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Herbert von Karajan

Herbert von Karajan

Antonin , le 26/10/2008

Impossible que vous l’ayez rate, a moins que vous ne viviez en ermite dans la foret amazonienne, 2008 est l’annee du centenaire de Herbert von Karajan . Plutot qu’une œuvre, le mondialement celebre SG-1 (Symphozik’s Guide) vous propose de decouvrir ce chef hors norme...

I. Vie et carriere

Karajan nait a Salzbourg, ville de musique, le 5 avril 1908. Sa famille est d’origine grecque (Karajanopoulos). Tres jeune, il ecoute les lecons de piano de son frere, cache sous le piano. Jaloux de son frere, il insiste pour en prendre egalement. Mais bien que doue, il rencontre un jour un professeur qui, de l’avis de Karajan lui-meme, lui rend le plus grand service en lui conseillant de se diriger plutot vers la direction d’orchestre. C’est donc ce que fait le jeune Herbert. Il occupe des postes dans des villes de provinces, ou il commence a se faire remarquer. En 1935, il adhere au parti nazi pour pouvoir acceder a un poste de "kapellmeister" (litteralement "maitre de chapelle", mais en realite une sorte de directeur musical) a Aix-la-Chapelle. Des les annees 1938-1939, il commence a etre connu dans le monde musical allemand. Applaudi par la critique, sa rivalite avec le grand Furtwangler, qui regne a Berlin, commence.

Pour approfondir sur la periode 1933-1945, consultez notre autre dossier : Karajan et le regime nazi .

Pendant la guerre, il dirige pour le regime nazi (parfois en uniforme), notamment Richard Wagner pour Hitler, et emmene le Philharmonique de Berlin en tournee en France, d’abord au Palais Chaillot, puis dans toute la France, tournee interrompue lorsqu’une bombe lacrymogene explose dans la salle du concert, a Marseille. Ces activites lui vaudront apres la guerre d’etre interdit par la commission de denazification alliee, tout comme son collegue Furtwangler. Sans vouloir rentrer dans la polemique qui a fait couler beaucoup d’encre, il faut preciser que Karajan s’est toujours defendu d’avoir eu des activites nazies, et que son adhesion (double adhesion meme, c’est dire s’il ne prenait pas la chose au serieux) au parti nazi n’avait pour but que de lui ouvrir les portes du succes. Il precisera plus tard "Furtwangler ne m’aimait pas, et Hitler me haissait"...

Son interdiction est finalement levee par les Allies, et il rencontre le producteur britannique Walter Legge (un des plus grands producteurs de disques du XXe siecle), qui lui fait signer chez EMI et lui propose de diriger l’orchestre qu’il vient de creer, le desormais celebre Philharmonia Orchestra. Commence alors la periode dite "du Philharmonia" (he oui, c’est logique) au cours de laquelle Karajan signe ses premiers grands enregistrements, notamment une integrale des symphonies de Ludwig van Beethoven (la premiere d’une longue serie) ainsi que certains operas avec de grands noms comme Elizabeth Schwarzkopf (Karajan fera meme office d’agence matrimoniale, puisqu’il presenta cette derniere a Walter Legge, qui epousera la cantatrice).

En 1955, alors qu’il est sous contrat a la Scala de Milan, Karajan voit la chance de sa vie apparaitre. On lui propose de remplacer au pied leve Furtwangler a la tete du Philharmonique de Berlin pour une tournee aux Etats-Unis. Il demande la permission de son directeur, qui l’autorise a rejoindre Berlin en depit de son contrat, chose dont Karajan lui sera redevable toute sa vie. Toutefois le chef a les idees bien en place, et ne se prend pas pour n’importe qui. Il expose clairement ses conditions : Herbert von Karajan ne fait pas les remplacants. Il demande ni plus ni moins a etre nomme directeur a vie du prestigieux orchestre. Alors qu’on lui refuse, il fait mine de partir, et est finalement nomme chef a vie, sans meme l’accord des musiciens (qui, d’habitude, dans le cas du Philharmonique de Berlin, elisent leur chef).

