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PLINE L'ANCIEN
HISTOIRE NATURELLE
En collaboration
avec Agnes Vinas (
site
Mediterranees
)
LIVRE SIX.
livre 5
livre 7
Texte francais
Paris : Dubochet,
1848-1850.
edition d'Emile Littre
LIVRE
VI.
CONTENANT
LES SITUATIONS, LES NATIONS, LES MERS, LES VILLES, LES PORTS, LES MONTAGNES, LES
FLEUVES, LES MESURES, LES PEUPLES, QUI SONT ET QUI ONT ETE.
I. Le Pont et les Mariandynes. - II. La Paphlagonie. - III. La Cappadoce. - IV. La contree Themiscyrene et les nations qui s'y trouvent.
- V. La contree Colique, les nations des Acheens, et des autres peuples qui se trouvent dans la meme region.
- VI. Le Bosphore Cimmerien. - VII. Le Palus-Meotide et les nations qui sont alentour.
- VIII. Position de la Cappadoce. - IX. Grande Armenie, petite Armenie. - X. Le fleuve Cyrus et l'Araxe.
- XI. L'Albanie, l'Iberie, et les nation attenantes. - XII. Les portes Caucasiennes.
- XIII. Les iles du Pont-Euxin. - XIV. Les nations a partir de l'Ocean de Scythie.
- XV. La mer Caspienne et la mer d'Hyrcanie. - XVI. L'Adiabene. - XVII. La Medie et les portes
Caspiennes.
- XVIII. Les nations placees autour de la mer d'Hyrcanie. - XIX. Les nations Scythiques et les positions a partir de l'ocean Oriental.
- XX. La Serique. - XXI. L'Inde. - XXII. Le Gange. - XXIII. L'Indus. - XXIV. La Taprobane.
- XXV. La Gedrosie et les satrapies attenantes. - XXVI. La navigation en Inde.
- XXVII. La Carmanie. - XXVIII. Les golfes Persique et Arabique. - XXIX. L'empire des Parthes.
- XXX. La Mesopotamie. - XXXI. Le Tigre. - XXXII. L'Arabie. - XXXIII. Le golfe de la mer
Rouge. - XXXIV. La Troglodytique. - XXXV. L'Ethiopie. - XXXVI. Les iles de la mer Ethiopienne.
- XXXVII. Les iles Fortunees. - XXXVIII. Comparaison de mesures terrestres (14).
- XXXIX. Distribution des contrees suivant les paralleles et l'egalite des ombres.
Resume: villes, 1195.
Nations, 576.
Fleuves celebres, 115.
Montagnes celebres, 38.
Iles, 108.
Villes ou nations qui ont peri, 108.
Faits, histoires et observations, 2214.
Auteurs :
M. Agrippa, M. Varron, Varron Atacinus, Cornelius Nepos, Hygin, L. Vetus, Pomponius Mela, Domitius Corbulon, Licinius Mucianus, l'empereur Claude, Arruntius, Sebosus, Fabricius Tuscus, Tite-Live, Seneque, Nigidius.
Auteurs etrangers :
Le roi Juba, Hecatee, Hellanicus, Damaste, Eudoxe, Dicearque, Beton, Timosthene, Patrocle, Demodamas, Clitarque, Eratosthene, Alexandre le Grand, Ephore, Hipparque, Panaetius, Callimaque, Artemidore, Apollodore, Agathocle, Polybe, Eumachus, Timee de Sicile, Alexandre Polyhistor, Isidore, Amometus, Metrodore, Posidonius, Onesicrite, Nearque, Megasthene, Diognete, Aristocreon, Bion, Dalion, Simonide le jeune, Basile, Xenophon de Lampsaque.
I.
[1]
Le Pont-Euxin (hospitalier), appele
jadis Axenus (IV, 24) a cause de la barbarie inhospitaliere des peuples qui en
habitaient les rives, s'epanche, lui aussi, entre l'Europe et l'Asie, grace a
une malignite particuliere de la nature, qui cede sans terme a l'avidite de
la mer. Ce n'etait pas assez que l'Ocean entourat les terres, et que,
augmentant l'etendue des lieux inhabites, il eut englouti une partie des
continents; ce n'etait pas assez qu'il eut fait irruption a travers les
montagnes brisees, qu'il eut arrache Calpe a l'Afrique, et noye des
espaces plus grands que ceux qu'il laissait decouverts; ce n'etait pas assez
que par l'Hellespont il eut verse la Propontide aux depens de nouvelles
terres qu'il devorait; il fallait qu'a partir du Bosphore de Thrace il se
developpat en une autre immensite, toujours insatiable, jusqu'a ce que le
Palus-Meotide joigne a ces eaux debordees son contingent de spoliations.
[2]
Ces inondations se sont faites malgre les terres ; on le voit a tant de
detroits, a tant d'espaces retrecis par la resistance de la nature:
l'Hellespont n'a que 875 pas de large (IV, 18); le trajet des deux Bospbores, un
boeuf peut le faire a la nage, d'ou vient le nom qu'ils portent (
01
).
Les continents, quoique separes, ont encore des points de contact : on entend,
en effet, des deux cotes le chant des oiseaux et les aboiements des chiens; la
voix humaine, d'une rive a l'autre, peut meme etablir une conversation entre
ces deux mondes, si les vents n'en dissipent pas le bruit dans les airs. La
mesure du Pont-Euxin, depuis le Bosphore jusqu'au Palus-Meotide, a ete
evalue par quelques-uns a 1.438.500 pas; Eratosthene l'estime a 100.000
pas de moins ;
[3]
Agrippa compte de Chalcedoine au Phase 1.000.000 de pas, de la au
Bosphore Cimmerien 360.000. Quant a nous, nous exposerons d'une maniere
generale les distances que l'on a reconnues de notre temps; car on s'est battu
meme sur le Bosphore Cimmerien. A partir de la gorge du Bosphore de Thrace, on
trouve le fleuve Rhebas, que quelques-uns ont appele Rhesus; puis le fleuve
Psillis; le port Calpas; le Sagaris, fleuve celebre, ayant sa source en
Phrygie, recevant de grandes rivieres, et entre autres la riviere de
Tembrogius et celle de Gallus, et portant chez la plupart le nom de Sangarius :
a partir de la, les golfes de Mariandyna, la ville d'Heraclee, placee sur
le fleuve Lycus, a 200.000 pas de l'ouverture du Pont-Euxin; le port Acone,
redoutable a cause de l'aconit (XXVII, 2), plante veneneuse; la caverne
Acherusienne; les fleuves Paedopides, Callichorus, Sonautes; la ville de Tium,
a 38.000 pas d'Heraclee; le fleuve Billis.
II
.
(II.)
[1]
Au dela de ce fleuve est la Paphlagonie,
appelee par quelques uns Pylaemenie, s'appuyant en arriere sur la Galatie;
elle renferme Mastya ville des Milesiens, puis Cromma; en ce lieu Cornelius
Nepos place les Henetes, et il pretend que les Venetes d'Italie, dont le
nom est le meme, en sont issus; la ville de Sesamum, appelee aujourd'hui
Amastris; le mont Cytorus, a 63.000 pas de Tium;
[2]
les villes de Cimolis, de Stephane ; le fleuve Parthenius, le promontoire
Carambis s'avancant enormement dans la mer, et situe a 325.000 pas, ou,
d'apres d'autres, a 350.000, de l'ouverture du Pont-Euxin, a la meme
distance du Bosphore Cimmerien, ou, d'apres quelques-uns, a 312.500 pas; les
villes de Carambis et d'Armene, qui n'existent plus; encore debout, Sinope,
colonie, a 154.000 pas du mont Cytorus; le fleuve Evarchus, la nation des
Cappadociens, les villes de Gaziura et de Gazelum; le fleuve Halys, descendant
du pied du Taurus a travers la Cataonie et la Cappadoce;
[3]
les villes de Gangre, de Carusa, d'Amisus, libre, a 130.000 pas de Sinope; le
golfe d'Amisus, qui s'avance si profondement dans la terre, qu'il fait de
l'Asie presque une ile. De la au golfe d'Issus en Cilicie il y a, par terre,
200.000 pas et plus; dans tout ce trajet, les auteurs ne comptent que trois
nations qui puissent etre appelees Grecques a juste titre: la Dorienne,
l'Ionienne, et l'Eolienne; les autres sont des nations barbares. A la ville
d'Amisus tenait jadis la ville d'Eupatoria, fondee par Mithridate; apres la
defaite de ce prince (VII, 27), elles furent reunies sous le nom de
Pompeiopolis.
III
.
(III.)
[1]
La Cappadoce a dans l'interieur
Archelais, colonie de l'empereur Claude, baignee par l'Halys; les villes de
Comana, baignee par le Sarus, de Neocesaree par le Lycus, d'Amasia par par
l'Iris, dans la Gazacene; dans la Colopene, Sebasta et Sebastopolis, petites
villes, mais egales a celles qui viennent d'etre nommees; dans le reste de
son etendue, Melita, fondee par Semiramis non loin de l'Euphrate;
Diocesaree, Tyanes, Castabales, Magnopolis, Zela; au pied du mont Argaeus,
Mazaca appelee maintenant Cesaree.
[2]
La partie de la Cappadoce qui s'etend au-devant de la grande Armenie s'appelle
Melitene; au-devant de la Commagene, Cataonie; au-devant de la Phrygie,
Gersauritis, Sargarausene, Cammanene; au-devant de la Galatie, Morimene : la
les Cappadociens sont limites par la riviere Cappadox, ils en ont pris le nom;
ils portaient auparavant celui de Leucosyriens; le fleuve Lycus sert de limite,
au dela de Neocesaree susnommee, entre la Cappadoce et la petite Armenie.
Dans l'interieur se trouve aussi Ceraunus, celebre (
02
);
sur la cote, a partir de la ville d'Amisus, la ville et le fleuve de Chadisia;
la ville de Lycastum, a partir de laquelle commence la contree de Themiscyra.
IV
.
[1]
Le fleuve Iris, qui recoit le Lycus; dans
l'interieur, la ville de Ziela, celebre par la defaite de Triarius (67 av.
J. C) et par une victoire de J. Cesar (47 av. J. C.); sur la cote, le fleuve
Thermodon, ayant sa source pres d'un chateau appele Phanaree, et coulant au
pied du mont Amazonius; une ville de Thermodon qui n'existe plus, et cinq autre,
Amazonium, Themiscyra, Sortira, Amasia, Comana, detruites aussi; Mantium, qui
subsiste encore ; (IV) les nations des Genetes et des Chalybes; la ville de
Cotyorus;
[2]
les nations des Tibareniens et des Mossyniens, qui se tatouent; la
nation des Macrocephales; la ville de Cerasonte (XV, 30), le port de Chordule,
les nations des Bechires et des Buzeres; le fleuve Melas; la nation des
Macrons; le pays de Sidene; le fleuve Sidenus, qui arrose la ville de
Polemonium a 120.000 pas d'Amisus;
[3]
puis les fleuves Jasonius et Melanthius; a 80,000 pas d'Amisus, la ville
de Pharnacee, le chateau et le fleuve de Tripolis, le chateau et le fleuve de
Philocalee, sans fleuve, le chateau de Liviopolis; a 100.000 pas de
Pharnacee, la ville libre de Trapezonte, fermee en arriere par une vaste
montagne; au dela, la nation des Armenochalybes, eloignee de 30.000 pas de
la grande Armenie ; sur la cote, avant Trapezonte, le fleuve Pyxites;
[4]
au dela de Trapezonte, la nation des Sanniens Heniochiens,
l'embouchure du fleuve Absarus avec un chateau de meme nom, a 140.000 pas de
Trapezonte ; la, en arriere des montagnes, l'Iberie; sur la cote, les
Heniochiens, les Ampreutes, les Lazes; les fleuves Acampsis, Isis, Mogrus,
Bathys; les nations des Colchiens, la ville de Matium; le fleuve Heracleum, le
promontoire de meme nom, et le fleuve le plus celebre du Pont, le Phase,
ayant sa source dans le pays des Moschiens, navigable aux plus gros vaisseaux
dans un espace de 38.500 pas,
[5]
et beaucoup plus loin a des batiments plus petits, traverse par 120 ponts. Il
a eu sur ses rives un grand nombre de villes: les plus celebres ont ete
Tyndaris, Circaeum, Cygnus, et, a l'embouchure, Phasis ; mais celle qui a jete
le plus d'eclat est Aea a 15.000 pas de la mer, ou Hippos et Cyaneos, deux
grandes rivieres, viennent se jeter de contrees differentes dans le Phase;
maintenant on n'y voit plus que la ville de Surium, nommee ainsi de la riviere
Surius, qui se jette dans le Phase a l'endroit ou ce dernier cesse de porter
les gros vaisseaux.
[6]
Le Phase recoit encore d'autres rivieres remarquables par leur nombre et par
leur grandeur, entre autres le Glaucus; dans l'embouchure du Phase, a 70.000
pas du fleure Absarus, des iles sans nom; ensuite un autre fleuve, le Chariis;
les Saliens, appeles Phthirophages (
03
) par les
anciens; les Suaniens; le fleuve Cobus, descendant du Caucase a travers le pays
des Suaniens; puis le Rhoas; le pays d'Ecrectice; les fleuves Singames,
Tarsuras, Astelephas, Chrysorrhoas ; la nation des Absiles ; le chateau de
Sebastopolis, a 100.000 pas de la ville de Phasia; la nation des Sannigiens ;
une autre ville de Cygnus, le fleuve et la ville de Penius; puis les nombreuses
tribus des Heniochiens.
V
.
(V.)
[1]
Au-dessous est la region du Pont appelee
Colique, ou la chaine du Caucase se contourne vers les monts Riphees, comme
nous l'avons dit (V, 27), ayant un versant du cote du Pont-Euxin et du
Palus-Meotide, et l'autre du cote de la mer Caspienne et de la mer
d'Hyrcanie. Le reste de la cote est occupe par des nations sauvages, les
Melanchlaenes (
04
), les Coraxiens arec la ville
colchique de Dioscurias, aupres du fleuve Anthemonte, aujourd'hui abandonnee,
jadis tellement celebre que, d'apres Timosthene, c'etait le rendez-vous de
300 nations, qui parlaient des langues differentes; plus tard, les Romains y
ont fait negoce avec 130 interpretes.
[2]
Des auteurs pensent qu'elle fut fondee par Amphitus et Telchius,
cochers de Castor et de Pollux, et de qui on assure qu'est sortie la nation
sauvage des Heniochiens. Apres Dioscurias, la ville d'Heracleum, a 70.000
pas de Sebastopolis; les Acheens, les Mardes, les Cercetes; derrieres eux,
les Serres, les Coupe-Tetes; au fond du golfe le plus eloigne, la tres
opulente ville de Pityonte, qui a ete saccagee par les Heniochiens;
derriere cette ville, les Epagerites, peuple sarmate, dans la chaine du
Caucase, et ensuite les Sauromates, aupres desquels, sous le regne de
l'empereur Claude, s'etait enfui Mithridate (roi de l'Iberie);
[3]
il a rapporte qu'ils avaient pour voisins les Thalles, qui a l'orient
atteignaient l'embouchure de la mer Caspienne (
05
),
et que cette embouchure etait a sec pendant le reflux; sur la cote du
Pont-Euxin, aupres des Cercetes, le fleuve Icarusa, la ville et le fleuve
d'Hieros, a 136.000 pas d'Heracleum; puis le cap Crunae, a partir duquel les
Toretes occupent une crete escarpee; la cite de Sindos, a 67.500 pas
d'Hieros, le fleuve Setheries (VI.). De la a l'entree du Bosphore
Cimmerien, 88.500 pas.
