Il aura fallu douze ans. Douze ans pour que l’affaire fleuve du Comite central des activites sociales (CCAS) des industries electriques et gazieres, dont la gestion a ete deux fois epinglee par la Cour des comptes, se retrouve enfin devant la justice.

De graves accusations

Depuis le 2 juin et jusqu’au 24 juin, seize personnes physiques ou morales, dont d’anciens dirigeants de la CCAS, mais aussi le syndicat CGT, sa federation mines energie, une association de formation (l’Iforep), ainsi qu’une publication de la CGT (la Nouvelle Vie Ouvriere ) de meme que le quotidien communiste L’Humanite , comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris.

Gere par la CGT depuis sa creation en 1946, le plus gros comite d’entreprise de France, alimente, chose atypique, par le produit de 1 % des ventes de gaz et d’electricite, aurait, selon l’accusation, finance des prestations liees a la Fete de l’Humanite ainsi que des emplois fictifs au benefice de la CGT ou de publications liees a la CGT et au PCF.

Une instruction longue a aboutir

L’affaire commence en avril 2002 quand un nouveau venu, cegetiste mais pas communiste, Jean-Claude Laroche, est nomme a la tete de ce mega comite d’entreprise, qui gere aujourd’hui les sejours de vacances, les assurances ou la restauration de plus de 600 000 salaries des entreprises de gaz et d’electricite sous statut, notamment EDF et GDF. Il s’etonne alors de prestations prohibitives reglees a des societes de restauration, d’extincteurs ou encore de location de voiture, de la vente d’un bien immobilier a Nice, qui double sa valeur en un jour, ou encore de la remuneration de personnes non employees a la CCAS.

Refusant de cautionner ces pratiques, il est mis a l’ecart en 2003. Mais des plaintes sont deposees en 2003 par d’autres salaries. En 2004, une instruction est ouverte. Mais ce n’est qu’en 2012, apres de nombreuses perquisitions et auditions, dont celle de l’ancien numero un de la CGT Bernard Thibault , que cette instruction aboutit.

Un dossier resserre sur les emplois fictifs et la Fete de L’Humanite

Avec un renvoi partiel des personnes soupconnees et des faits suspectes devant la justice. Faute de ≪ qualification penale ≫ note l’ordonnance de renvoi, ≪ l’histoire immobiliere n’apparait plus ≫ , precise ainsi Jerome Schmitt, secretaire national de la federation Sud Energie, partie civile comme la CFDT, la CFE-CGC, FO et la CCAS. ≪ Le dossier s’est vide de 80 % de son contenu puisqu’il n’y a plus de detournement de fonds public ni d’enrichissement personnel ≫ , se felicite au contraire Marie-Claire Cailletaud, porte-parole de la federation CGT mines-energie.

Reste cependant, dans le dossier de l’accusation, deux gros elements. ≪ L’instruction [a confirme] l’existence d’emplois fictifs ≫ , note ainsi l’ordonnance de renvoi, qui cite sept cas, dont celui d’une femme, remuneree par la CCAS, alors qu’elle avait son bureau a la CGT. Surtout, l’accusation retient le cas de l’Iforep, association de formation financee par la CCAS, dont le departement audiovisuel ≪ prenait en charge la captation et la retransmission sur grand ecran des concerts de la grande scene de la Fete de l’Humanite ≫ pour un montant de 1,2 million d’euros entre 1997 et 2005.

≪ J’espere que la justice fera la lumiere sur ces pratiques, sur lesquelles nous n’avons pas d’elements car la CGT gere seule la CCAS, qui reste en tres mauvaise situation financiere ≫ , conclut Olivier Glorian, administrateur CFE-CGC. Normalement organisees tous les trois ans, les elections a la CCAS, qui avaient donne la majorite absolue a la CGT en 2009, se tiendront en novembre.