Ses grands projets et son heure de gloire
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Le travail de Cugnot reste centre sur le domaine militaire. Ses observations sur l'
artillerie lourde
, le
transport
et la
fortification
lui inspirent quelques idees d'
inventions
nouvelles. Ainsi, il met au point un
fusil
special utilise par les
militaires
a cheval. Cependant, ayant d'autres perspectives, concernant entre autres les
machines a vapeur
, il se retire de l'
armee
en
1763
, pour se consacrer a ses propres recherches.
Apres un bref sejour a
Bruxelles
, Cugnot rentre a
Paris
et publie en
1766
Elements de l'art militaire ancien et moderne
et, en
1769
,
Fortification de campagne theorique et pratique
, ouvrage qui rencontrera un certain succes et grace auquel il se fait connaitre dans les milieux militaires. Son concept de
vehicule
a vapeur, jusqu'alors jamais envisage, est pris au serieux. La technologie toute nouvelle de la machine a vapeur (voir
Denis Papin
et
James Watt
) est alors un domaine de recherche de pointe.
Le
duc de Choiseul
, alors
secretaire d'Etat de la Guerre
, tente au meme moment de developper l'
artillerie
?:
Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval
, l'ingenieur militaire delegue a ces missions, donne sa chance a Cugnot et a son fardier
[
4
]
,
[
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]
. Tres interesse, Choiseul soutient la construction d'un premier
prototype
, ≪?aux frais du
roi
?≫, en
1769
, surnomme le "cabriot". Les essais sont menes en octobre.
Ceux-ci sont concluants, malgre quelques problemes techniques. La construction d'un second prototype en vraie grandeur est alors ordonnee par Gribeauval. C'est un grand tournant dans la carriere de Cugnot?: le cout exorbitant du projet et les fortes reserves emises par les ingenieurs quant a sa ≪?faisabilite?≫ n'ont pas suffi a invalider le programme.
La suite de la vie de Cugnot est semee de deconvenues. Le vehicule ≪?grandeur nature?≫ etant pret en
1770
[
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]
, ses premiers essais ont lieu en novembre
1770
a
Vanves
. Un premier accident survient?: on ne parvient pas a freiner le fardier qui defonce un mur en briques.
Une fois l'engin repare, en juin
1771
, Cugnot perd deux de ses precieux soutiens,
Choiseul
et
Gribeauval
?: le premier a quitte ses fonctions un an plus tot, le second est egalement tombe en disgrace. Les essais ne peuvent se poursuivre. Le prototype est entrepose a l'
Arsenal
ou il tombe dans l'oubli.
A partir de ce moment, on n'entend plus parler de Cugnot dans le domaine
militaire
. Il continue cependant ses recherches seul?: il publie en
1778
Theories de la
Fortification
. A partir de
1779
, il touche une pension de 660
livres
par an, eu egard a l'interet de ses inventions. Dix ans plus tard eclate la
Revolution francaise
a
Paris
?: il perd ses revenus et s'installe en
Belgique
. En
1800
, a son retour a
Paris
, une maigre rente du
Consulat
lui est attribuee, grace a laquelle il peut finir sa vie sans souci financier. Cugnot meurt en octobre
1804
a
Paris
, sans descendance.
C'est donc essentiellement le prototype connu comme le ≪?fardier de Cugnot?≫ qui a immortalise le nom de son createur. Selon certains de ses contemporains, comme
Gribeauval
, deux fardiers ont ete construits officiellement, le premier etant un
modele reduit
.
C'est sans doute lors de son service dans l'
armee
que Cugnot elabore son projet de fardier a vapeur. L'observation des enormes
caissons
a
traction hippomobile
servant au deplacement des
pieces d'artillerie
, la lourde intendance necessaire a l'entretien des animaux, source de retard et de lenteur, suggere sans doute a Cugnot une solution visant a remplacer la traction hippomobile. Ce probleme avait deja ete envisage par son predecesseur
Denis Papin
, qui a construit un
bateau a vapeur
des
1707
, ainsi que par
Thomas Newcomen
, createur de la premiere
machine a vapeur
proprement dite. Neanmoins, ces inventions ont du influencer Cugnot.
Les dimensions du
vehicule
sont importantes?: 7,25?
m
de long et 2,19?
m
de large. Les roues arriere font 1,23?
m
de diametre. Il ne pese pas moins de 2,8?tonnes a vide et environ 8?tonnes en charge?: ancetre, outre de l'automobile, des chars d'assaut modernes, le fardier est avant tout concu pour le transport des
canons
. La celebre ≪?
marmite
?≫, cuve a eau du systeme de propulsion, mesure pres de 1,50?
m
de diametre. La realisation d'un tel projet necessite des fonds considerables?: il coute environ
20?000
?livres de l'epoque, comparables a 200?000
euros
de 2014
[
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]
. L'armee ne regarde donc pas sur les moyens?: ce nouveau systeme de transport d'armes lourdes suscite un interet indeniable.