VI
.
[1]
La peninsule meme qui s'etend entre le
Pont-Euxin et le Palus-Meotide n'a pas plus de 67.500 pas de long; la largeur
n'est nulle part au-dessous de deux jugeres (50 ares); on l'appelle Eion. La
cote du Bosphore, tant du cote de l'Asie que du cote de l'Europe, s'incurve
vers le Palus-Meotide. Villes de la Peninsule a l'entree du Bosphore,
d'abord Hermonassa, puis Cepi des Milesiens; un peu plus loin Stratoclie,
Phanagorie, Apaturos presque abandonnee; a l'extremite du Bosphore,
Cimmerium, appelee auparavant Cerberion; (VII.) puis le Palus-Meotide, dont
il a ete question dans la description de l'Europe (IV, 24).
VII
.
[1]
A partir de Cimmerium la cote est habitee par
les Meotes, par les Vales, les Serbes, les Arreches, les Zinges, Ies
Psesiens; puis les rives du Tanais, qui a deux embouchures, sont habitees par
les Sarmates, qui sont, dit-on, issus des Medes, et qui sont divises en
plusieurs branches : d'abord les Sauromates Gynaecocratumeni (soumis aux femmes),
maris des Amazones; puis les Evazes, les Cottes, les Cicimenes, les
Messenians, les Costobocces, les Choatres, les Ziges, les Dandares, les
Tussagetes, les Turcs, jusqu'a des deserts occupes par des ravins boises; au
dela de ces deserts, les Arimpheens, qui atteignent aux monts Riphees. Les
Scythes donnent au Tanais le nom de Silis, an Palus-Meotide le nom de
Temerinda, qui signifie mere de la mer; il y eut aussi une ville a
l'embouchure du Tanais. Les contrees limitrophes ont ete occupees d'abord
par les Cariens, puis par les Clazomeniens et les Meoniens, enfin par les
Panticapiens.
[2]
Des auteurs nomment ainsi qu'il suit les nations qui habitent autour du
Palus-Meotide jusqu'aux monts Cerauniens: a partir de la rive, les Napites;
au-dessus les Essedons, touchant aux Colchiens, et habitant sur le sommet des
montagnes; puis les Carmaques, les Orans, les Autaques, les Mazaques, les
Cantocaptes, les Agamathes, les Piques, les Rhymozoles, les Ascomarques; et
jusqu'a la chaine du Caucase, les Icatales, les Imaduches, les Ramiens, les
Anclaques, les Tydiens, les Carastaceens, les Authiandes, le fleuve Lagous,
qui descend des monts Catheens, et ou se jette l'Opharus ; la les nations des
Caucades et des Opharites; les rivieres Menotharus et Imityes descendant des
monts Cissiens, entre les Acdeens, les Carnes, les Uscardeens, les Accises,
les Gabres, les Gogares; autour de la source de l'Imityes, les Imityens et les
Apartheniens.
[3]
D'autres auteurs pretendent que les Scythes Auchetes (IV, 26), les Atarniens
et les Asampates ont emigre dans ces contrees, et qu'ils ont extermine
completement les Tanaites et les Inapeens. Quelques-uns disent que le fleuve
Ocharius coule a travers le pays des Canteques et des Sapeens, mais que le
Tanais a ete traverse par les Phatareens, les Herticeens, les
Spondoliques, les Synhietes, les Amasses, les Isses, les Catazetes, les
Tagores, les Catones, les Neripes, les Agandeens, les Mandareeens, les
Satarcheens, les Spaleens.
VIII
.
(VIII.)
[1]
La cote interieure est parcourue,
tous les peuples qui l'habitent ont ete nommes; maintenant decrivons les
vastes contrees situees plus avant dans les terres. Je conviens que ma
description differera en beaucoup de points de celles des anciens ; mais je me
suis mis avec soin au courant des connaissances acquises sur ces contrees, tant
par les guerres que Domitius Corbulon a faites recemment de ce cote, que par
l'arrivee a Rome de rois qui venaient en suppliants, ou de fils de rois qui
etaient envoyes en otage. Nous commencerons par la nation des Cappadociens. La
Cappadoce, de toutes les nations du Pont, s'avance le plus loin dans l'interieur des terres, depassant par son flanc gauche la grande et la petite
Armenie et la Commagene, et a droite toutes les nations enumerees dans la
province Asie; couvrant des peuples nombreux, et s'elevant rapidement vers le
levant et la chaine du Taurus, elle passe au-devant de la Lycaonie, de la
Pisidie, de la Cilicie, s'avance au dela de la contree d'Antioche, et s'etend
jusqu'a la Cyrrhestique per sa partie appelee Cataonie. La la longueur de
l'Asie est de 1.250.000 pas, la largeur de 640.000.
IX.
(IX.)
[1]
La grande Armenie, qui
commence aux monts Paryadres, est separee, comme nous l'avons dit (V, 20), de
la Cappadoce par l'Euphrate, et, quand l'Euphrate s'eloigne de la Mesopotamie,
par le Tigre, fleuve non moins celebre. Elle donne naissance a l'un et a
l'autre, et forme le commencement de la Mesopotamie, qui doit s'etendre entre
les deux fleuves; la l'intervalle est occupe par les Arabes Aroeens (
06
).
Elle etend ainsi sa frontiere jusqu'a l'Adiabene; separee de cette
province par une chaine transversale, elle s'etend en largeur a gauche
jusqu'au fleuve Cyrus, passant au dela du fleuve Araxe; en longueur jusqu'a la
petite Armenie, dont elle est separee par le fleuve Absarus se jetant dans le
Pont-Euxin, et par les monts Paryadres donnant naissance a l'Apsarus.
X
.
[1]
Le Cyrus nait dans les montagnes des Heniochiens, qui ont ete
appelees par d'autres Coraxiques; l'Araxe, dans les memes montagnes que
l'Euphrate, 6.000 pas d'intervalle: accru de la riviere Musis, il se jette
lui-meme, ainsi que plusieurs auteurs l'ont dit, dans le Curus, qui l'emporte
a la mer Caspienne.
[2]
Villes celebres dans la petite Armenie, Cesaree, Aza, Nicopolis; dans la
grande, Armosate, voisine de l'Euphrate, Carcathiocerta, voisine du Tigre;
Tigranocerta; sur un plateau; Artaxata, en plaine aupres de l'Araxe. Aufidius a
evalue l'etendue de l'Armenie entiere a 5.000.000 de pas; l'empereur
Claude en porte la longueur, depuis Dascusa jusqu'au bord de la mer Caspienne,
a 1.3000.000 pas; la largeur a la moitie, depuis Tigranocerta jusqu'a
l'Iberie. Ce qui est certain, c'est qu'elle est divisee en prefectures,
appelees strategies, dont quelques-unes formaient jadis des royaumes; elles
sont au nombre de 120, et portent des noms barbares. A l'orient, l'Armenie est
bornee, mais non immediatement, par les monts Cerauniens et l'Adiabene;
l'espace intermediaire est occupe par les Sophenes ;
[3]
au dela des Sophenes sont les montagnes, et au dela des montages est
l'Adiabene. Sur les pentes les plus voisines de l'Armenie sont les
Menobardiens et les Moschenes. L'Adiabene est entouree par le Tigre et des
montagnes inaccessibles, elle a a sa gauche le pays des Medes, et en
perspective la mer Caspienne, laquelle, comme nous le dirons en son lieu (VI,
15), provient de l'Ocean, et est entouree tout entiere par la chaine du
Caucase. Maintenant enumerons les peuples qui habitent sur les limites
l'Armenie.
XI
.
(X.)
[1]
Toute la plaine, depuis le Cyrus, est
occupee par la nation des Albaniens; puis par les Iberes, separes d'eux par
la riviere Alazon, qui descend du Caucase et va se jeter dans le Cyrus. Villes
preponderantes : de l'Albanie, Cabalaca; de l'Iberie, Harmastis, aupres d'un
fleuve; Neoris; la contree de Thasie et de Triare jusqu'aux monts Paryadres ;
au dela, les deserts de la Colchide; sur le cote de ces deserts tourne
vers les monts Cerauniens, les Armenochalybes; le pays des Moschiens jusqu'au
fleuve Ibere, qui se jette dans le Cyrus; au-dessous, les Sacassanes, et puis
les Macrones jusqu'au fleuve Absarus. Telles sont les populations des plaines et
des pentes. D'un autre cote, a partir des limites de l'Albanie, sont, sur
tout le front des montagnes, les nations sauvages des Silves; au-dessous, celles
des Lubienes; puis les Didures et les Sodiens.
XII
.
(XI.)
[1]
Apres ces peuples sont les portes
Caucasiennes, que beaucoup, par une grande erreur (VI, 15, 6), appellent portes
Caspiennes: c'est un immense ouvrage de la nature qui interrompt subitement la
chaine des montagnes. La sont des portes garnies de poutres ferrees: au-dessous de ces portes passe un cours d'eau qui exhale une odeur detestable; en
deca, sur un rocher, est une forteresse appelee Cumania, elevee pour
empecher le passage de nations innombrables: ainsi, a peu pres en face de
Harmastis (VI, 11), ville des Iberes, une porte suffit pour fermer l'entree
d'un monde. A partir des portes Caucasiennes, en suivant les monts Gordyeens,
on trouve les Valles, les Suarnes, nations indomptees, qui cependant exploitent
des mines d'or; de la jusqu'au Pont, plusieurs tribus des Heniochiens, puis
des Acheens (VI, 5). Telle est la description de cette contree (VI, 8), l'une
des plus celebres.
[2]
Quelques-uns ont rapporte que du Pont-Euxin a la mer Caspienne il n'y a
pas plus de 375.000 pas; Cornelius Nepos reduit cette distante a 250.000,
tant l'Asie se retrecit de nouveau ! L'empereur Claude a rapporte que la
distance du Bosphore Cimmerien a la mer Caspienne est de 150.000 pas, et que
Seleunus Nicator concut le projet de percer cet isthme au temps ou il fut
tue par Ptolemee Ceraunus. Il est a peu pres certain qu'il y a 200.000 pas
depuis les portes du Caucase jusqu'au Pont-Euxin.
XIII
.
(XII.)
[1]
Iles dans le Pont-Euxin : les Planctes,
ou Cyanees, ou Symplegades (IV, 27); Apollonie, appelee Thynias (V, 44) pour
la distinguer de celle qui est en Europe (IV, 27), eloignee du continent de
1.000 pas, de 3.000 pas de tour; en face de Pharnacee (VI, 4), Chalceritis,
qui, d'apres les Grecs, porte le nom d’Aria, est consacree a Mars, et ou
les oiseaux se sont battus contre les etrangers a coups d'aile.
XIV
.
[1]
Maintenant, apres avoir enumere tout ce qui est dans
l''interieur de l'Asie, il faut se decider a traverser les monts Riphees, et
a parcourir a droite le rivage de l'Ocean. Baignant l'Asie de trois cotes,
il se nomme Scythique au nord, Oriental au levant, Indien au midi. Il se divise
encore en une multitude de noms suivant les golfes et les peuples qui le
bordent. Une grande partie de l'Asie, situee au septentrion et exposee aux
rigueurs d'un ciel glacial, a d'immenses solitudes. Depuis le point extreme
d'ou souffle l'Aquilon (nord-est) jusqu'au commencement du lever d'ete, sont
les Scythes.
[2]
En dehors des Scythes et au dela du commencement de l'Aquilon,
quelques-uns ont place les Hyperboreens, sur lesquels nous avons donne des
details en traitant de l'Europe (IV, 26). Partant de la, on connait d'abord
le promontoire Lytarmis de la Celtique, et le fleuve Carumbucis, ou baissent la
rigueur du froid et la chaine des monts Riphees. On place ici un certain
peuple Arimpheen , qui differe peu des Hyperboreens;
[3]
il a pour demeure les bois, pour nourriture des baies : les hommes comme les
femmes tiennent a deshonneur de porter leurs cheveux; les moeurs sont douces;
aussi dit-on qu'ils sont consideres comme sacres et inviolables, meme par
les nations sauvages qui les avoisinent; et non seulement eux, mais aussi ceux
qui ont cherche un asile dans leur pays. Au dela, plus d'incertitude : ce sont
les Scythes, les Cimmeriens, les Cissianthes, les Georgiens, et la nation des
Amazones; celle-ci s'etend jusqu'a la mer Caspienne ou mer d'Hyrcanie.
XV
.
[1]
En effet l'ocean Scythique fait une irruption par les derrieres de
l'Asie, et forme une mer a laquelle les riverains ont donne plusieurs noms: de
ces noms les deux plus celebres sont mer Caspienne et mer d'Hyrcanie.
Clitarque pense qu'elle n'est pas moindre que le Pont-Euxin; Eratosthene en
donne meme la mesure, 5.400 stades, depuis le levant et le midi, en suivant la
cote de la Cadusie et de l'Albanie ; de la, par la cote des Anariaques, des
Amardiens et des Hyrcaniens, jusque l'embouchure du fleuve Oxus, 4800 stades:
[2]
de cette embouchure jusqu'a celle du Jaxarte, 2400, ce qui fait
1.575.000 pas. Artemidore retranche de cette mesure 25.000 pas. Agrippa, fixant
les limites de la mer Caspienne, des nations riveraines et de l'Armenie a
l'Ocean Serique du cote du levant, a la chaine du Caucase du cote du
couchant, a celle du Taurus du cote du midi, a l'ocean Scythique du cote
du nord, dit que la mer Caspienne a en longueur, autant qu'elle est connue,
490.000 pas, en largeur 290.000. Il ne manque pas d'auteurs qui en evaluent
tout le circuit depuis le detroit [qui la joint a l'Ocean] a 2.500.000 pas.
[3]
Le detroit par lequel elle penetre dans les terres est resserre, et d'une
longueur considerable: quand elle commence a s'elargir, elle s'incurve en
forme de croissant , comme si elle descendait vers le Palus-Meotide,
ressemblant , dit Varron, a un fer de lance. Le premier golfe s'appelle
Scythique; il est habite des deux cotes par les Scythes, qui communiquent
entre eux a travers le detroit; d'une part sont les Nomades et les Sauromates,
divises en un grand nombre de peuplades: d'autre part les Abzoens, qui ne se
divisent pas moins.
[4]
A la droite de l'entree et a la pointe meme sont les Udins, peuple scythe;
puis, sur la cote, les Albaniens, issus, dit-on, de Jason, et donnant leur nom
a la mer qui est en face d'eux: cette nation, couvrant les montagnes du
Caucase, descend, comme nous l'avons dit (VI, 11), jusqu'au fleuve Cyrus, limite
de l'Armenie et de l'Iberie; au-dessus de la cote maritime de l'Albanie et de
la nation des Udins, s'etendent les Sarmates, les Utidorses, les Aroteres, et,
derriere eux, les Amazones Sauromatides, deja nommees (VI, 14, 8).
