Il est le fils de
Nicolas Perrenot de Granvelle
(1486-1550), proche conseiller de l'
empereur
Charles Quint
, puis
garde des Sceaux
du
Saint-Empire romain germanique
[
4
]
, et de
Nicole Bonvalot
, fille de Jacques Bonvalot, seigneur de Champagney, gouverneur de la ville de Besancon, chevalier de l'Eperon d'or, et de Marguerite Merceret.
Enfant, Antoine de Granvelle a comme precepteur le
philologue
Hugues Babet
[
5
]
. Il etudie ensuite le
droit
a l'
universite de Padoue
, puis la
theologie
a l'
universite de Louvain
.
Carriere dans l'Eglise (1529-1560)
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Chanoine et protonotaire apostolique de
Besancon
en 1529, alors qu'il n'a que 12?ans, il devient archidiacre de
Gray
en 1531, a l'age de 14?ans, puis doyen d'
Arbois
, l'annee suivante. Il est nomme en 1534 premier secretaire de l'empereur et en 1535, prevot d'
Utrecht
, abbe de
Balerne
en 1537 et coadjuteur du
prieure de Mouthier-Haute-Pierre
en 1538 avant de devenir
chanoine
a
Gand
.
Au mois de
, age seulement de vingt-trois ans, il est nomme
eveque d’Arras
grace a une dispense. Il est fait chanoine de la
cathedrale Notre-Dame-et-Saint-Lambert de Liege
le
. En qualite d'eveque d'Arras, il participe au
Concile de Trente
, ou il s'exprime le
[
6
]
.
Carriere politique sous Charles Quint (1547-1555)
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Grace a l'influence de son pere, il se vit confier plusieurs missions politiques, qui lui permirent de developper des competences
diplomatiques
, tout en le familiarisant avec les grands courants de la politique europeenne.
Il prend part aux negociations de paix qui suivirent la defaite des princes protestants de la
Ligue de Smalkalde
(
bataille de Muehlberg
en 1547).
En 1550, il succeda a son pere en tant que secretaire d'Etat?; a ce poste, il conseilla Charles Quint au cours de la guerre contre
Maurice de Saxe
, il l'accompagna lors de la fuite d'
Innsbruck
, et il reussit a obtenir la
paix de Passau
(
).
L'annee suivante, il arrangea les details du mariage de
Marie I
e
d'Angleterre
et de
Philippe II d'Espagne
, a qui il offrit ses services en 1555, l'annee de l'abdication de l'empereur.
Carriere sous Philippe II aux Pays-Bas (1556-1564)
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Conseiller de Philippe II (1557-1559)
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A la fin de la
onzieme guerre d'Italie
, apres la
victoire de Saint-Quentin
(1557), Philippe II fait de Granvelle un des emissaires charges de negocier avec la France les
traites du Cateau-Cambresis
, signes en avril 1559.
Principal conseiller de la gouvernante Marguerite de Parme
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Lorsque, quelques mois plus tard, Philippe quitte les Pays-Bas, ou il ne reviendra jamais, Granvelle est nomme principal conseiller de la ≪?gouvernante et regente?≫ (
gouverneur general
)
Marguerite de Parme
, demi-sœur du roi, qui remplace
Emmanuel-Philibert de Savoie
. Granvelle est assiste par deux fideles de Philippe II,
Viglius van Aytta
et
Charles de Berlaymont
, tous deux neerlandais (de
Frise
et du
Hainaut
, respectivement).
Ils sont notamment charges d'appliquer et de faire appliquer la politique religieuse de Philippe II, radicalement hostile au protestantisme. Ils vont de ce fait se heurter, dans le cadre du Conseil d'Etat a trois nobles de haut rang qui ont servi dans les armees de Charles puis de Philippe, mais qui, bien que catholiques, sont tolerants en matiere religieuse?: le prince
Guillaume d'Orange
et les comtes
Lamoral d'Egmont
et
Philippe de Montmorency
[
7
]
, comte de Hornes, qui tous trois veulent aussi preserver les libertes provinciales et urbaines, mises a mal par la politique de centralisation menee depuis les annees 1520.
Cardinal et archeveque de Malines (1561)
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Une etape importante de cette centralisation est la
reforme des dioceses
, instituee par la bulle
Super Universas
(1559)?: aux six dioceses traditionnels (suffragants de
Cologne
ou de
Reims
) sont substitues dix-huit dioceses correspondant plus ou moins aux
dix-sept provinces
, dont trois
archidioceses
?:
Malines
(
siege primatial
),
Cambrai
et
Utrecht
. Cette reforme, bien que favorable a l'idee d'un Etat neerlandais specifique, n'est pas tres bien vue, parce qu'elle signifie un renforcement du controle de l'orthodoxie religieuse (chaque diocese etant dote d'un
tribunal d'inquisition
).
Granvelle profite personnellement de cette reforme, puisqu'il devient
archeveque de Malines
le
[
8
]
?; vers la meme epoque
[
9
]
, il est fait
cardinal
(avec le
titre cardinalice
de
San Silvestro in Capite
).
Les tensions politiques et la chute de Granvelle (1562-1564)
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Les annees 1562-1563 sont marquees par l'aggravation des tensions au sein du Conseil d'Etat, ou les trois Neerlandais d'opposition finissent par menacer de demissionner, ce qui amenerait certainement des troubles dans le pays. Ils beneficient d'un certain soutien de la gouvernante qui se rend compte que la repression a outrance du protestantisme (comme en Espagne) n'est pas la meilleure solution aux Pays-Bas.
