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Confidences de… Mariam Sankara - Jeune Afrique

Confidences de… Mariam Sankara

Veuve de l’ancien chef de l’Etat burkinabe

Publie le 15 octobre 2007 Lecture : 5 minutes.

La veuve de l’ancien chef de l’Etat burkinabe etait attendue le 15 octobre a Ouagadougou ou elle n’est pas retournee depuis juin 1988. Elle ne cherche pas a rentrer definitivement. Pour l’heure, elle entend rester a Montpellier, en France, avec ses deux fils. Mais pour le vingtieme anniversaire de la mort de son mari, elle veut s’incliner sur sa tombe et temoigner. Surtout, elle veut savoir.

Jeune Afrique : Quel est le ?message que legue votre mari ?
Mariam Sankara : Thomas a su montrer a son peuple qu’il pouvait devenir digne et fier avec de la volonte, du courage, de la probite et du travail. Il a permis a son pays de rompre avec l’ordre colonial. Ce qui reste avant tout de mon mari, c’est son integrite. Je pense aussi a tout ce qu’il a fait pour l’emancipation de la femme. Et puis, je retiens cette phrase, quand il a demissionne du gouvernement Saye Zerbo : ≪ Malheur a ceux qui baillonnent leur peuple ! ≫

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A-t-il commis une erreur ?
Oui, je pense qu’il a trop fait confiance. Il croyait que toutes les personnes qui l’entouraient partageaient le meme ideal que lui ?et mettaient la revolution au-dessus de leurs propres interets.

Est-ce pour cela qu’il est mort ?
Oui. Il a fait confiance a quelqu’un.

A Compaore ?
Oui, c’est sur, puisqu’il etait son ami. Et quand les gens lui disaient que Blaise n’etait pas fiable, il disait : ≪ Non, ce que nous partageons est plus important. ≫

Pourquoi dites-vous quelquefois : ≪ Je suis l’heritiere d’un destin qui me depasse ≫ ?
Je ne savais pas quand j’ai epouse Thomas, en 1979, qu’il aurait ce destin. A l’epoque, il etait lieutenant. Il ne pouvait pas faire ouvertement de la politique. Mais quand j’ai commence a le frequenter, j’ai compris qu’il en etait passionne, qu’il voyait beaucoup de syndicalistes et d’etudiants. J’etais alors etudiante, et j’avais une tout autre idee des militaires. Pour moi, c’etait la repression. Donc j’hesitais. Mais un de mes camarades m’a dit : ≪ Ah non, celui-ci, c’est un militaire pas comme les autres ! ≫ Et, avec le temps, j’ai appris a le connaitre. J’aimais bien ses idees. D’ailleurs, quand il le pouvait, il ne portait pas son uniforme. En tout cas, pas avec moi.

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Le sankarisme est-il encore ?une force ?
C’est un modele de societe. Beaucoup de gens regrettent Sankara et se disent que, s’il etait la, les choses iraient mieux. En ce moment, il y a une montee sankariste avec des partis et des associations. D’ailleurs, cela gene le pouvoir. Il veut l’empecher par tous les moyens. A la derniere election presidentielle, en 2005, j’ai soutenu la candidature de Me Benewende Sankara [lire aussi p. 56, NDLR]. C’est mon avocat et c’est un camarade determine, malgre tous les problemes qu’on lui cree. Il est arrive deuxieme derriere Compaore. Bien sur, 5 % des voix, ce n’est pas grand-chose, mais dans le systeme du Burkina, c’est deja bien.

Quand Compaore affirme que le Burkina d’aujourd’hui est plus ≪ democratique ≫ et plus ≪ stable ≫ que celui d’il y a vingt ans (voir J.A. n° 2439), comment reagissez-vous ?
Pour moi, ce n’est que de la facade. On sait bien que la corruption, l’intimidation et l’impunite sont institutionnalisees. Et puis, Compaore use de tous les moyens pour rester au pouvoir. La democratie dans mon pays, je n’y crois pas. C’est de la ≪ democrature ≫, comme disent les gens.

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Et quand il annonce la construction d’un monument ?a la memoire de tous les anciens presidents ?
Moi, je dirais que c’est de la comedie. Il n’y a pas une volonte reelle de rehabiliter la memoire de mon epoux parce que, chaque fois qu’il y a une decision a prendre, Thomas est noye dans un groupe.

Et quand Compaore dit, a propos de l’assassinat de votre mari, que ≪ le Burkina n’est pas le seul pays a connaitre des affaires non elucidees ≫ ?
Oui, mais, le 15 octobre 1987, meme s’il dormait, comme il dit, il s’est bien reveille pour savoir ce qui s’etait passe. En fait, comme toujours, c’est une facon de mepriser tout ce qui concerne Thomas. Un jour, a la suite de la plainte contre X que j’ai deposee et qui n’a pas ete jugee recevable par les tribunaux civils, il a dit que le ministre de la Defense n’etait pas la pour s’occuper des affaires de justice. Or la loi stipule que c’est ce ministre qui peut donner l’ordre de poursuivre devant les tribunaux militaires. Donc, il sait qu’il y a quelque chose ! De toute facon, les acteurs du 15 octobre sont encore en vie, et un jour on saura. Le Comite des droits de l’homme de l’ONU a demande aux autorites burkinabe de me donner acces a la justice.

Qui a tue votre mari ?
Moi, je ne peux pas le dire, j’ai porte plainte. J’attends que l’enquete se fasse. Mais si Blaise veut se deculpabiliser, il n’a qu’a permettre l’instruction !

Pensez-vous que c’est lui qui ?a donne l’ordre ?
En tout cas, c’est lui qui a profite.

Soupconnez-vous la Cote d’Ivoire d’Houphouet-Boigny d’avoir trempe dans ce complot ?
On a parle de la Cote d’Ivoire, mais aussi de la France. C’est vrai que Thomas derangeait. Notamment Houphouet. Et je me dis que c’est bien possible. J’attends l’enquete.

Pensez-vous que ceux qui l’ont tue voulaient seulement l’arreter et n’ont tire que parce qu’il a resiste ?
Non. Ils voulaient le tuer, parce qu’ils pouvaient l’arreter a tout moment et partout, meme chez lui.

N’avait-il pas des gardes ?du corps ?
Peut-etre, mais si ceux qui l’ont tue sont arrives jusqu’a lui, cela veut dire qu’ils avaient acces partout. Ils pouvaient donc l’arreter. Et c’est pourquoi je me revolte. Je n’accepte pas sa mort.

N’est-ce pas difficile de vivre dans le souvenir de son mari ?
Certaines personnes me le reprochent, mais c’est comme si cela venait de se passer. C’est quelque chose que je vis au quotidien. Chaque jour, il y a quelque chose qui me rappelle ce qui s’est passe, et je ne l’ai pas encore accepte. Vous savez, c’est difficile. Vous quittez une personne comme ca, et puis vous n’avez jamais vu le corpsA C’est dur. Tres dur.

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