[5]
Fleuves traversant l'Albanie et se je tant a la mer, le Casius,
l'Albanus, puis le Cambyse, ne dans les montagne Caucasiennes; le Cyrus, ne,
comme nous l'avons dit (VI, 10), dans les montagnes Coraxiques. Toute la cote
depuis le Casius, herissee de roches escarpees, a, d'apres Agrippa, 425.000
pas d'etendue. Depuis le Cyrus, la mer s'appelle Caspienne; les Caspiens en
habitent les bords.
[6]
Corrigeons ici une erreur commise par beaucoup d'auteurs, meme par ceux qui ont
dernierement fait avec Corbulon la guerre en Armenie : ils ont appele
Caspiennes les portes de l'Iberie, que nous avons dit s'appeler Caucasiennes
(VI, 12); les plans qui ont ete leves sur les lieux, et envoyes a Rome, ont
ce dernier nom inscrit; et l'expedition projetee par Neron, que l'on disait
devoir se diriger vers les portes Caspiennes, se dirigeait reellement vers
celles qui menent par l'Iberie chez les Sarmates: les montagnes empechent
presque absolument qu'on n'arrive sur les bords de la mer Caspienne. Il y a bien
des portes Caspiennes pres des nations Caspiennes; mais on ne peut le
reconnaitre que par le recit de ceux qui ont accompagne Alexandre le Grand.
XVI
.
[1]
En effet, le royaume des Perses, qui
aujourd'hui appartient aux Parthes, place entre deux mers, celle de Perse et
celle d'Hyrcanie, est un plateau eleve que parcourt la chaine du Caucase. Des
deux cotes par les versants, et dans la partie anterieure qui regarde la
Commagene, la Sophene vient, comme nous l'avons dit (VI, 10), a la grande
Armenie; et a la Sophene, l'Adiabene, commencement de l'Assyrie, dont
l'Arbelitide est une partie : c'est dans cette contree qu'Alexandre vainquit
Darius; elle est tres voisine de la Syrie.
[2]
Les Macedoniens ont donne a l'Adiabene entiere le surnom de Mygdonie
(IV, 17), a cause de sa ressemblance avec leur patrie. Villes : Alexandrie,
Antioche, nommee Nisibis, eloignee d'Artaxate de 750.000 pas; Ninive, qui
n'existe plus, placee sur le Tigre, regardant l'occident, jadis celebre au
plus haut degre. Sur le reste du front qui s'etend vers la mer Caspienne, on
trouve l'Atropatene, separee par l'Araxe de l'Otene, province de
l'Armenie; la ville en est Gazæ, a 450.000 pas d'Artaxate, et a la meme
distance d'Ecbatane de la Medie, a laquelle appartient l'Atropatene.
XVII
.
(XIV.)
[1]
Ecbatane, capitale de la Medie, a ete
fondee par le roi Seleucus; elle est a 750.000 pas de la grande Seleucie, a
2.000.000 des portes Caspiennes. Autres villes de la Medie: Phazaca, Aganzaga,
Apamia, surnommee Rhaphane. La raison qui a fait donner ce nom de portes est la
meme que plus haut (VI, 12) ; la chaine des montagnes est interrompue par un
etroit passage, a tel point qu'a peine un seul chariot peut le traverser; la
longueur en est de 8.000 pas; tout est fait de main d'homme. A droite et a
gauche sont suspendues des roches qui semblent brulees, et la contree est
sans eau pendant 28.000 pas. Le defile est embarrasse par une eau salee
venant des roches, reunie en un lit, et ayant la voie pour issue; d'ailleurs,
une multitude de serpents empeche le passage, si ce n'est en hiver.
[2]
(XV.) Aux Adiabeniens touchent les peuples appeles jadis Carduques,
maintenant Cordueniens, dont le pays est traverse par le Tigre; a ceux-ci
touchent les Pratites, dits Parhodon (le long de la route ), qui occupent les
portes Caspiennes. De l'autre cote de ces portes sont les deserts de la
Parthie (VI, 29) et la chaine du Cithenus; puis une province la plus agreable
de la Parthie, et qu'on nomme Choara. Le deux villes des Parthes, baties
autrefois contre les Medes, Calliope et Issatis, qui etait jadis sur un autre
rocher. La capitale de la Parthie est Hecatompylos, a 133.000 pas des portes
Caspiennes. Ainsi le royaume des Parthes est ferme aussi par des portes.
[3]
Quand on les passe, on trouve aussitot la nation Caspienne etendue jusqu'au
littoral, et donnant son nom aux portes et a la mer. A gauche sont des terrains
montagneux. A partir de cette nation, et en revenant au Cyrus, on compte 125.000
pas; de la meme riviere si l'on se rend aux portes, 700.000 pas. Les
itineraires d'Alexandre le Grand font de ces portes une espece de point
central ; ils comptent de la a l'entree de l'Inde 15680 stades (myr.
1699,712); jusqu'a la ville de Bactres appelee Zariaspa, 3.700 (myr. 68,08);
de la jusqu'au Jaxarte, 5.000 (myr. 92).
XVIII
.
(XVI.)
[1]
A l'orient des portes Caspiennes est une
contree appelee Apavortene, ou est un lieu d'une fertilite renommee,
appele Dareium; puis les Tapyres, les Anariaques, les Staures, les Hyrcaniens,
dont le littoral, qui commence au fleuve Sideris, donne le nom a la mer
Hyrcanienne; en deca, les fleuves Maxeras, Stratos, tous venant du Caucase;
puis la Margiane, renommee pour ses coteaux a vignobles, seule contree
vitifere dans ces parages, enfermee de tous cotes par des montagnes
delicieuses, de 1.500 stades (myr. 27,6) de mur, d'un difficile acces a cause
de deserts sablonneux d'une etendue de 120.000 pas, situee aussi en regard de
la Parthie, et ou Alexandre avait fonde Alexandrie :
[2]
cette ville fut detruite par les barbares, et Antiochus, fils de Seleucus,
batit dans le meme emplacement une ville syrienne; car, la voyant traversee
par le Margus, qui, divise en ruisseaux , sert a l'irrigation de la contree
de totale, il voulut qu'elle s'appelat Antioche; elle a 70 stades de circuit (
kil. 12,88) ; c'est la qu'Orode avait conduit les Romains faits prisonniers
lors de la defaite de Crassus. Des hauteurs de cette contree, par la chaine
du Caucase, s'etend jusqu'a la Bactriane la nation des Mardes, sauvage,
independante;
[3]
plus loin, les Ochanes, les Chomares, les Berdrigeens, les
Harmatotrophes, les Bomareens, les Comans, les Maruceens, les Mandrueniens,
les Iatiens; fleuves: le Mandrus, le Gridinus; au dela, les Chorasmiens, les
Candares, les Attasins, les Paricans, les Saranges, les Parrhasins, les
Maratians, les Nasotians, les Aorses, les Geles, que les Grecs ont appeles
Cadusiens; les Matians; la ville d'Heraclee, fondee par Alexandre, qui,
renversee plus tard et rebatie, fut nommee par Antiochus Achais; les
Derbices, dont l'Oxus, ne dans le lac Oxus, traverse le pays par le milieu; les
Syrmates, les Oxydraques, les Henioques, les Bateniens, les Sarapares, les
Bactriens, dont la ville Zariaspe, nommee plus tard Bactre, a recu son nom du
fleuve;
[4]
l
es Bactriens habitent le versant du mont Paropamisus, a l'opposite des
sources de l'Indus (
07
); ils sont limites par le
fleuve Ochus. Au dela, les Sogdiens, la ville de Panda, et, a l'extremite de
leur territoire, Alexandrie, fondee par Alexandre le Grand. La sont les autels
eleves par Hercule et par Bacchus, par Cyrus, par Semiramis, par Alexandre;
la fut la limite de tous ces conquerants, ils s'arreterent au fleuve Jaxarte
(Sihon ou Sir), que les Scythes nomment Silis (VI, 7); Alexandre et ses soldats
crurent que c'etait le Tanais (Don). Ce fleuve fut traverse par Demodamas,
general des rois Seleucus et Antiochos, que nous suivons de preference dans
cette partie; il consacra des autels a Apollon Didymeen.
XIX
.
(XVIII.)
[1]
Au dela sont les peuples scythes; les
Perses les ont appeles en general Saces, du nom de la nation scythique la
plus voisine; les anciens les ont appeles Arameens. Les Scythes eux-memes
donnent aux Perses le nom de Chorsares, et au Caucase celui de Groucasus,
c'est-a-dire, blanchi par la neige. La multitude de ces peuples est
innombrable, et ils vivent comme les Parthes. Les plus celebres sont les
Saces, les Massagetes, les Dahes, les Essedons, les Ariaques, les Rhymniciens,
les Paesiques, les Amardes, les Histes, les Edons, les Cames, les Camaques, les
Euchates, les Cotieres, les Antarians, les Piales, les Arimaspes, nommes
auparavant Cacidares, les Aseens, les Oeteens, les Napeens et les Apelleens,
deux peuples qu'on dit avoir peri : fleuves celebres, le Mandragaeus et le
Caspasius. Nulle part les divergences des auteurs ne sont plus grandes, sans
doute a cause du grand nombre et de la vie errante de ces nations. Alexandre le
Grand a rapporte, lui aussi, que l'eau de la mer Caspienne etait douce; et M.
Varron raconte que de l'eau de cette mer ayant ete apportee a Pompee, qui
commandait dans le voisinage pendant la guerre de Mithridate, fut trouvee telle
: sans doute la masse d'eau des fleuves qui s'y jettent triomphe de l'amertume
du sel. Le meme auteur a ecrit qu'il fut reconnu sous Pompee qu'en sept jours
on arrive de l'Inde dans la Bactriane sur le bord du fleuve Icare, qui se jette
dans l'Oxus; et que les marchandises de l'Inde, amenees de la par la mer
Caspienne dans le Cyrus, peuvent etre transportees par terre, en cinq jours au
plus, jusqu'au Phase, qui tombe dans le Pont-Euxin. Dans toute cette mer il y a
beaucoup d'iles; la plus connue est Tazata.
XX
.
[1]
De la mer Caspienne et de l'ocean Scythique,
notre itineraire s'inflechit vers la mer d'Orient, direction que prend la
ligne du littoral. La premiere partie, qui commence au promontoire Scythique,
est inhabitable a cause des neiges; la suivante est inculte a cause de la
ferocite des peuples; la sont les Scythes anthropophages, qui se nourrissent
de chair humaine. Aussi a l'entour sont de vastes solitudes, ou errent une
multitude de betes farouches qui assiegent les hommes, non moins feroces
quelles; puis de nouveau des Scythes; de nouveau des deserts peuples de
betes, jusqu'a la montagne qui s'avance sur la mer, et qu'on nomme Tabis. Ce
n'est guere avant la moitie de la longueur de cette cote, qui regarde le
levant d'ete, que la contree est habitee.
[2]
Les premiers hommes qu'on y connaisse sont les Seres, celebres par la
laine de leurs forets; ils detachent (XI, 26; XII, 22) le duvet blanc des
feuilles, en l'arrosant d'eau; puis nos femmes executent le double travail de
devider et de tisser. C'est avec des manoeuvres si compliquees, c'est dans des
contrees si lointaines qu'on obtient ce qui permettra a la matrone de se
montrer en public avec une etoffe transparente. Les Seres sont civilises;
mais, tres semblables aux sauvages memes, ils fuient la societe des
autres hommes; ils attendent que le commerce vienne les trouver.
[3]
Le premier de leurs fleuves connus est le Psitaras, le second le Cambari, et le
troisieme Lanos; au dela le promontoire Chryse, le golfe Cyrnaba, le fleuve
Atianos, le golfe et la nation des Attacores, preservee, par des coteaux bien
exposes, de tout souffle nuisible, et vivant dans la meme temperature que les
Hyperboreens. Amometus a ecrit sur eux un volume special, comme Hecatee
sur les Hyperboreens. Apres les Attacores viennent les Phruriens, les
Tochares, les Casires qui appartiennent deja a l'Inde, et qui, tournes dans
l'interieur du cote des Scythes, mangent de la chair humaine. La errent
aussi des nomades de l'Inde. Des auteurs ont dit que, dans la direction de
l'Aquilon, ces peuples touchent aux Ciconiens et aux Brysans.
XXI
.
[1]
Venons a des nations sur lesquelles on est
d'accord : la chaire d'Emodus (Himalaya) s'eleve, et la nation des Indiens
commence, placee sur le littoral non seulement de la mer Orientale, mais aussi
de la mer Meridionale, que nous avons appelee Indienne (VI, 14). La partie qui
regarde l'orient, et qui s'etend en ligne droite jusqu'a un coude,
commencement de la mer de l'Inde, compte 1.835.000 pas: a partir du coude, en
allant au midi, 2.675.000 pas, d'apres Eratosthene, jusqu'au fleuve Indus,
qui est a l'occident la limite de l'Inde.
[2]
Plusieurs auteurs en ont estime la longueur totale a quarante jours et
quarante nuits de navigation, et l'etendue du nord au midi a 2.850.000 pas.
Agrippa en a evalue la longueur a 3.300.000 pas, la largeur a 2.300.000.
Posidonius l'a mesuree dans la direction du levant d'ete au levant d'hiver,
la placant a l'opposite de la Gaule, qu'il a mesuree du couchant d'ete au
couchant d'hiver, et mise tout entiere au Favonius (vent du couchant d'ete);
[3]
et il a enseigne d'une maniere indubitable que l'Inde, a l'opposite, est
favorisee et assainie par le souffle de ce vent (
08
).
Autre est l'apparence de ce ciel, autres les levers des astres; deux etes dans
l'annee, deux moissons, avec un hiver intermediaire pendant lequel soufflent
le vents etesiens; au temps qui est notre hiver, des brises legeres, la mer
navigable. Les nations et les villes seraient innombrables, si on voulait toutes
les enumerer. En effet, non seulement l'Inde a ete ouverte par les armes
d'Alexandre le Grand et des rois qui lui succederent, une circumnavigation
dans la mer Hyrcanienne et la mer Caspienne ayant ete executee par Seleucus
et Antiochus, et leur amiral Patrocle; mais encore elle a ete le sujet des
recits d'autres ecrivains grecs, qui, ayant demeure dans les cours Indiennes
(Megasthene et Dionysius envoye par Philadelphe a cet effet ), ont expose
de plus les forces de ces peuples. Toutefois, il n'y a aucun moyen d'etre
exact; toutes les narrations sont divergentes et incroyables.
[4]
Les compagnons d'Alexandre le Grand ont ecrit que dans cette portion de
l'Inde qu'ils avaient subjuguee on ne comptait pas moins de cinq mille villes,
dont aucune n'etait plus petite que Cos (V, 36), et neuf peuples ; que l'Inde
etait le tiers de toute la terre, et la population innombrable, ce qui est
probable, car les Indiens sont peut-etre les seuls qui n'aient jamais fait des
emigrations hors de leur territoire. [5] On compte, depuis Bacchus jusqu'a
Alexandre le Grand, 154 rois, et 6.451 ans et 3 mois. Les fleuves ont une
grandeur merveilleuse. On rapporte qu'Alexandre n'a jamais fait moins de 600 stades (kil. 110.50) par jour sur l'Indus, et qu'il ne put terminer cette
navigation avant cinq mois et quelques jours; et certainement l'Indus est pus
petit que le Gange. Seneque, qui, parmi nous, a publie un essai sur l'Inde, y
compte soixante fleuves et cent dix-huit nations. Ce serait le meme labeur
d'enumerer les montagnes; l'Imaus, l'Emodus, le Paropamise, le Caucase,
s'unissent entre eux, et du pied de ces montagnes se developpe l'Inde en une
plaine immense, et semblable a celle de l'Egypte.