Le voici donc, a 48 ans, chef a vie de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, chose qui ne s’etait jamais vue. Commence alors une periode de gloire qui s’etendra jusqu’a ce qu’il quitte l’orchestre en 1989 (nous y reviendrons). Il signe par la meme occasion avec la grande maison Deutsche Grammophon, association qui deviendra mythique a travers des centaines d’enregistrements realises pour cet editeur. En 1958, il rencontre a Saint-Tropez (ou il avait ses habitudes) une jeune mannequin francaise, Eliette Mouret, qui deviendra le 18 octobre de la meme annee Eliette von Karajan.

Au faite de sa gloire, Karajan accumule de nombreuses fonctions, en plus de la direction de sa phalange berlinoise : de 1956 a 1964, il dirige l’Opera de Vienne ; de 1969 a 1971, il est conseiller musical de l’Orchestre de Paris ; a partir de 1967, il dirige le prestigieux Festival de Salzbourg... Il dirige egalement regulierement l’Orchestre Philharmonique de Vienne, notamment au cours de celebres enregistrements par DECCA. Dans les annees 80, les relations de Karajan avec "son" orchestre de Berlin se font plus tendues. Les musiciens supportent de plus en plus mal l’hegemonie du chef qui dure depuis plus d’un quart de siecle. Suite a un violent desaccord avec l’orchestre (concernant l’introduction dans l’effectif d’une femme soutenue par Karajan, la clarinettiste Sabine Meyer, rejetee par un orchestre pour le moins misogyne), Karajan claque la porte du Berliner Philharmoniker. Il meurt peu apres, malade et affaibli depuis quelques temps deja?. Il confiera a sa complice la cantatrice Christa Ludwig : "quand je mourrai, on pourra dire que cela aura ete apres une longue et douloureuse maladie".

II. Le mythe Karajan

Il suffit de se rendre aujourd’hui chez un disquaire pour voir que l’influence de Karajan n’a pas diminue. Ses enregistrements sont partout presents, et, plus encore en cette annee de centenaire, les coffrets hommages et les reeditions fleurissent.

Pourquoi un tel engouement ? Certes, Karajan fut une sorte de produit mediatique, son image de chef "playboy" etant exploitee a fond par Deutsche Grammophon (nous y reviendrons plus tard). Mais au-dela de cela, Karajan fut un travailleur infatigable, passionne de nouvelles technologies, touche-a?-tout. Il favorisa enormement la diffusion des nouveaux supports, comme le disque et plus tard le CD. Il realisa en tout pres de 1000 enregistrements : ce chiffre seul en fait deja un chef a part. Mais il faut voir plus loin que cette image mediatique. Karajan a beaucoup ete critique : certes, tous ses enregistrements n’etaient pas des chefs-d’œuvres, mais c’etait avant tout un formidable chef symphonique et lyrique. Nombre de ses enregistrements dans certains domaines font reference. Karajan privilegiait souvent les sonorites d’ensemble, dirigeant les yeux fermes avec des gestes tres expressifs des bras (pour un apercu de l’art de direction de Karajan, voir les films realises sur lui par le grand cineaste francais Henri Georges Clouzot).

Le mythe Karajan est evidement indissociable de la longue complicite qui l’unit au Philharmonique de Berlin. La sonorite de l’orchestre, faconnee par le chef, est immediatement identifiable (avec un certain entrainement, evidemment ;) ). Les cordes notamment sont renommees pour leur purete. Karajan a ete chef principal et directeur musical de l’orchestre pendant 34 ans, une exception dont seul Michel Plasson a Toulouse (30 ans) se rapproche (citons egalement le "regne" d’Evgueni Mravinski a Leningrad, pendant pres de 50 ans). Cette complicite devint une quasi-exclusivite : alors que les chefs d’orchestre voyagent normalement d’orchestres (prestigieux) en orchestres (prestigieux), ou sont invites a diriger par d’autres orchestres (prestigieux), Karajan pour sa part ne fera que peu d’infidelites au Philharmonique de Berlin (quelques fois a Vienne, de plus en plus dans les annees 80 alors que ses rapports avec les Berlinois deviennent plus tendus), emmenant "son" orchestre aux quatre coins du monde.