En
, Philippe II fait une concession importante?: Granvelle est revoque de ses fonctions politiques aux Pays-Bas et doit se retirer dans son pays d'origine, le
comte de Bourgogne
. Il conserve malgre cela la fonction d'archeveque de Malines.
Les six annees qui suivent sont paisibles, marquees seulement par une visite personnelle qu'il fait a
Rome
en 1565.
Il impose a son frere
Charles
,
abbe commendataire
de l'
abbaye Notre-Dame de Faverney
(actuelle
Haute-Saone
), les decisions du
concile de Trente
visant a une amelioration du fonctionnement de l'
Eglise catholique
, l'obligeant a resider effectivement dans son abbaye et repondant negativement aux demandes qu'il lui adresse a
Baudoncourt
, les 29 et
, pour resigner son titre abbatial au profit de leur neveu Antoine d'Achey
[
10
]
.
Retour au service de Philippe II
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En 1570, Granvelle est charge d'une mission diplomatique a Rome?: negocier une alliance entre les
Etats pontificaux
, la
republique de Venise
et la couronne d'
Espagne
contre l'
Empire ottoman
, alliance conclue le
et dont le resultat est la victoire navale de
Lepante
(octobre 1571).
La meme annee, il est nomme
vice-roi de Naples
, poste difficile et dangereux, qu'il occupe pendant cinq ans avec habilete.
Philippe II le rappelle en 1575 a
Madrid
, pour qu'il preside le conseil des affaires d'
Italie
.
En 1580, il conduit les negociations en vue de l'union des couronnes d'
Espagne
et de
Portugal
, et en 1584, celles du mariage de l'
infante
Catherine avec
Charles-Emmanuel
I
er
de Savoie
, un echec pour la France.
Ces succes lui valent d'etre nomme
archeveque de Besancon
en novembre 1584. Mais, frappe de
paralysie
, il ne peut pas etre intronise.
Il meurt a
Madrid
le
.
Son corps est transporte a
Besancon
et inhume, comme celui de son pere
Nicolas Perrenot de Granvelle
, dans le caveau de la chapelle familiale de l'eglise des Carmes, voisine du
palais Granvelle
.
Granvelle fit construire apres 1551 un palais a Bruxelles, le
palais Granvelle
, premier exemple de la
Renaissance romaine
dans les anciens Pays-Bas. On y percoit notamment l'influence du
palais Farnese
[
12
]
.
Granvelle avait une collection d'art celebre, qui a en partie comporte les artistes preferes des Habsbourg, tels que
Titien
et
Leone Leoni
, mais aussi un certain nombre de travaux de
Pieter Brueghel l'Ancien
, ainsi qu'une collection significative heritee de son pere.
L'ami de Brueghel, le sculpteur
Jacques Jonghelinck
(le frere du plus grand mecene de Brueghel) avait un studio au
palais de Granvelle
a Bruxelles.
Tandis qu'aux Pays Bas, il rencontra le peintre
Antonio Moro
et le presenta a la cour de Madrid, il sponsorisa egalement le sculpteur
Giambologna
et se chargea de sa premiere visite en Italie.
A sa mort, sa collection fut heritee par son neveu, sur qui
Rodolphe II de Habsbourg
, l'
empereur autrichien
tres thesauriseur, fit pression pour lui vendre les plus belles pieces, ce qu'il fit en 1597 contre sa volonte, protestant que le prix offert pour trente-trois œuvres n'etait pas assez meme pour six, et moins que ce lui avait recemment propose le cardinal
Farnese
pour
Le martyre des dix mille
d'
Albrecht Durer
. Les negociations furent menees par
Hans von Aachen
.
La plupart de ces tableaux sont maintenant a
Vienne
ou a
Madrid
, y compris la
Venus avec un organe-joueur d'orgue
de Titien, la copie de la statue equestre de
Marc Aurele
de Giambologna, des tapisseries de
Jerome Bosch
et un buste de
Charles Quint
par Leoni
[
13
]
. Le tableau de
Bronzino
,
Deploration sur le Christ mort
, offert par
Cosme de Medicis
a Granvelle, expose jusqu'a la Revolution dans la chapelle funeraire des Granvelle aux Carmes de Besancon, est, depuis son ouverture, au
musee des Beaux-Arts de Besancon
[
14
]
.
Bien que Granvelle ait ete peint par Titien, par Willem Key, ou par
Antonio Moro
, il y a plus celebre que n'importe quel portrait de Granvelle lui-meme?: le portrait de son
nain et de son mastiff
par Antonio Moro, qui a peut-etre lance la tradition espagnole des portraits des nains de cour.
Granvelle eut pour secretaire, pour un temps a Rome, l'humaniste flamand
Juste Lipse
. Il a egalement correspondu avec les compositeurs
Roland de Lassus
et
Adrien Willaert
[
15
]
.
Il avait une bibliotheque magnifique, dont certains ouvrages sont encore a
Besancon
, ainsi que ses papiers d'Etat. Protecteur de l'imprimeur francais d'
Anvers
Christophe Plantin
, il lui assura le monopole de la publication des ouvrages de piete pour l'Espagne. Il lui fit aussi publier des ouvrages d'erudition, en particulier des editions d'auteurs antiques menees a bien par son protege romain
Fulvio Orsini
. Grace a lui, Plantin publia des textes rares et des
editiones principes
.