[6]
Mais, pour comprendre l'itineraire par terre, il nous faut suivre les
traces d'Alexandre le Grand. Diognete et Baeton, qui ont mesure ses
itineraires, ont ecrit que des portes Caspiennes a Hecatompyles des Parthes
on compte le nombre de milles que nous avons deja specifie (VI, 17); de la
jusqu'a Alexandrie des Ariens (VI, 25), que ce roi a fondee, 566.000 pas; de
la jusqu'a Prophthasie (VI, 25) des Dranges, 199.000 pas; de la jusqu'a la
ville des Arachosiens (VI, 25), 515.000; de la jusqu'a Ortospanum, 250.000;
[7]
de la jusqu'a la ville d'Alexandrie (VI, 25), 50.000 (dans quelques
exemplaires on trouve des nombres differents, et cette ville est placee au
pied meme du Caucase): de la jusqu'au fleuve Cophes (VI, 24) et a la ville
indienne Peucolaitis, 227.000; de la jusqu'au fleuve Indus et a la ville de
Taxile, 60.000; de la jusqu’a l'Hydaspe, fleuve celebre, 120.000; de la
jusqu'a l'Hypasis non moins celebre, 29.390; ce fut le terme de l'expedition
d'Alexandre: cependant il traversa ce dernier fleuve, et erigea des autels sur
la rive opposee.
[8]
Les lettres du roi lui-meme s'accordent avec ces donnees. Le reste a ete
parcouru par Seleucus Nicator : de l'Hypasis au fleuve Hesidrus, 168.000; de
la a la riviere Jomane, autant (quelques exemplaires ajoutent 5.000 pas); de
la au Gange, 112.000 ; de la a Rhodapha , 119.000 (d'autres evaluent cet
intervalle a 375.000); de la a la ville Calinipaxa, 167.500 (d'autres,
265.000 ); de la au confluent de la Jomanes et du Gange, 625.000 (la plupart
ajoutent 13.000); de la a la ville de Palibothra (Patna), 425.000; de la a
l'embouchure du Gange, 638.000 pas.
[9]
Les nations qu'on peut se decider a citer sont, a partir des montagnes
Emodiennes, dont le point culminant est appele Imaus, mot signifiant neigeux (
09
)
dans la langue des habitants: les Isares, les Cosyres, les Izges, les
Chisiotosages sur les montagnes, les Brachmanes, surnom de beaucoup de peuples,
auxquels appartiennent les Maccocalinges. Fleuves: le Prinas et le Cainas, tous
deux navigables, dont le dernier se jette dans le Gange; nations ; les Calinges
(
10
), qui sont les plus voisins de la mer;
au-dessus, les Mandeens, les Malles, chez qui est la montagne Malius : la
limite de cette contree est le Gange.
XXII
(XVIII.)
[1]
Les uns l'ont dit ne de sources
incertaines, comme le Nil, et inondant, comme lui, le voisinage ; les autres,
dans les montagnes de la Scythie : ils disent qu'il s'y jette 19 rivieres,
parmi lesquelles, outre les rivieres susnommees (VI, 21, 7 et 8), sont
navigables le Condochates, l'Erannoboas, le Cosoagus (
11
),
le Sonus. Suivant d'autres, le Gange sort de la source meme avec fracas, et il
se precipite a travers des rochers abruptes; des qu'il arrive a des plaines
adoucies, il recoit l'hospitalite dans un certain lac; ensuite il coule avec
tranquillite, large de 8.000 pas dans sa moindre largeur, de 100 stades (kil.
8, 4) dans sa largeur moyenne, d'une profondeur qui n'est jamais de moins de 20
pas. (XIX.) La derniere nation qu'il traverse est celle des Gangarides
Calingiens : leur capitale se nomme Parthalis. Le roi a 60.000 fantassins, 1.000
cavaliers et 700 elephants, tout prets a entrer en campagne.
[2]
Chez les Indiens civilises la population est divisee en plusieurs
classes: les uns cultivent la terre, les autres sont militaires; d'autres font
le commerce; les meilleurs et les plus riches administrent la chose publique,
rendent la justice, et sont les conseillers des rois. Ceux de la cinquieme
classe, adonnes a une sagesse celebre en ces pays et presque tournee en
religion, finissent toujours leur vie par une mort volontaire sur un bucher.
[3]
Il faut ajouter une derniere classe a demi-sauvage, assujettie a un labeur
infini, d'ou depend tout le reste, savoir, chargee de chasser et de dompter
les elephants. Avec ces animaux on laboure, sur eux on voyage; on ne connait
guere d'autre betail: avec eux on fait la guerre et on defend la frontiere.
On les choisit pour le combat, d'apres les forces, l'age, et la taille.
[4]
Dans le Gange est une ile tres grande, renfermant une seule nation, nommee
les Modogalingiens. Au dela sont situes les Modubes, les Molindes, les
Uberes, avec une magnifique ville du meme nom; les Galmodroeses, les Pretes,
les Calisses, les Sasures, les Passales, les Colubes, les Orxules, les Abales,
les Taluctes; le roi des Taluctes a 50.000 fantassins, 4.000 cavaliers, et 400
elephants. Puis vient une nation plus puissante, les Andares (
12
),
possedant grand nombre de bourgs, 30 villes fortifiees de murs et de tours;
elle fournit a son roi 100.000 fantassins, 2.000 cavaliers, 1.000 elephants.
Le pays des Dardes est le plus abondant en or; celui des Setes, en argent.
[5]
Des Indiens non seulement de ces parages, mais encore de l'Inde presque
entiere, les plus puissants et les plus illustres sont les Prasiens, qui
possedent la ville, tres grande et tres opulente de Palibothra (Pana), d'ou
quelques-uns donnent le nom de Palibothriens a la nation meme, et de
Palibothrie a toute la contree entre le Gange et l'Indus. Leur roi a toujours
a sa solde 600.000 fantassins, 30.000 cavaliers, et 9.000 elephants; d'ou
l'on conclut que ses richesses sont enormes.
[6]
Apres ceux-ci, dans l'interieur, les Monedes, et les Suares, chez qui est le
mont Malee. Dans cette montagne l'ombre tombe au nord en hiver, au midi en
ete, pendant six mois; la grande Ourse n'y est visible qu'une fois dans
l'annee, et seulement pendant 15 jours, d'apres Baeton. Megasthene dit que
cela arrive en plusieurs lieux de l'Inde. Les Indiens appellent Dramasa le pole
austral. La riviere Jomanes tombe dans le Gange a travers le pays des
Palibothriens, entre les villes Methora et Clisobora.
[7]
Dans les regions au midi du Gange, les hommes sont hales par le
soleil; ils ont deja une teinte basanee, sans etre encore brules comme les
Ethiopiens. Plus ils s'approchent de l'Indus, plus ils portent la marque de
l'action colorante de l'astre. Immediatement apres la nation des Prasiens,
dans les montagnes desquels sont, dit-on, les Pygmees, on trouve l'Indus.
Artemidore estime a 2.100.000 pas l'intervalle qui separe ces deux fleuves.
XXIII
.
(XX)
[1]
L'Indus, appele Sindus par les habitants,
ne dans l'embranchement du Caucase, qu'on appelle Paropamise, coulant d'abord
a l'orient, recoit lui aussi 19 rivieres ; les plus celebres sont
l'Hydaspe, qui en amene quatre autres, le Cantabras, qui en amene trois,
l'Acesine et l'Hypasis, qui sont navigables eux-memes. Toutefois, modeste,
pour ainsi dire, nulle part il n'a plus de 30 stades (kil. 9, 2) de large, et
plus de 15 pas de profondeur. II forme une ile tres grande, nommee Prasiane,
et une autre plus petite, nommee Patale.
[2]
Navigable, d'apres les auteurs les plus moderes, pendant l'espace de
1.240.000 pas, il semble accompagner le soleil dans sa marche, court a
l'occident, et se jette dans l'Ocean. Quant a la mesure de la cote jusqu'a
l'Indus, je vais indiquer, comme je la trouve, par distances, bien qu'il n'y ait
aucune concordance entre les itineraires : de l'embouchure du Gange au
promontoire des Calingiens et a la ville de Dandagula, 625.000 pas; jusqu'a
Tropina, 1.225.000; jusqu'au promontoire de Perimula, ou est le plus celebre
marche de l'Inde, 750.000; jusqu'a la ville situee dans l'ile que nous avons
nommee tout a l'heure, Patala, 620.000.
[3]
Nations montagnardes entre l’Indus et la Jomane, les Cesiens, les
Cetriboniens vivant dans les bois; puis les Megalles, dont le roi a 500
elephants, et un nombre mal connu de fantassins et de cavaliers; les
Chryseens, les Parasanges, les Asanges, dont le pays est plein de tigres, qui
arment 30.000 fantassins, 300 elephants, 800 cavaliers; et que renferme
l'Indus, et, pendant 625.000 pas, une ceinture de montagnes et des deserts:
[4]
au-dessous des deserts, les Dares, les Sures; puis, de nouveau, des deserts de
187.000 pas, ou les sables entourent des terres, comme la mer des iles;
au-dessous de ces deserts, les Maltecores, les Singiens, les Marohens, les
Rarunges, les Morunes, tous peuples montagnards, qui, etendus sans interruption
le long de la cote de l'Ocean, sont independants, sans rois, et ont beaucoup
de villes sur les escarpements des montagnes;
[5]
puis les Nareens, a qui sert de borne le Capitalia, le plus haut des
monts indiens; les habitants de ce mont, qui sur l'autre versant exploitent des
mines considerables d'or et d'argent; les Oratures, dont le roi n'a, il est
vrai, que 10 elephants, mais des forces considerables en infanterie; les
Varetates, qui, soumis a un roi, ne nourrissent pas d'elephants, se fiant a
leur infanterie et a leur cavalerie; les Odomboeres, les Salabastres, les
Horates, avec une belle ville defendue par des fosses marecageux, dont les
crocodiles, tres avides de chair humaine, ne permettent le passage que sur un
pont : on cite encore chez eux une autre ville, Automela, placee sur la cote,
ou cinq rivieres viennent aboutir a un meme point; c'est un marche
celebre.
[6]
Leur roi a 1.600 elephants, 150.000 fantassins, 5.000 cavaliers. Le roi des
Charmes, plus pauvre, a 60 elephants, et, du reste, de petites forces. Ensuite
viennent les Pandes, seule nation de l'Inde qui soit gouvernee par des femmes :
on rapporte qu'Hercule n'eut qu'un enfant du sexe feminin, et que cette fille,
plus cherie pour cette raison, recut le royaume principal. Sa descendante
commande a 300 villes, 150.000 fantassins, 500 elephants; apres cette reine
de 300 villes, les Syrienes, les Deranges, les Posinges, les Buzes, les
Gogiareens, les Umbres, les Nereens, les Brancoses, les Nobundes, les
Cocondes, les Neseens, les Pedatrires, les Solobriases, les Olostres, qui
touchent a l'ile Patale. De l'extremite de cette ile aux portes
Caspiennes, la distance est de 1.925.000 pas.
[7]
Ici ensuite, au bord oppose (est) de l'Indus, habitent des peuples sur
qui on a des renseignements certains, les Amates, les Bolinges, les
Gallitalutes, les Dimures, les Megares, les Ordabes, les Meses; puis les Ures,
les Silenes; ensuite, des deserts pendant 250.000 pas; au dela de ces
deserts, les Organages, les Abaortes, les Sibares, les Suertes; apres ces
peuples, des deserts pareils aux precedents ; puis les Sarophages, les
Sorges, les Baraomates, les Umbrittes, formant 12 nations, dont chacune a deux
villes ;
[8]
les Asenes, habitant trois villes, dont la capitale est Bucephale, fondee par
Alexandre dans le lieu ou a ete enterre son cheval de ce nom; au-dessus
d'eux , des peuples montagnards places au pied du Caucase, les Soleades, les
Sondres; en passant l'Indus et en suivant son cours, les Samarabriens, les
Sambrucenes, les Bisambrites, les Osiens, les Antixenes, les Taxilles, avec la
ville celebre de Taxila : la deja la contree s'est abaissee et aplanie,
et elle porte dans son ensemble le nom d'Amanda: quatre peuples, les
Peucolaites, les Arsagalites, les Geretes, les Asoens.
[9]
En effet, la plupart ne font pas du fleuve Indus la limite occidentale de
l'Inde, mais ils y ajoutent quatre satrapies, les Gedrosiens, les Arachotes,
les Ariens, les Paropamisades, (XXI.) et la derniere limite de l'Inde est alors
le Cophes; d'autres pretendent que tout cela appartient a l'Arie. La plupart
attribuent aussi a l'Inde la ville de Nysa, le mont Merus, consacre a
Bacchus, d'ou vient la fable qui le fait naitre de la cuisse de Jupiter (
13
),
[10]
et le pays des Astacans, qui produit la vigne, le laurier, le buis, et
tous les fruits de la Grece. Quant aux particularites memorables et presque
fabuleuses que l'on rapporte sur la fertilite du sol, sur les especes de
grains et d'arbres, sur les quadrupedes, les oiseaux et les autres animaux,
nous en parlerons en lieu et place dans le reste de l'ouvrage. Ajournons pour un
moment les quatre satrapies, dans la hate que nous avons d'arriver a l'ile de
Taprobane.
[11]
Mais auparavant il faut citer d'autres iles : Patale, que nous avons dit (VI,
23,2) etre a l'embouchure meme de l'Indus, de figure triangulaire, de 220.000
pas de large; hors de I'embouchure du fleuve, les iles de Chryse et d'Argyre,
abondantes, je pense, en mines; car je suis peu dispose a croire ce que
quelques-uns ont rapporte, que le sol en est d'or et d'argent; a 20.000 pas,
l'ile de Crocala; a 12.000, l'ile de Bibaga, pleine d'huitres et de
coquillages ; puis, a 9.000 pas, Toralliba, et plusieurs autres sans nom.
XXIV
.
(XXII.)
[1]
Taprobane a ete longtemps regardee
comme un autre monde, sous le nom de terre des Antichthones (
14
).
Au siecle et aux expeditions d'Alexandre le Grand on doit savoir qu'elle est
une ile. Onesicrite, commandant de sa flotte, a ecrit que les elephants y
sont plus grands et plus belliqueux que dans l'Inde; Megasthene, qu'elle est
partagee par un fleuve, que les habitants sont appeles Paleogones, et que
leur pays est plus abondant en or et en grosses perles que celui des Indiens.