Evidement, Herbert von Karajan ne plait pas a tout le monde. On peut critiquer avec raison son cote "star de rock" et tout le marketisme qui va avec. En tant que chef, il etait egalement tres maniaque, au point parfois de se facher avec ses interpretes. Christa Ludwig se souvient d’un Karajan voulant lui expliquer "comment chanter". A une autre occasion, Ludwig se plaint du tempo trop lent de Karajan qui replique : "si vous n’arrivez pas a suivre, je changerai de chanteuse" (Gundula Janowitz etait egalement presente). Mais Christa Ludwig lui tint tete : "vous n’en trouverez pas de meilleure !". Karajan dit alors a contre-cœur : "bon, je vais essayer d’aller plus vite". Le cote megalomane du chef etait bien connu de son entourage. Ainsi la cantatrice Leontine Price lui offrit un jour un T-shirt proclamant fierement "the King". Quoi qu’il en soit, Karajan appartenait certainement a cette generation de chefs d’orchestres adules, tous tout a la fois un peu tyrans et megalomanes...mais geniaux et disposant d’une aura considerable (avec Furtwangler, Mravinski, Toscanini...).

III. Complicites et enregistrements

Comme tous les grands chefs, Karajan avait des interpretes privilegies. Grand chef lyrique, il s’investit beaucoup dans l’opera. A l’epoque du Philharmonia, il enregistra beaucoup avec Elisabeth Schwarzkopf ou Maria Callas dans le repertoire lyrique, parfois aussi avec l’orchestre de la Scala de Milan. Ces enregistrements sont edites par EMI. Plus tard a Berlin, Christa Ludwig, Gundula Janowitz, Dietrich Fischer-Dieskau et d’autres encore chanterent avec lui. Karajan fut a l’origine d’importantes avancees dans le domaine lyrique. Ce fut ainsi lui qui exigea que les operas soient chantes dans leur langue originale, a une epoque ou les traductions etaient monnaie courante.

Se donnant a fond dans tous ses projets, le maestro avait pour coutume de vouloir tout regir, ce qui provoquait parfois des mesententes : direction, enregistrement, mise en scene, ses enregistrements d’opera temoignent d’une certaine obsession maniaque. Mais le resultat est au rendez vous : ses Wagner sont particulierement renommes, notamment son Ring que les critiques qualifient de "chambristes", car Karajan y evita les approches pompeuses de la musique de Wagner pour en degager toute la subtilite. Sa Walkyrie est legendaire, avec Regine Crespin que Karajan imposa dans le role de Brunhild. Karajan dut neanmoins renoncer a un projet de tetralogie filmee (d’une esthetique tres vieillie, il est vrai), dont il reste quelques extraits. On peut encore citer ses enregistrements de Giuseppe Verdi a la Scala, avec Maria Callas en role titre. Karajan enregistra egalement un formidable "Boris Godounov" a Vienne, avec Nicolai Ghiorov. Enfin, on ne peut evidement faire l’impasse sur son "Pelleas et Melisande" d’ Achille Claude Debussy , œuvre que le chef autrichien considerait comme sa preferee.

Pour la musique instrumentale, Karajan collabora egalement avec les plus grands interpretes. Pour enregistrer le "Triple concerto" de Ludwig van Beethoven , il choisit une distribution de legende, reunissant les trois "monstres" de l’ecole russe : Mstislav Rostropovitch, David Oistrakh et Sviatoslav Richter. Cet enregistrement est reste une reference. Il serait evidement fastidieux de citer tout les prestigieux interpretes avec lesquels enregistra Karajan. Citons la violoniste Anne Sophie Mutter, que Karajan a decouvert et qui deviendra sa complice privilegiee (certaines mauvaises langues diront plus encore) dans nombre d’enregistrements.

Anne Sophie Mutter avoua qu’a ses debuts, elle s’etait enormement entrainee pour jouer devant Karajan. Celui-ci l’ecouta jouer sans l’interrompre, puis dit simplement "revenez l’annee prochaine" et sortit. On imagine aisement la frustration de la jeune fille devant cette reaction, qui en aurait decouragee plus d’une. Mais elle revint l’annee suivante, et Karajan, satisfait, s’investit personnellement pour la lancer sur la scene internationale, faisant d’elle la vedette que l’on connait aujourd’hui. Le maestro soutint egalement Sabine Meyer, comme on l’a dit plus haut, pour son entree dans le Philharmonique de Berlin. Il est interessant de constater que cette clarinettiste fait aujourd’hui une carriere de soliste internationale, et est unanimement reconnue. Ces deux exemples peuvent illustrer la force de l’instinct musical de Karajan.

