe
du dirigeable N°14 lors des premiers essais,
il prend le nom de "14 bis". Mais, à
cause du freinage dû au ballon, Santos renonce
à ce procédé. Libéré
de son ballon et équipé d'un moteur
plus puissant (40 à 50ch), le "14 bis"
permet à Santos d'établir le premier
record homologué avec un vol de 220m, le
12 novembre.
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Le
"N°19"
ou "Demoiselle"
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Créé en 1907, le N° 19 ou "Demoiselle"
reste aujourd'hui encore le plus petit aéroplane
qui ait jamais volé. Long de 8m et d'une
envergure de 5,10m, il possède un moteur
Dutheil et Chalmers avec 2 cylindres opposés
de 20ch, pesant 22kg. Ce moteur est placé
sur les ailes et en avant, sous les ailes, un bâti
reposant sur 3 roues contient le siège du
pilote.
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De chaque côté du bâti, se trouve
une surface polygonale à charnière,
servant de gouvernail de direction. Essayé
à Bagatelle en novembre 1907, le N°19
réussit quelques vols de 200m. Amélioré,
il devient le N°20. Ensuite, les "Demoiselles"
successives ne portent plus de numéro d'ordre.
Le N° 19, premier aéroplane à
avoir été fabriqué en série
(par Clémént Bayard) constitue également
la dernière création du génie
brésilien.
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