[2]
Erastosthene a meme donne la mesure de cette ile, 7,000 stades (myr.128,
8), en long et 5.000 (myr. 92) en large, ajoutant qu'elle n'a point de villes,
mais qu'elle renferme 700 bourgs. Elle commence a la mer Orientale, s'etendant
en face l'Inde, entre le levant et le coucher. Jadis on croyait qu'elle etait
a vingt jours de navigation de la nation des Prasiens; mais comme on y allait
avec des barques faites de papyrus, et munies d'agres comme celles du Nil, on a
reduit cette evaluation a sept journees, en raison de la superiorite de la
marche de nos batiments.
[3]
La mer qui separe Taprobane de l'Inde est pleine de hauts fonds, ou
l'eau n'a pas plus de six pas de profondeur, mais tellement profonde dans
certaines passes, qu'aucune ancre n'en peut trouver le fond : les habitants se
servent de barques qui ont une proue a l'avant et a l'arriere, afin de
n'etre pas obliges de virer de bord dans ces canaux etroits; le tonnage de
ces barques est de 3000 amphores (litres 77.760). Ils n'observent pas les astres
pour naviguer, et le pole septentrional n'est pas visible; mais ils emmenent
avec eux des oiseaux qu'ils lachent de temps en temps et dont ils suivent le
vol vers la terre; ils ne naviguent pas plus de quatre mois dans l'annee; ils
s'abstiennent de se mettre en mer pendant environ cent jours apres le solstice
d'ete : c'est la saison de leur hivernage.
[4]
Jusqu'a present nous avons parle d'apres les anciens; mais des
renseignements plus exacts nous sont arrives sous le regne de l'empereur
Claude, et meme des ambassadeurs sont venus de cette ile a Rome; voici
comment cela s'est fait : Annius Plocamus avait afferme du tresor imperial le
retenu de la mer Rouge; un sien affranchi, doublant l'Arabie, fut emporte par
les aquilons au dela de la Germanie; il arriva le quinzieme jour a Hippuros,
port de Taprobane : accueilli avec hospitalite par le roi du pays, et ayant
appris en six mois la langue des habitants, il put repondre a ce prince sur
les Romains et l'empereur.
[5]
Ce prince, parmi les choses qui lui furent racontees, admira surtout la
probite du gouvernement romain, parce qu'il remarqua dans l'argent pris avec le
naufrage que les deniers etaient egaux en poids, bien que les differentes
figures qu'ils portaient montrassent qu'ils avaient ete frappes par des
souverains differents. Engage par cela principalement a nouer une alliance,
il envoya quatre ambassadeurs, dont le chef etait Rachias. On apprit d'eux que
l'ile renfermait 500 villes, un port en face du midi, place pres de la ville
de Palaesimundum, la plus celebre, la ville royale, et contenant une
population de 200.000 personnes; que dans l'interieur se trouvait le lac
Megisba, de 375.000 pas de tour, ou sont des iles servant uniquement de
paturages;
[6]
qu'il en sort deux fleuves, l'un, le Palaesimundus, se jetant aupres de la
ville de meme nom, dans le port, par trois bras, dont le plus etroit a cinq
stades (metres 920) et le plus large quinze ( kil. 2, 76), et l'autre, le
Cydara, coulant vers le nord et l'Inde; que le point de l'Inde le plus voisin
est le cap nomme Coliaque, a quatre jours de navigation, distance au milieu de
laquelle on trouve l'ile du Soleil; que cette mer est d'une couleur tres
verte, et en outre pleine d'arbres dont les gouvernails emportent le feuillage.
[7]
Ces ambassadeurs admiraient chez nous la grande Ourse et les Pleiades ;
c'etait pour eux un nouveau ciel: ils avouaient que la lune meme n'etait
visible chez eux au-dessus de la terre que du huitieme jour au seizieme. Ils
racontaient que dans leurs nuits brillait Canopus (II, 71, 2), etoile grande et
jetant un vif eclat; mais ce qui les surprenait le plus, c'est que les ombres
de leurs corps tombaient du cote de notre ciel et non du cote du leur, et
que le soleil se levait a gauche et se couchait a droite, au lieu de faire le
contraire. Ils racontaient encore que le flanc de l'ile etendu le long de
l'Inde avait 10.000 stades (myr. 184), dans la direction du levant d'hiver;
[8]
qu'ils voyaient les Seres au dela des monts Emodiens, et qu'ils les
connaissaient meme par le commerce; que le pere de Rachias etait alle dans
leur pays, et que les Seres venaient au-devant des Taprobaniens qui arrivaient;
que les Seres depassaient la taille ordinaire, qu'ils avaient les cheveux
rouges, les yeux bleus, la voix rude, sans langage pour se communiquer leurs
pensees. Du reste, les renseignements donnes par eux etaient semblables a
ceux de nos negociants, a savoir que les marchandises etaient posees sur la
rive du neuve du cote des Seres (VI, 20), qui les emportaient en laissant le
prix si elles leur convenaient. A-t-on jamais plus juste raison de hair le luxe
que lorsque, conduit en esprit dans ces contrees, on songe a ce qu'il demande,
a quel prix, et pourquoi (IX, 54)?
[9]
Mais Taprobane meme, quoique releguee par la nature au dela du monde,
n'est pas exempte de nos vices; l'or et l'argent y sont aussi en estime; un
marbre semblable a l'ecaille de tortue, les pierres precieuses, les perles
remarquables, y sont a haut prix; en un mot, c'est notre luxe tout entier
porte a son comble. Ils disaient que leurs richesses etaient plus grandes que
les notres, mais que nous savions mieux en tirer parti. Personne n'y a
d'esclaves; on n'y dort ni jusqu'au jour ni pendant le jour; les edifices y
sont peu eleves au-dessus du sol; le prix des grains y est toujours le meme;
il n'y a ni tribunaux ni proces; on y adore Hercule; le peuple elit pour roi
un vieillard recommandable par sa douceur, et sans enfants; si plus tard il a
des enfants, on le fait abdiquer, pour que le royaume ne devienne pas
hereditaire.
[10]
Trente directeurs lui sont donnes par le peuple; personne ne peut etre
condamne a mort que par une sentence de la majorite. Il y a meme alors appel
au peuple; on donne au condamne soixante-dix nouveaux juges: s'ils
l'acquittent, les trente directeurs perdent toute consideration, et ils sont
frappes de la reprobation la plus severe. Le roi porte l'habillement de
Bacchus; la nation, celui des Arabes. Le roi, s'il commet quelque crime, est
condamne a mort; personne ne le tue, tous s'en detournent; on refuse meme
d'echanger avec lui une parole. Les fetes se passent en chasses, dont les plus
agreables sont celles qui ont pour objet les tigres et les elephants; les
champs y sont soigneusement cultives, l'usage de la vigne y est inconnu, les
fruits y sont abondants; les habitants se plaisent beaucoup a la peche,
surtout des tortues, dont la carapace couvre des familles entieres, tant on en
trouve de grandes. Une vie de cent ans y est ordinaire. Voila ce qu'on sait de
Taprobane.
XXV
.
[1]
Parlons maintenant des quatre satrapies, que nous avons renvoyees a
ce moment. (XXIII.) A partir des nations les plus voisines de l'Indus, on trouve
des lieux montagneux; la Capissene, ou fut la ville de Capissa, detruite par
Cyrus; l'Arachosie, avec un fleuve et une ville de meme nom, que quelques-uns
ont appelee Cephee, fondee par Semiramis ; le fleuve Hermandus (
15
),
arrosant Parabeste des Arachosiens: dans le voisinage, au midi, du cote des
Arachotes, les Gedrosiens ; au nord les Paropamisades, au pied du Caucase la
ville de Cartana, appelee ensuite Tetragonis (le pays des Paropamisades est en
face de l'Arachosie): puis le pays des Bactriens, dont la capitale est
Alexandrie, ainsi nommee de son fondateur; les Syndraques, les Dangales, les
Parapians, les Cantaces, les Maces; au Caucase, les Cadrusiens; une ville
fondee par Alexandre.
[2]
Au-dessous de toutes ces contrees, la cote a partir de l'Indus; l'Ariane,
brulee par les ardeurs du soleil, entouree de deserts, parsemee cependant
de beaucoup de lieux ombrages, et rassemblant ses habitants sur deux fleuves
surtout, le Tonderos et l'Arosape; la ville d'Artacoana; le fleuve Arius, qui
passe au pied d'Alexandrie (Herat), fondee par Alexandre, ville de 30 stades
(kil. 5, 52) ; beaucoup plus belle et aussi plus ancienne, Artacabane, qui,
rebatie par Antiochos, a 50 stades (kil. 9, 4);
[3]
la nation des Dorisques; les fleuves Pharnacotis et Ophradus; Prophthasia, ville
des Zariaspes; les Dranges, les Evergetes, les Zaranges, les Gedruses; les
villes de Peucolais et de Lymphorta ; le desert des Methoriques; le fleuve
Manais; la nation des Auguttures ; le fleuve Borru; la nation des Urbiens; le
fleuve navigable Pomasius, sur le territoire des Pandes (VI, 23) ; le Cabirus,
navigable, dans le terri toire des Suares, ayant un port a son embouchure; la
ville de Condigramma, le fleuve Cophes, ou se jettent le Sadarus, le Parospus,
le Sodinus, rivieres navigables.
[4]
Quelques-uns veulent que la Daritis soit une partie de l'Ariane, et ils
disent que ces deux contrees prises ensemble ont une longueur de 1.950.000 pas,
et une largeur moitie moindre que celle de l'Inde (VI, 21, 2) ; d'autres ont
place les Gedruses et les Pasires pendant 183.000 pas, puis les Ichthyophages
Orites, qui parlent non l'indien, mais une langue particuliere, pendant
20:00,000 pas; puis la nation des Arbiens, pendant 200.000 pas encore. Alexandre
defendit a tous les Ichthyophages de se nourrir de poisson. Au dela sont des
deserts, puis la Carmanie, la Perse, et l'Arabie.
XXVI
.
[1]
Mais, avant d'entrer dans le detail, il
convient d'indiquer ce que rapporte Onesicrite: ce commandant de la flotte
d'Alexandre vint par mer de l'Inde dans le golfe Persique, decrit recemment
par Juba; puis j'exposerai la route que l'on a decouverte dans ces derniers
temps, et que l'on suit aujourd'hui. Le journal d'Onesicrite et de Nearque n'a
ni les noms des stations ni les distances; et d'abord on n'y explique pas
suffisamment aupres de quel fleuve et dans quel lieu etait Xylenepolis,
fondee par Alexandre, qui fut leur point de depart.
[2]
Voici cependant ce qui fut digne d'etre cite : Arbis, ville fondee par
Nearque dans cette navigation, le fleuve Nabrus, navigable; en face, une ile
(16), a 70 stades (kil. 12, 88) ; Alexandrie, fondee par Leonnatus (XXXV, 47)
sur l'ordre d'Alexandre, dans le territoire de ce people; Argenus, qui a un bon
port; le fleuve Tuberus, navigable, le long duquel sont les Pasires;
[3]
puis les Ichthyophages, qui s'etendent dans un si long espace, qu'on
navigue pendant vingt jours le long de leur cote; l'ile appelee ile du
Soleil, ou Lit des Nymphes, dont le sol est rouge et fait perir tout animal,
sans qu'on en connaisse la cause; la nation des Oriens; l'Hytanis, fleuve de la
Carmanie, qui a un port, et qui roule de l'or. La, pour la premiers fois, les
navigateurs revirent la grande Ourse : ils ajoutent qu'Arcturus n'est visible
ni toutes les nuits ni la nuit entiere;
[4]
que les Achaemenides avaient possede le pays jusque-la, et qu'on y exploite
des mines de cuivre, de fer, d'arsenic, et de minium (XXXII, 36 et 37). Au
dela est le cap de la Carmanie, duquel il y a une distance de 50.000 pas
jusqu'a la nation arabe des Maces, sur la cote opposee; trois iles, dont
Oracla, a 25.000 pas du continent, a de l'eau et est seule habitee; quatre
iles qui sont deja dans le golfe et en face de la Perse : dans ces parages,
des hydres marines, de 20 coudees, effrayerent la flotte par leur approche;
l'ile d'Acrotadus; les Gaurates, qui comprennent la nation des Chianiens; le
fleuve Hyperis, au milieu du golfe Persique, et qui porte des batiments de
charge; le fleuve Sitiogagus, par lequel on arrive a Pasargade (VI, 29) en sept
jours; l'Heratemis, fleuve navigable;
[5]
une ile sans nom ; le fleuve Granis, portant des batiments d'une
dimension mediocre, et traversant la Susiane; a la droite de ce fleuve, les
Deximontans, qui fabriquent du bitume: le fleuve Zarotis, dont l'embouchure est
difficile, si ce n'est a ceux qui en ont la pratique; deux petites iles; puis
des hauts-fonds semblables a un marais, a travers lesquels on navigue
cependant a l'aide de certains canaux; l'embouchure de l'Euphrate; le lac que
l'Eulee et le Tigre forment aupres de Charax; puis Suse, a laquelle on
remonte par le Tigre. La flotte y trouva Alexandre celebrant une fete; il y
avait sept mois qu'il s'en etait separe a Patale (VI, 23,11). et il y en
avait trois que la flotte tenait la mer. Telle fut la navigation de la flotte
d'Alexandre. Plus tard on a pense qu'on pouvait, de Syagrus (VI, 32),
promontoire d'Arabie, gagner en toute certitude Patale avec le vent du couchant
d'ete qu'on appelle la Hippalus; on evaluait la distance a 1.332.000 pas.
[6]
L'age suivant indiqua une voie plus courte et plus sure : c'etait d'aller du
meme promontoire a Zigerus, port de l'Inde. Longtemps on a navigue ainsi,
jusqu'a ce qu'un negociant eut trouve une voie abregee, et que l'amour du
gain eut rapproche l'Inde. Aujourd'hui on y fait un voyage tous les ans; a
bord des batiments on met des cohortes d'archers, pour ecarter les pirates qui
infestent ces mers. II ne sera pas hors de propos d'exposer toute la navigation
depuis l'Egypte; ce n'est que de nos jours qu'on en a une connaissance
certaine. La chose en vaut la peine. Il n'y a pas d'annee ou l'Inde n'enleve
a l'empire romain moins de 50.000.000 de sesterces (105.000,00 fr.); elle nous
expedie en retour des marchandises qui se vendent chez nous au centuple.
[7]
A 2.000 pas d'Alexandrie est la ville de Juliopolis; de la on navigue
sur le Nil jusqu'a Coptos, a 303.000 pas; ce trajet est parcouru en douze
jours avec les vents etesiens. De Coptos on va sur des chameaux; les stations
sont disposees d'apres les endroits ou l'on trouve de l'eau : la premiere
s'appelle Hydreum (
17
), a 32.000 pas; la seconde
est dans une montagne, a une journee de marche; la troisieme, a un autre
Hydreuma, a 95.000 pas de Coptos; puis dans une montagne; puis a Hydreum
d'Apollon, a 184.000 pas de Coptos; derechef dans une montagne ; puis au nouvel
Hydreum, a 233.000 pas de Coptos ;
[8]
a une distance de 4.000 pas du nouvel Hydreum est l'ancien Hydreum, dit
Troglodytique, ou un detachement tient garnison, et qui peut recevoir 2.000
personnes. De la on arrive a la ville de Berenice, qui a un port sur la mer
Rouge, a 258.000 pas de Coptos: mais comme on fait la plus grande partie de la
route pendant la nuit a cause de la chaleur, et qu'on passe le jour dans les
haltes, le trajet, de Coptos a Berenice, demande douze jours.