Si Karajan fut parfois critique dans ses enregistrements de concertos, considere comme un accompagnateur moyen (il avait tendance a prendre toute la place, fidele a lui-meme), il est l’auteur de nombre de prestigieux enregistrements de musique orchestrale. Il faut naturellement evoquer Beethoven, dont Karajan se fit une specialite. Il enregistra quatre cycles complets, et independamment, certaines symphonies pres d’une dizaine de fois ! Cet acharnement est sans doute la marque d’une certaine recherche de la perfection, mais Karajan (contrairement a une idee recue) savait rester modeste. Ainsi, il affirma a Jacques Chancel qui lui demandait s’il etait irreprochable : "Ah mon Dieu non ! Pourquoi vous pensez que j’ai fait trois fois les symphonies de Beethoven ? Plus vous faites, plus vous trouverez c’est tellement profond, vous n’avez jamais fini... et peut-etre je fais encore ! Je pense c’est vraiment la caracteristique du grand chef-d’œuvre. Il n’est jamais use" (note : retranscription exacte par votre serviteur d’une interview donnee par Karajan en francais, ce qui explique la langue un peu hesitante. Rappelons que sa femme Eliette etait francaise).

Comme on l’a dit plus haut, Karajan etait egalement un interprete privilegie de Johan Julius Christian Sibelius (voir notre dossier sur ce dernier), dont il a enregistre avec brio les symphonies et les poemes symphoniques . Tout comme d’ailleurs son collegue et "concurrent" (en termes de celebrite) Leonard Bernstein . Sibelius (qui est mort en 1957) aurait dit apres avoir entendu certaines de ses œuvres interpretees par Karajan : "voila enfin un homme qui a compris ma musique".

Ses interpretations de musique baroque sont aujourd’hui critiquees (a l’heure de l’instrument d’epoque) pour leur "romantisation" par Karajan, et ne sont plus d’actualite. A l’opposee, Karajan ne fut jamais implique dans la musique contemporaine. Il semble egalement avoir des difficultes a penetrer l’univers de son compatriote Gustav Mahler , dont il n’enregistra que trois des neuf symphonies, les 5e, 6e et 9e, enregistrements qui en ont deconcertes plus d’un, mais qui restent respectables. Par contre, le maestro excella dans la musique de Richard Strauss , dans des œuvres comme "Also sprach Zarathustra" (Ainsi parlait Zarathoustra) ou "Eine Alpensinfonie" (Une symphonie alpestre) : la purete et la puissance du "son Karajan" est ici a son apogee.

La liste de ses reussites pourrait encore s’allonger longtemps, aussi la redaction vous propose-t-elle ci-dessous ses coups de cœur parmi la discographie de Karajan (comme l’a fait recemment un grand magazine musical, mais nos choix n’etant pas les memes que ceux de ces illustres critiques, on ne pourra pas nous accuser de plagiat :P ).

IV. Selection discographique

Difficile de s’y retrouver dans la discographie de Karajan ! Pres de 1000 enregistrements audio, une centaine d’enregistrements video. Certaines œuvres on ete enregistrees plusieurs fois, avec des bonheurs inegaux, ou parfois deux enregistrements d’une meme œuvre sont interessants chacun pour ses particularites. Nous ne vous proposerons donc qu’une selection, les disques que chaque membre de la redaction a apprecies, selon ses gouts. A chacun de trouver sa voie ! (Note : sauf mentions contraires, il s’agit toujours d’enregistrements de Herbert von Karajan a la direction de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, qui est de loin l’orchestre avec lequel il a le plus enregistre ; et edites par Deutsche Grammophon Gesellschaft a€“ DG pour les intimes ^^).

Les coups de cœurs d’Antonin :

- Beethoven : symphonies 5 et 6 (1982)
- Beethoven : triple concerto (+ Rostropovich, Oistrakh, Richter; EMI)

- Sibelius : Finlandia, Tapiola, le Cygne de Tuonela, etc.
- Sibelius: symphonies 1,2,4,5,6 et 7 (EMI et DG)

- Johannes Brahms : symphonie n°3 (OP Vienne; DECCA)

- Dimitri Chostakovitch : symphonie n°10

- Wagner: Tetralogie - Strauss : ≪ Also spracht Zarathustra ≪ , Don Juan, etc.

- Modest Moussorgski : Boris Godounov (OP Vienne; DECCA)

Ressources liees

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