C'est grace au soutien financier de
Gribeauval
et de
Choiseul
que le second fardier est construit apres les essais du premier en
1769
?: il est alors fait appel a Denis Brezin
[
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]
des
pour le lancement du ≪?chantier?≫?; les
pompes
(
cylindres
et
pistons
) sont fabriquees a l'
Arsenal
de
Strasbourg
. Rien n'est refuse au bon deroulement de ce projet d'avant-garde. Le ≪?
chariot
a feu?≫, apres sa reparation (cf. accident de
1770
), est pret en juin
1771
.
Le vehicule se compose de deux parties principales?: le
moteur
(foyer et
chaudiere
), c'est-a-dire la marmite situee a l'avant, enorme recipient sous pression, en
cuivre
, et le
chassis
, constitue de deux
poutres
longitudinales reliees par des
traverses
en
bois
, structure ou doivent prendre place le conducteur et le chargement. La charge repose essentiellement sur les deux grandes
roues
arriere.
S'agissant de la partie avant, tractrice, les idees de Cugnot sont deja innovatrices?: le ≪?moteur?≫ est constitue d'une
machine a vapeur
a deux
cylindres
verticaux, les
pistons
entrainant une unique
roue motrice
. La marmite alimente la
machine a vapeur
grace a un systeme de
transmission
de
vapeur d'eau
sous pression. La
machine
entrainant la
roue motrice
par pistons est le prototype simplifie des locomotives a vapeur du siecle suivant.
L'appellation ≪?fardier?≫ designe ce type de
chariots
destines au transport des charges tres lourdes (fardeaux).
Dans l'histoire humaine, le ≪?chariot a feu?≫ de Cugnot est le premier veritable prototype de vehicule automobile capable de transporter son conducteur et une charge. C'est aussi la premiere machine a vapeur a rotation.
Le fardier utilise un moteur derive de la machine de Thomas Newcomen pour faire tourner une
roue motrice
unique a l'aide de deux pistons transmettant l'energie fournie par une chaudiere a vapeur. La ≪?marmite?≫ contient une reserve d'eau portee a ebullition par un foyer a bois et la vapeur se transmet via un tuyau a deux pistons entrainant la roue dans un mouvement circulaire (machine dite ≪?atmospherique?≫ de type Newcomen). Le
vehicule
dispose de quatre commandes?: le
frein
, les poignees de direction (sorte de
volant
) qui agissent sur la
roue motrice
, une tringle reliee au robinet de
vapeur
et faisant office d'accelerateur, et deux
cliquets
inversant le mouvement a double effet des pistons pour engager la marche arriere.
Demeure a l'etat de prototype, le fardier souffre de graves defauts de jeunesse. Tout d'abord la mise en œuvre est tres longue?: l'
eau
doit atteindre la temperature voulue?; puis le
combustible
se consume tres rapidement. Les pauses pour recharger le
moteur
sont donc frequentes?: toutes les douze minutes environ. Le fardier, lorsqu'il est en cote, ne developpe pas assez de puissance, du fait de la faible pression de la vapeur. Cugnot n'a pas resolu le probleme du
freinage
, ce qui peut etre fatal en descente?: la simple
pedale
qui sert de
frein
est pratiquement inoperante dans ce cas. Enfin, la
vitesse
maximale, bien que constituant un succes technologique remarquable, reste neanmoins faible (entre 3,5 et
4
km/h
) et permet tout juste de suivre une
armee
a pied. En depit de son utilite certaine dans le transport de charges lourdes, le fardier de
1771
n'est donc pas, en l'etat, capable de remplacer efficacement les chevaux.
Le fardier, apres Cugnot et de nos jours
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Trente ans apres la fin des essais du fardier, un
commissaire general
de l'
artillerie
, nomme Roland, signale l'existence de l'engin, toujours entrepose a l'
Arsenal
, et propose de nouveaux essais a
Bonaparte
. Mais ce dernier, occupe a preparer la
campagne d'Egypte
, refuse. Pour gagner de la place, on le transfere alors dans l'
abbaye de Saint-Martin-des-Champs
, qui fait aujourd'hui partie du
Musee des arts et metiers
, ou il est toujours conserve.
Cet exemplaire unique du premier vehicule automobile de l'histoire est parvenu jusqu'a nous dans un etat de conservation remarquable.
Deux cent quarante et un ans plus tard
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En 2010, un "fardier de Cugnot" est reconstruit a l'identique par les etudiants de l'ecole des
Arts et Metiers ParisTech
et la commune de
Void-Vacon
en
Meuse
. Il est en parfait etat de marche, ce qui montre la validite du concept et la veracite des essais effectues en 1769
[
9
]
. Cet exemplaire fut expose pour l'occasion en 2010 au
salon de l'automobile de Paris
[
10
]
. Il est visible dans le village natal de Cugnot a
Void-Vacon
(Lorraine - Meuse) et sur le site de l'association
Le fardier de Cugnot
[
11
]
-
La replique du fardier a Bar-le-Duc en juillet 2015
-
Replique du Fardier en 2011 (Retromobile).
-
Replique du Tampa Bay Automobile Museum.
Aux Etats-Unis, une replique du fardier est exposee au
Tampa Bay Automobile Museum
.
En 2020, La Poste emet
un timbre
au tarif urgent consacre au fardier de Cugnot a l'occasion des 250 ans de sa creation.