[9]
On se met en mer au milieu de l'ete, avant le lever de la Canicule ou
immediatement apres; au bout de trente jours environ, on arrive a Ocelis
d'Arabie, ou a Cane, de la region de l'encens. Il y un troisieme port appele
Muza, ou les navigateurs qui vont en Inde ne touchent pas; il n'est frequente
que par les negociants en encens et en parfums arabiques. Dans l'interieur est
une ville nommee Saphar, capitale du pays, et une autre ville nommee Save.
Pour ceux qui vont en Inde le point de depart le plus avantageux est Ocelis;
de la avec le vent Hippalus, on navigue pendant quarante jours jusqu'a
Muziris, premier marche de l'Inde, peu desirable a cause des pirates voisins
qui occupent le lieu appele Nitries ; il n'est pas non plus riche en
marchandises ;
[10]
en outre, le mouillage des navires est loin de la terre, et c'est avec des
chaloupes que l'on fait le chargement et le dechargement. Le roi de ce pays,
pendant que j'ecrivais ceci, etait Celebothras. Un port plus favorable est
celui de la nation des Nelcanidiens (
18
), appele
Barace : la regne Pandion (
19
), dans une ville
mediterranee eloignee du marche, et appelee Modura. Le pays d'ou l'on
apporte le poivre a Barace, sur des chaloupes faites d'un seul arbre, se nomme
Cottonara. Tous ces noms de nations, de ports ou de villes, ne se trouvent chez
aucun des anciens auteurs ; d'ou il resulte que l'etat des lieux change.
[11]
On revient de l'Inde au commencement du mois egyptien tybi, qui est notre mois
de decembre, ou tout au moins avant le sixieme jour du mois egyptien mechir,
c'est-a-dire avant nos ides de janvier (le 13 de janvier); de la sorte on
revient dans la meme annee. On revient de l'Inde avec le vent Vulturne (du
lever d'hiver), et lorsqu'on est entre dans la mer Rouge, avec l'Africus (du
coucher d'hiver) ou l'Auster (du midi). Maintenant revenons a notre sujet.
XXVII
.
[1]
Nearque a ecrit que la cote de Carmanie a
1.250.000 pas; depuis son commencement jusqu'au fleuve Sabis, 100.000 pas; de
la on trouve des vignobles et des champs cultives jusqu'au fleuve Andanis,
pendant 25.000 pas; le pays s'appelle Armuzia. Villes de la Carmanie, Zethis et
Alexandrie.
XXVIII
.
[
1]
Puis, en ces parages, la mer fait une double
irruption dans les terres, sous le nom de mer Rouge chez les Latins, et chez les
Grecs de mer Erythree, du nom du roi Erythras, ou, suivant d'autres, a cause
de la couleur rouge qu'elle presente, soit que cette couleur provienne de la
reflexion des rayons du soleil, soit qu'elle tienne a la teinte de la terre et
du sable, ou a la nature de l'eau elle-meme. (XXIV.) Elle se divise en deux
golfes: celui qui est a l'orient s'appelle golfe Persique, il a 2.500.000 pas
de tour d'apres Eratosthene. En face est l'Arabie, dont la longueur est de
1.200.000 pas; puis vient un second golfe, nomme Arabique. La mer qui entre
dans les golfes s'appelle mer Azanienne (VI, 34).
[2]
L'entree du golfe Persique a 5.000 pas de large, 4.000 d'apres d'autres. De
cette entree au fond du golfe, il est a peu pres certain qu'il y a en ligne
directe 1.125.000 pas; il est configure comme une tete humaine. Onesicrite et
Nearque ont ecrit que du fleuve Indus jusqu'au golfe Persique, et de la
jusqu'a Babylone, par les marais de l'Euphrate, il y a 2.500.000 pas.
[3]
Dans l'angle de la Carmanie sont les Chelonophages, qui couvrent leurs cabanes avec des carapaces de tortues, et qui se nourrissent de la chair de ces animaux ; ils habitent le promontoire (VI, 26) a partir du fleuve Arbis ; ils ont, excepte la tete, tout le corps herisse de poil, et leurs vetements sont faits en peaux de poisson. (XXV.) Au dela, en allant vers l'Inde, on cite Caicandrus, ile deserte dans l'Ocean, a 50,000 pas ; dans le voisinage de cette ile, et separee par un bras de mer, Stoidis, dont les perles rapportent beaucoup d'argent.
[4]
A partir du promontoire, aux Carmaniens touchent les Armozeens ; quelques-uns interposent les Arbiens ; le littoral entier a 402,000 pas ; la, le port des Macedoniens et les autels d'Alexandre, sur un promontoire. Fleuves : le Saganos, puis le Daras et le Salsos ; au dela, le promontoire Themisteas, et l'ile Aphrodisias, habitee ; puis le commencement de la Perse : elle va jusqu'au fleuve Oroatis, qui la separe de
l'Elymais ; en face de la Perse, les iles Philos, Casandra, Aracia consacree a Neptune, avec une montagne tres elevee ; la Perse elle-meme, regardant le couchant, occupe un littoral de 550,000 pas, opulente jusqu'au luxe, et a laquelle depuis longtemps les Parthes ont impose leur nom. C'est le moment de dire quelques mots de l'empire de ce peuple.
XXIX
.
[1]
Les royaumes des Parthes sont au nombre de dix-huit ; c'est ainsi qu'ils appellent leurs provinces. Ces royaumes sont situes, comme nous l'avons dit (VI, 16), le long de deux mers, la mer Rouge au midi, la mer Hyrcanienne au nord. De ces dix-huit royaumes, les onze qu'on appelle superieurs commencent aux confins de l'Armenie et au littoral de la mer Caspienne ; ils touchent aux Scythes, dont ils partagent le genre de vie (VI, 19). Les sept autres royaumes sont appeles inferieurs. Quant aux Parthes proprement dits,
[2]
il y eut toujours une Parthie au pied de ces montagnes, souvent nommees (VI, 16), qui couvrent toutes ces nations. La Parthie a du cote de l'orient l'Arie (VI, 23), au midi la Carmanie et l'Ariane (VI, 26), du cote de l'occident les Medes Pratites (VI, 17), du cote du nord les Hyrcaniens ; elle a une ceinture de deserts. Les Parthes ulterieurs sont appeles Nomades ; en deca sont des deserts (VI, 17). Au couchant, les Parthes ont les villes que nous avons deja nommees (VI, 17), Issatis et Calliope ; au levant d'ete, Europus ; au levant d'hiver, Mania ; au milieu, Hecatompylos, capitale d'Arsace (pere des Arsacides) ; Nisee, ville celebre de la Parthyene, ou est Alexandropolis, nommee ainsi de son fondateur.
[3]
(XXVI.) Il est necessaire ici de tracer la situation des Medes et la configuration des terres jusqu'au golfe Persique, afin de faire comprendre plus facilement le reste. La Medie, placee transversalement au couchant, et se presentant obliquement a la Parthie, ferme l'entree des royaumes superieurs et inferieurs. Elle a donc au levant les Caspiens et les Parthes, au midi la Sittacene (VI, 31), la Susiane et la Perse, au couchant l'Adiabene, au nord l'Armenie.
[4]
Les Perses ont toujours habite sur le bord de la mer Rouge : c'est d'eux que lui vient le nom de golfe Persique ; la region maritime porte le nom de Syrtibolos. Du cote par ou l'on monte en Medie, il est un lieu appele la Grande Echelle
(
20
) :c'est une montagne escarpee ou des gradins sont tailles, et qui offre un passage etroit jusqu'a Persepolis, capitale du royaume, et detruite par Alexandre. La Perse a
en outre, sur son
extreme frontiere, Laodicee, fondee par Antiochus (
21
).
A l'orient, les mages tiennent Pasargade (VI, 26), chateau ou est le tombeau
de Cyrus. Leur ville, Ecbatane, fut transportee par le roi Darius dans les
montagnes. Entre la Parthie et l'Ariane s'etendent les Paraetacenes; les
nations et l'Euphrate ferment les royaumes inferieurs. Nous parlerons des
autres (VI, 31) a partir de la Mesopotamie, excepte la pointe de cette meme
Mesopotamie et les peuples arabes : nous en avons parle dans le livre
precedent (V, 21).
XXX
.
[1]
La Mesopotamie tout entiere a appartenu aux
Assyriens, qui n'y avaient que des bourgs, excepte Babylone et Ninive. Les
Macedoniens y creerent des villes, a cause de la fertilite du sol. Outre
les villes deja nommees, elle renferme Seleucie, Laodicee, Artemite; de
plus, dans le pays des Arabes appeles Aroeens (VI, 9) (
22
)
et Mardanes, Antioche, qui, fondee par Nicanor, gouverneur de la Mesopotamie,
se nomme Arabis. Aux Arabes Aroeens touchent, dans l'interieur, les Arabes
Eldamariens ; au-dessus de ce peuple, sur le fleuve Pellaconta, la ville de
Bura, les Salmanes, et les Maseens Arabes.
[2]
Aux Gordyens (VI, 17) confinent les Alones, a travers lesquels la
riviere Zerbis va se jeter dans le Tigre ; les Azones, les Silices montagnards,
les Orontes, a l'occident desquels est la ville de Gaugamela; puis Sue, dans
des rochers; au-dessus, les Silices Classites, a travers lesquels coule le
Lycus, venant de l'Armenie; l'Absidris, au levant d'hiver; la ville d'Azochis:
puis dans la plaine les villes de Diospage, de Polytelia, de Stratonice, et
d'Anthemonte (V, 21); dans le voisinage de l'Euphrate, Nicephorion, dont
Alexandre ordonna, comme nous l'avons dit (V, 21), la fondation, a cause de la
situation favorable du lieu.
[3]
A l'occasion de Zeugma, nous avons nomme Apamee (V, 21) : quand de
cette ville on va a l'orient on rencontre une ville tres bien fortifiee,
ayant eu jadis 70 stades (kil. 12, 88) d'etendue, appelee la capitale des
Satrapes; c'etait la qu'on apportait les tributs; maintenant ce n'est plus
qu'un fort; Hebata demeure dans l'etat ou elle etait jadis; puis vient
Oruros, limite de l'empire romain sous le grand Pompee, a 250.000 pas de
Zeugma. Des auteurs rapportent que le gouverneur Gobares fit partager
l'Euphrate a l'endroit ou nous avons dit qu'il se divise (V, 21), de peur que,
se precipitant avec violence, il ne ravageat la Babylonie. Tous les Assyriens
donnent a l'Euphrate le nom de Narmalchan (
23
), ce
qui signifie fleuve royal. La ou il se divise il y eut jadis Agrani, ville des
plus grandes, qui fut detruite par les Perses.
[4]
Babylone, capitale des nations chaldeennes, a joui longtemps de la plus
grande celebrite dans tout l'univers; c'est d'elle que tout le reste de la
Mesopotamie et de l'Assyrie a ete appele Babylonie. Elle avait 60.000 pas de
tour, des murs hauts de 200 pieds, larges de 50 (et le pied babylonien a trois
doigts de plus que le notre) (
24
), traversee par
l'Euphrate, que bordaient des quais aussi admirables que l'enceinte. Le temple
de Jupiter Belus (XXXVII, 55) y subsiste encore; Belus fut l'inventeur de
l'astronomie;
[5]
du reste, elle est devenue un desert, depeuplee qu'elle fut par le voisinage
de Seleucie, fondee a cet effet par Nicator (av J. C. 312 -282), a 90.000
pas, au confluent du Tigre et d'un canal venant de l'Euphrate. Pourtant
Seleucie est surnommee Babylonienne: libre aujourd'hui et independante, elle
conserve les usages macedoniens; on dit qu'elle a dans ses murs 600.000
personnes; ses murailles ont la forme d'un aigle aux ailes etendues ; son
territoire est le plus fertile de tout l'Orient.
[6]
Pour la depeupler a son tour, les Parthes ont fonde a trois milles, dans la
Chalonitide, Ctesiphon, maintenant la capitale de leurs royaumes; puis, cela ne
reussissant pas, Vologese a fonde recemment dans le voisinage une autre
ville, Vologesocerta. Il y a encore dans la Mesopotamie la ville d'Hipparenum,
celebre, comme Babylone, par une secte chaldeenne, et situee sur le fleuve
Narraga, qui lui a donne son nom. Les Perses ont detruit les murs des
Hippareniens. Les Orcheniens, troisieme secte des Chaldeens, sont aussi
places dans la meme contree, du cote du midi; puis viennent les Notites,
les Orthophantes, et les Graeciochantes.
[7]
Nearque et Onesicrite rapportent que le trajet du golfe Persique a Babylone
par l'Euphrate est de 412.000 pas; mais les auteurs posterieurs disent que la
distance de Seleucie au meme golfe est de 440.000 pas; Juba evalue la
distance de Babylone a Charax (VI, 31, 12) a 175.000 pas. Quelques-uns disent
que l'Euphrate continue de couler a plein lit au-dessous de Babylone pendant
87.000 pas, avant d'etre divise pour les irrigations, et que son cours en
totalite est de 1.100.000 pas. Les variations dans les mesures tiennent a la
diversite des auteurs qui ont ete suivis, les Perses attribuant tantot une
valeur et tantot une autre aux schenes (V, 11, 4) et aux parasanges.
[8]
Quand le fleuve cesse de faire aux habitants un rempart de son lit, ce qui a
lieu sur les limites du territoire de Charax, aussitot la contree est
infestee par des brigands, les Attales, nation arabe, au dela desquels sont
les Scenites (VI, 32). Tout le long de l'Euphrate sont les Nomades Arabes
jusqu'aux deserts de l'Assyrie, ou nous avons dit (V, 20 et 21) qu'il
s'inflechissait vers le midi, abandonnant les solitudes palmyreennes.
Seleucie est, par l'Euphrate, a 1.125.000 pas du commencement de la
Mesopotamie; par le Tigre, a 320.000 de la mer Rouge (golfe Persique); a
527.000 de Zeugma. Zeugma est a 175.000 pas (V, 13) de Seleucie de Syrie, sur
la cote de notre mer (Mediterranee.) Telle est la largeur du continent entre
les deux mers; la largeur de l'empire des Parthes est de 944.000 pas.
XXXI
.
[1]
Il y a encore une ville en Mesopotamie, sur le bord du Tigre,
aupres des confluents; on l'appelle Digba. ( XXVII.) Mais il convient de parler
du Tigre lui-meme. Il nait dans un district de la grande Armenie, par une
source remarquable, en plaine; le nom de cette localite est Elegosine. Tant
qu'il coule avec lenteur, il s'appelle Diglito; on ne commence a l'appeler
Tigre que quand son cours s'accelere : c'est le nom que les Medes donnent a
la fleche. Il se jette dans le lac Arethuse, sur lequel surnagent toutes les
substances, et qui exhale des vapeurs nitreuses:
[2]
ce lac ne renferme qu'une espece de poissons, lesquels n'entrent jamais
dans le lit du fleuve qui passe; de meme les poissons du Tigre n'entrent point
dans ce lac; au reste, le mouvement et la couleur de ses eaux l'y font
distinguer. Sorti de la, il rencontre le mont Taurus, et s'engouffre dans une
caverne; apres un trajet souterrain, il ressort de l'autre cote de la
montagne. Le lieu de sa sortie s'appelle Zoroanda; ce qui prouve que c'est le
meme, c'est que les corps jetes d'un cote reparaissent de l'autre. Puis il
traverse un autre lac qu'on appelle Thospites; il se plonge de nouveau dans des
souterrains, et apres un espace de 25.000 pas il revient a la surface aupres
de Nymphaeum.
[3]
D'apres l'empereur Claude, son lit est si voisin de celui de l'Arsanias
(V, 20), dans le pays d'Arrhene, que lorsqu'ils sont gros ils se reunissent
sans se meler; l'eau de l'Arsanias, plus legere, surnage celle du Tigre
pendant environ 4.000 pas; puis l'Arsanias s'eloigne, et se jette dans
l'Euphrate. Le Tigre, de son cote, venant d'Armenie, et recevant des
rivieres celebres, le Parthenias et le Nicephorion, sert de limite aux
Arabes Aroeens (
25
) (VI, 9) et a l'Adiabene, et,
formant la Mesopotamie, comme nous l'avons dit, coule au pied des montagnes des
Gordyeens (VI, 17); aupres d'Apamee, ville de la Mesene, a 125.000 pas
au-dessus de Seleucie Babylonienne, il se divise en deux bras, dont l'un gagne
le midi et Seleucie, arrosant la Mesene, et dont l'autre, tournant au nord,
coupe les campagnes des Cauches, sur les derrieres de la Mesene.
[4]
Quand ces bras se sont reunis, il prend le nom de Pasitigris, puis il recoit
de la Medie le Choaspes (XXXI, 21), et, coulant, comme nous l'avons dit (VI,
30, n° 5 et n° 6), entre Seleucie et Ctesiphon, il s'epanche dans les lacs
de la Chaldee, qu'il remplit dans une etendue de 70.000 pas : alors formant un
vaste canal, laissant a droite la ville de Charax, il se jette dans le golfe
Persique par une embouchure de 10.000 pas. Entre les embouchures du Tigre et de
l'Euphrate, toutes deux navigables, l'intervalle fut jadis de 25.000 pas, ou,
suivant d'autres, de 7.000; mais il y a longtemps que les Orcheniens et les
peuples voisins ont barre l'Euphrate pour l'irrigation de leurs champs, et ses
eaux n'arrivent a la mer que par le Pasitigris.
[5]
Le pays sur le bord du Tigre s'appelle Parapotamie; il renferme la
Mesene, dont il a deja ete parle, ville de la Parapotamie, Dibitach. Puis
vient la Chalonitis : ou est la ville de Ctesiphon (VI, 30, 6), et qui est
celebre non seulement par ses palmiers, mais aussi par ses oliviers, ses
arbres fruitiers, et d'autres vegetaux. Le mont Zagros arrive jusque la; il
vient de l'Armenie entre les Medes et les Adiabenes, au-dessus de la Paraeltcene et de la Perse. La
Chalonitis est eloignee de la Perse de 380.000
pas. Quelques auteurs disent que par le chemin le plus court l'Assyrie est a la
meme distante de la mer Caspienne.
[6]
Entre ces nations et la Mesene est la Sittacene, appelee aussi
Arbelitis et Palestine. Villes de la Sittacene, Sittace, de fondation grecque,
a l'orient, et Sabata; a l'occident, Antioche entre deux fleuves, le Tigre et
le Tornadotus; de plus, Apamee, a laquelle Antiochus (av. J. C. 282 - 262) a
donne le nom de sa mere (Apame). Le Tigre la contourne, l'Archous la
traverse.
[7]
Au-dessous est la Susiane, ou est Suse (
26
),
l'ancienne capitale des Perses : cette ville, fondee par Darius, fils
d'Hystaspe, est a 450.000 pas de Seleucie Babylonienne, a la meme distance
d'Ecbatane des Medes par le mont Charbanus. Sur le bras septentrional du Tigre
est la ville de Babytace, a 135.000 pas de Suse : les habitants (
27
),
seuls de tous les mortels, ont l'or en horreur; ils le ramassent et
l'enfouissent, pour qu'il ne serve a personne.
[8]
A l'orient de la Susiane sont les brigands Oxiens et quarante peuples Myzeens,
qui sont independants et sauvages. Au-dessus d'eux se developpent les
Parthusiens, les Mardes, les Saites, et les Hyens, qui s'etendent au-dessus de
l' Elymais, que nous avons dit etre contigue a la Perse sur la cote (VI,
28, 4), Suse est a 250.000 pas du golfe Persique; la flotte d'Alexandre y
remonta (VI, 26) par le Pasitigris, en passant par un bourg appele Aphle, et
situe sur le lac de Chaldee; de ce bourg a Suse il y a une navigation de
65.500 pas. A l'est encore de la Susiane sont les Cosseens; au-dessus des
Cosseens, au nord, la Mesabatene, au pied du mont Cambalidus, qui est un
embranchement du Caucase; la est le passage le plus facile pour aller en
Bactriane.
[9
]
La Susiane est separee de l'Elymais par le fleuve Eulaeus; il nait
dans la Medie, et passe sous terre dans un espace peu etendu ; sorti de la et
traversant la Mesabatene, il entoure la citadelle de Suse et le temple de
Diane, le plus revere de ces nations. Le fleuve lui-meme est l'objet de
ceremonies pompeuses; les rois ne boivent pas d'autre eau, et on en transporte
pour eux dans leurs voyages (XXXI, 21) : il recoit la riviere Hedypnus, outre
l'Asylus qui vient de la Perse, et l'Adunas qui vient de la Susiane; la ville de
Magoa est sur ses bords, a 15.000 pas de Charax; quelques-uns la reculent a
l'extremite de la Susiane, dans le voisinage du desert.
[10]
Au-dessous de l' Eulaeus est l'Elymais, contigue a la Perse sur la
cote, etendue depuis le fleuve Oroates jusqu'a Charax dans un espace de
240.000 pas. Les villes en sont Seleucie et Sosirate, placees aupres du mont
Casyrus. Le littoral, qui a l'apparence des petites Syrtes, est, comme nous
l'avons dit (VI, 29, 4), inaccessible et fangeux, les fleuves Brixias et
Ortaceas y deposant beaucoup de limon : l'Elymais elle-meme est tellement
marecageuse, qu'on ne peut penetrer en Perse qu'en la tournant;
[11]
elle est infestee aussi de serpents que les fleuves y amenent. La
partie la plus impenenetrable s'appelle Characene de nom de la ville de
Charax, qui est la limite des royaumes d'Arabie, et dont nous parlerons apres
avoir expose d'abord le sentiment de M. Agrippa : cet auteur dit que la Medie,
la Parthie et la Perse, bornees a l'orient par l'Indus, a l'occident par le
Tigre, au nord par le Taurus et le Caucase, au midi par la mer Rouge (golfe
Persique), ont en longueur 1.320.000 pas, et en largeur 840.000; qu'en outre la
Mesopotamie, enfermee au levant par le Tigre, au couchant par l'Euphrate, au
nord par le Taurus, au midi par le golfe Persique, a 800.000 pas de long et
360.000 de large.
[12]
Charax, ville situee sur la partie la plus interieure du golfe
Persique, et a laquelle commence l'Arabie surnommee Heureuse, est placee sur
une colline faite de main d'homme, entre le confluent du Tigre a droite, de
l'Eulaeus a gauche, dans un espace de 3.000 pas d'etendue. Elle fut fondee
d'abord par Alexandre le Grand ; il y etablit des colons de la ville royale de
Durine, qui alors cessa d'exister; il y laissa ceux de ses soldats qui ne
pouvaient plus servir, et ordonna qu'on l'appelat Alexandrie. Il avait meme
fonde un bourg appele Pella, du nom de son lieu natal, et qu'il avait destine
exclusivement aux Macedoniens. Les fleuves emporterent cette ville ; puis
Antiochos, le cinquieme roi [de Syrie], la retablit, et l'appela de son nom.
[13]
Ravagee de nouveau par les eaux, Pasines, fils de Sogdonacus, roi des Arabes
limitrophes, que Juba dit a tort avoir ete satrape d'Antiochus, la restaura,
eleva des digues et lui donna son nom, apres avoir exhausse le terrain dans
un espace de 3.000 pas de long sur une largeur un peu moindre. Elle fut d'abord
a 10 stades (kil. 1, 84) de la cote, et elle y eut meme un port; du temps ou
ecrivait Juba elle en etait a 50.000 pas; maintenant les ambassadeurs des
Arabes et nos negociants qui y sont alles affirment qu'elle en est a 120.000.
En aucune partie du monde les alluvions des fleuves n'ont ete plus
considerables et n'ont marche plus vite; il est etonnant que le flux qui
s'avance beaucoup au dela de cette ville ne les ait pas entrainees.
[14]
C'est la qu'est ne Denys, l'auteur le plus recent d'une description de la
terre; le dieu Auguste l'envoya en Orient recueillir tous les renseignements,
pendant que son fils aine se preparait a aller en Armenie pour regler les
affaires des Parthes et des Arabes. Je n'ignore pas et n'ai pas oublie que j'ai
dit, au debut de cet ouvrage (III, 1), que l'auteur le plus exact etait celui
qui ecrivait sur son propre pays: cependant pour cette partie j'aime mieux
suivre les expeditions romaines et le roi Juba, qui a adresse a ce fils
d'Auguste, C. Cesar, un livre sur cette meme expedition d'Arabie.
XXXII
.
(XXVIII.)
[1]
L'Arabie, qui ne le cede a aucune
autre contree, d'une etendue immense, commence, comme nous l'avons dit (V, 20
et 21), au mont Amanus, a la Cilicie et a la Commagene; plusieurs nations
arabes ont ete amenees dans ces contrees par le grand Tigrane; d'autres sont
venues spontanement sur notre mer (Mediterranee) et la cote de l'Egypte,
ainsi que nous l'avons dit (V, 12); et meme les Nubeens penetrent dans le
milieu de la Syrie jusqu'au mont Liban.
[2]
Aux Nubeens touchent les Ramiseens, a ceux-ci les Taraneens, puis les
Patamiens. Quant a la peninsule Arabique elle-meme, elle s'etend entre deux
mers, la mer Rouge et le golfe Persique. La nature semble avoir voulu l'entourer
de la mer, de maniere a lui donner la forme et la grandeur de l'Italie, dont
elle a d'ailleurs exactement l'orientation. Une situation analogue lui procure
une fertilite analogue. Nous avons enumere les nations arabes depuis notre
mer (Mediterranee) jusqu'aux deserts de Palmyre (V,12 et 21); enumerons
maintenant les autres. Au dela des Nomades et de ceux qui pillent la Chaldee,
sont, comme nous l'avons dit, les Scenites (VI, 30, 8), nomades eux-memes, et
ainsi nommes de leurs tentes de poil de chevre (skene, tente), qu'ils
plantent ou il leur plait.
[3]
Puis les Nabateens ont la ville de Petra, situee dans un vallon d'un peu
moins de 2.000 pas, entouree de montagnes inaccessibles, et traversee par une
riviere ; elle est a 600.000 pas de Gaza sur notre mer (Mediterranee), a
135.000 de golfe Persique. La aboutissent deux routes, celle qui mene de la
Syrie a Palmyre, et celle qui vient de Gaza.
[4]
A partir de Petra, le pays a ete habite par les Omanes jusqu'a Charax : il
y avait la autrefois des villes celebres, fondees par Semiramis, Abesamis
et Soractia; ce sont maintenant des solitudes. Puis est une ville qui obeit au
roi des Characeniens, sur le bord du Pasitigris, nommee Forath, qui est un
rendez-vous quand on vient de Petra. De Forath on remonte par eau a Charax,
distance de 12.000 pas, avec l'aide de la maree. Quand on vient par eau de chez
les Parthes, on trouve le bourg de Teredon au-dessous du confluent de
l'Euphrate et du Tigre; la rive gauche du fleuve est occupee par les
Chaldeens, la droite par les nomades-Scenites.
[5]
Quelques auteurs rapportent qu'en naviguant sur le Tigre on rencontre a
un grand intervalle deux villes, Barbatia, puis Thumata: nos negociants disent
que Thumata est a dix journees de navigation de Petra, et qu'elle obeit au
roi des Characeniens; qu'Apamee est situee la ou les lagunes formees par
l'Euphrate communiquent avec le Tigre, et que lorsque les Parthes projettent des
incursions, les habitants les arretent en elevant des digues, qui causent une
inondation.
[6]
Partons de Charax pour decrire la cote; le roi Epiphane (de Syrie, av.
J. C. 176 - 164) l'a fait le premier explorer : le lieu ou fut l'embouchure de
l'Euphrate (VI, 31, 4); le fleuve Sale; le cap Chaldone: une etendue de cotes
de 50.000 pas, plus semblable a un gouffre qu'a une mer; le fleuve Achana; les
deserts pendant 100.000 pas, jusqu'a l'ile Ichara; le golfe Capeus, sur
lequel habitent les Gaulopes et les Chatenes; le golfe Gerraique; la ville de
Gerra, qui a 5.000 pas d'etendue, et des tours faites de quartiers de sel
cubiques; a 50.000 pas du littoral, le pays d'Attene; en face, l'ile Tylos,
a 50.000 pas du rivage, tres celebre a cause de l'abondance des perles,
avec une ville de meme nom; a cote, une autre plus petite, qui, a 12,500
pas du promontoire de la premiere (au dela, dit-on, on apercoit de grandes
iles, auxquelles on n'a pas aborde),
[7]
a 112.500 pas de tour, et est eloignee de la Perse de plus de 112.500
pas; on n'y arrive que par une passe etroite. Asgilia, ile; nations : les
Nochetes, les Zuraches, les Borgodes, les Catareens, les Nomades; le fleuve du
Chien. Au dela, un littoral que la navigation n'a pas explore de ce cote, a
cause des ecueils, au dire de Juba, qui a omis la mention de Batrasabbes, ville
des Omanes, et d'Omana, dont les auteurs precedents avaient fait un port
celebre de la Carmanie; il a omis aussi Omna et Athana, villes que nos
negociants disent etre aujourd'hui un des rendez-vous les plus frequentes du
golfe Persique.
[8]
Au dela du fleuve du Chien, d'apres Juba, une montagne qui semble brulee; la
nation des Epimaranites; puis les Ichthyophages; une ile deserte; la nation
des Bathymes; les monts Ebliteens; l'ile Omoenus; le port Machorbe; les iles
Etaxalos et Onchobrice; la nation des Chadeens; plusieurs iles sans nom; iles
renommees, Isura, Rhinnea, et une ile voisine ou sont des colonnes de pierre
portant des inscriptions en caracteres inconnus; le port de Goboea; les iles
Bragae, desertes; la nation des Thaludeens; la region de Dabanegoris; le mont
Orsa, avec un port; le golfe Duatus ; plusieurs iles ; le mont Tricoryphos; la
region de Cardalene; les iles Solanides et Capina ; les iles des
Ichthyophages ; puis Glari, le littoral Hammeen, ou sont des mines d'or; la
contree Canauna; les nations des Apitames et des Gasanes; l'ile Devade; la
fontaine Goralus; les iles Calaeu et Amnamethu ; la nation des Darres; l'ile
de Chelonitis, plusieurs iles des Ichthyophages; Eodanda, deserte; Basag;
plusieurs iles des Sabeens;
[9]
les fleuves Thamar, Amnon; les iles Doliques ; les sources Daulotes et
Dora; les iles Pteros, Labatanis, Coboris, Sambracate, et une ville de meme
nom sur le continent; au midi, plusieurs iles, Camaris la plus grande; le
fleuve Mysecros; le port Leupas; les Scenites Sabeens; plusieurs iles; le
marche des Scenites Sabeens. Acila, ou l'on s'embarque pour l'Inde; le pays
Amithoscuta; Damnia; les grands et les petits Mizes; les Drimates. Le
promontoire des Naumacheens est en face de la Carmanie, a 50.000 pas: on
raconte qu'il s'y passa un evenement singulier: Numenius, nomme gouverneur
de la Mesene par le roi Antiochus, y vainquit le meme jour les Perses dans un
combat naval, et, la maree s'etant retiree, dans un combat de cavalerie; il
eleva sur ce lieu un double trophee, l'un a Jupiter, l'autre a Neptune.
[10]
En face, dans la haute mer, est l'ile d'Ogyris, celebre par le tombeau du roi
Erythras; elle est a 125.000 pas du continent, et elle en a 112.000 de tour.
Une autre non moins celebre est dans la mer Azanienne; elle se nomme ile de
Dioscoride (Socotora), et est a 280.000 pas du cap Syagrus (Fartach), qui est
le plus en dehors.
[11]
Au midi, sur la terre ferme, les Ausarites (XII, 45) ; puis un trajet de huit
jours de marche a travers les montagnes : nations, les Larendans, les
Catabanes, les Gebanites, avec plusieurs villes, dont les plus grandes sont
Nagia, et Tamna (XII, 32) avec soixante-cinq temples, nombre qui temoigne de sa
grandeur; un promontoire (Syagrus ?), d'ou l'on compte 50.000 pas a la terre
ferme des Troglodytes; les Toaniens (
28
), les
Ascites, les Chatramotites, les Tomabeens, les Antidaleens, les Lexianes, les
Agreens (
29
), les Cerbanes, les Sabeens, les plus
connus des Arabes a cause de l'encens, et dont les tribus s'etendent sur l'une
et l'autre mer.
[12]
Villes qui leur appartiennent sur le rivage de la mer Rouge, Marane,
Marma, Corolia, Sabatha; dans l'interieur, les villes de Nascus, Cardava, Carnus
et Tomala, ou l'on apporte les parfums. Un district appartient aux Atramites
(XII, 32), dont la capitale est Sabota, renfermant dans son enceinte soixante
temples; mais la ville royale est Mariaba. L'Atramitide occupe un golfe de
94.000 pas, rempli d'iles ou croissent les parfums. Aux Atramites touchent
dans l'interieur des terres les Mineens; sur le bord de la mer habitent les
Elamites avec une ville de meme nom;
[13]
leurs voisins sont les Cagulates, la ville de Sibi, que les Grecs appellent
Apate; les Arses, les Codans, les Vadeens, avec une grande ville; les
Banasaseens, les Lechiens; l'ile de Sygaros, ou les chiens n'entrent pas; si
on les y porte, ils hurlent sur les rivages et y meurent. Un golfe profond ou
sont les Leanites, qui lui ont donne leur nom ; leur capitale est Agra, et
dans le golfe Laeana, ou, suivant d'autres, Aelana ; car le golfe lui-meme a
ete appele par les auteurs latins Aelanitique, par d'autres Aelenatique, par
Artemidore Aelenitique, par Juba Laenitique. Le tour de l'Arabie depuis Charax
jusqu'a Laeana est, d'apres les auteurs, de 4.770.000 pas; Juba pense que le
tour en est d'un peu moins de 4.000.000 de pas. L'Arabie est la plus large, au
nord, entre les villes Heroum et Charax.
[14]
Maintenant enumerons ce qui reste dans l'interieur. Selon les anciens,
aux Nabateens confinaient les Thimaneens; maintenant ils ont pour voisins les
Tavenes; suivent les Suellenes, les Arracenes, les Arenes; une ville, qui
est le rendez-vous de tout le commerce; les Hemuates, les Analites; les villes
de Domatha et d'Egra; les Thamudenes; la ville de Badanatha; les Carreens; la
ville de Carriata; les Achoales; la ville de Phoda; les Mineens (XIII, 35),
tirant, d'apres l'opinion vulgaire, leur origine de Minos, roi de Crete, et
auxquels appartiennent les Charmeens; une ville de 14.000 pas; Mariaba des
Baramalaques, qui elle-meme n'est pas a mepriser; la ville de Cannon ;
[15]
les Rhadameens, qui passent pour tirer leur origine de Rhadamanthe,
frere de Minos; les Homerites (VI, 26, 9), avec la ville de Massala; les
Hamireens, les Gedranites, les Ampres, les Ilisanites, les Bachilites, les
Sammeens, les Amatheens avec les villes de Nessa et Cennesseris, les
Zamarenes avec les villes de Saiace, de Scantate et de Bacascamis; la ville de
Riphearma, mot qui signifie orge dans la langue des indigenes; les Auteens,
les Raves, les Gyreens, les Mathateens, les Helmodenes avec la ville d'Ebade;
[16]
les Agactures dans les montagnes, avec une ville de 20.000 pas, ou est la
source Emischabales, nom signifiant ville des chameaux; Ampelone, colonie des
Milesiens ; la ville d'Actrida, les Calingiens, dont la ville s'appelle
Mariaba, mot qui signifie maitre de tous; les villes de Pallon, de Vrannimal,
aupres d'un fleuve par lequel l'on pense que l'Euphrate vient sortir; les
nations des Agreens et des Ammoniens; la ville d'Athene; les Caurananes, mot
qui signifie tres riches en gros betail; les Coranites, les Caesanes, les
Choanes. Il y eut aussi dans ces parages des villes grecques, Arethuse,
Larisse, Chalcis; elles ont ete detruites dans differentes guerres.
[17]
Jusqu'a ce jour les armes romaines n'ont ete portees dans l'Arabie que par
Aelius Gallus, de l'ordre equestre; car C. Cesar (VI, 31, 14), fils d'Auguste,
ne fit que voir de loin l'Arabie. Gallus detruisit des villes qui n'avaient pas
ete nommees par les auteurs anterieurs, Negra, Amnestrum, Nesca, Magusa,
Tammacum, Labecia et Marlaba [des Calingiens], nommee plus haut (VI, 32, 16),
de 6.000 pas de tour; il detruisit aussi Caripeta (30); ce fut la limite
extreme de son expedition.
[
18]
Il rapporta les renseignements suivants: que les nomades se nourrissent
de lait, et de la chair des betes sauvages; que les autres expriment, comme
les Indiens (XIV, 19), un vin des palmiers et une huile du sesame; que les
Homerites sont les plus nombreux ; que les Mineens ont des champs fertiles en
palmiers et en arbrisseaux, et que leur richesse consiste en troupeaux; que les
Cerbanes, les Agreens, et surtout les Chatramotites l'emportent a la guerre;
que les Carreens ont les champs les plus etendus et les plus fertiles; que le
territoire des Sabeens est le plus riche en forets remplies d'arbres
odoriferants, en mines d'or, en cours d'eau pour l'arrosement des champs, en
miel et en cire. Nous parlerons des parfums dans le livre qui est consacre a ce
sujet. (XII).
[19]
Les Arabes portent la mitre, ou les cheveux longs; ils se rasent la
barbe, excepte a la levre superieure; d'autres ne se la coupent pas du tout.
Chose singuliere, parmi les peuples innombrables de cette contree, une moitie
vit dans le commerce, et l'autre dans le brigandage ! En somme, ce sont les
nations les plus riches du monde; car les tresors des Romains et des Parthes y
affluent. Les Arabes vendent les productions de leurs mers ou de leurs forets,
et n'achetent rien.
XXXIII
[1]
Maintenant suivons la cote opposee a la cote Arabique.
Timosthene a evalue le golfe entier en longueur a quatre jours de
navigation, et a deux jours en largeur; le detroit, a 7.500 pas de largeur.
Eratosthene evalue la longueur de chacune des deux cotes, depuis l'entree,
a 1.300.000 pas; Artemidore, la cote Arabique a 1.750.000 pas, (XXIX.) et la
cote Troglodytique jusqu'a Ptolemais, a 1.137.500 pas; Agrippa, a 1.722.000
pas, sans distinction de cote: la plupart ont dit que la largeur en etait de
475.000 pas; et ils ont porte la largeur du detroit qui regarde l'orient
d'hiver, les uns a 6.000 pas, les autres a 7.000, d'autres a 12.000.
[2]
Voici la configuration des lieux : apres le golfe Aelaniitique est un autre
golfe que les Arabes nomment Aeant, ou est la ville d'Heroum. Il y est aussi,
entre les Neles et les Marchades, la ville de Cambyse, ou ce prince etablit
les malades de son armee. Puis viennent la nation des Tyres, le port Daneon.
Le projet de conduire de la un canal navigable jusqu'au Nil, a l'endroit ou
il descend dans le Delta nomme plus haut (V, 9), dans l'intervalle de 62.000
pas qui separe le fleuve de la mer Rouge; ce projet, dis-je, a ete concu
d'abord par Sesostris, roi d'Egypte, puis par Darius, roi de Perse; enfin par
le second Ptolemee (av. J.C. 205 - 246), qui fit creuser un canal de 100 pieds
de large, de 40 pieds de profondeur, de 37.500 pas de long, jusqu'aux Sources
ameres:
[3]
il ne le continua pas plus loin, par la crainte de l'inondation, car on
decouvrit que le niveau de la mer Rouge est de trois coudees au-dessus du sol
de l'Egypte; d'autres n'attribuent pas a une crainte l'interruption du
travail, mais ils disent que l'on eut peur que l'introduction de l'eau de mer ne
gatat l'eau du Nil, qui seule sert a la boisson. Neanmoins, tout ce trajet
depuis la mer d'Egypte se fait par terre; il y a trois itineraires: l'un part
de Peluse, et traverse les sables, ou l'on ne peut retrouver son chemin qu'a
l'aide de roseaux fixes en terre, a cause que les vents effacent la trace des
pas.
[4]
Un second commence a 2.000 pas au dela du mont Casius (VI, l 2), et rejoint au bout de 60.000 la route de Peluse. Les Arabes Auteens habitent sur ce
trajet. Le troisieme part de Gerrhum qu'on appelle Sans-Soif, traverse le pays
des memes Arabes, et est plus court de 60.000 pas; mais il franchit d'apres
montagnes, et est pauvre en eau. Toutes ces routes aboutissent a Arsinoe,
fondee dans le golfe de Charandra, sous le nom de sa soeur, par Ptolemee
Philadelphe, qui, le premier, explora la Troglodytique, et qui appela Ptolemee
un fleuve passant a Arsinoe. Puis est la petite ville d'Aennus, nom au lieu
duquel d'autres ecrivent Philotera; au dela, les Azareens, Arabes sauvages
sortis des mariages avec les Troglodytes; les iles de Sapirene et de Scytala;
puis des deserts jusqu'a Myoshormos, ou est la source Tadnos; le mont Aeas;
l'ile Iambe; plusieurs ports; Berenice, appelee ainsi du nom de la mere de
Philadelphe, a laquelle, avons-nous dit (VI, 26, 8), on arrive de Coptos; les
Arabes Auteens, les Gebadeens.
XXXIV
.
[1]
La Troglodytique, que les anciens ont nommee
Michoe, d'autres Midoe; le mont Pentedactylos; les iles Stenaedeirae (Cols
etroits) en assez grand nombre, les iles Halonneses en nombre non moins
grand; Cardamine ; Topazos, qui a donne son nom a la pierre precieuse
(XXXVII, 32 ); un golfe rempli d'iles : celles qu'on appelle iles de Mareos
ont de l'eau, celles qu'on appelle iles d'Eraton n'en ont pas, les rois
d'Egypte y eurent des gouverneurs. Dans l'interieur, les Candeens, qu'on
appelle Ophiophages , accoutumes a se nourrir de serpents; il n'y a pas de
pays qui en produise davantage.
[2]
Juba, qui parait avoir mis beaucoup d'exacti ude dans la description de
ces parages, y a omis, a moins que ce ne soit une faute des copistes, une autre
Berenice, surnommee Panchrysos (Tout-or), et une troisieme, surnommee
Epidires (Sur-le-col), remarquable par sa situation : elle est en effet,
placee sur un col tres allonge, la ou le detroit de la mer Rouge separe
l'Afrique de l'Arabie par un intervalle de 7.500 pas. La est l'ile de Tytis,
qui produit aussi des topazes.
[3]
Au dela, les forets ou est Ptolemais, fondee sur le lac Monoleus par
Philadelphe, pour la chasse des elephants, et surnommee par cette raison
Epitheras (Pour-la-chasse) : cette region est celle dont nous avons parle
dans 2e livre (II, 75), et ou, 45 jours avant le solstice d'ete et 45 jours
apres, il n'y a pas d'ombre a midi; dans les autres heures l'ombre est
tournee au midi; hors ces 90 jours, elle est tournee au nord ; au lieu qu'a
la premiere Berenice l'ombre disparait, il est vrai, a midi, le jour meme
du solstice d'ete, mais on ne remarque rien autre. Elle est a 602.000 pas de
Ptolemais: grand exemple ! lieu temoin d'un prodige de l'esprit humain ! la
la mesure du monde a ete trouvee; car, en partant du calcul incontestable des
ombres, Eratosthene a pu indiquer la dimension de la terre.
[4]
Puis vient la mer Azanienne; le promontoire que quelques-uns ont appele
Hispalus; le lac Mandalum ; l'ile Colocasitis, et, en haute mer, plusieurs
iles ou abonde la tortue; la ville de Suche : l'ile de Daphnis; la ville des
Adulites, fondee par des esclaves fugitifs egyptiens : c'est le plus grand
marche des Troglodytes et meme des Ethiopiens; elle est a cinq jours de
navigation de Ptolemais; on y porte beaucoup d'ivoire, des cornes de
rhinoceros, des cuirs d'hippopotames, des ecailles de tortues, des sphingies
(sorte de singe), et des esclaves.
[5]
Au dela, les Ethiopiens laboureurs; les iles dites d'Aliaeos; les
iles Bacchias et Antibacchias; l'ile de Straton; puis sur la cote d'Ethiopie
un golfe inconnu, ce qui est etonnant, car les negociants trafiquent sur des
points plus eloignes; le cap sur lequel est la source de Cucios, visitee des
navigateurs; au dela le port d'Isis, eloigne de la ville des AduIites de dix
jours de navigation pour un vaisseau allant a rames, et ou l'on porte la
myrrhe de la Troglodytique; deux iles en face du port, appelees Pseudopyles ;
dans le port meme deux iles appelees Pyles; dans l'une d'elles des colonnes
de pierre (VI, 32) portant des inscriptions en caracteres inconnus; au dela le
golfe Abalite; l'ile de Diodore, et d'autres iles desertes; sur le continent
aussi, des deserts; la ville de Gaza; le cap et le port Mossylique, ou l'on
apporte le cinnamome; Sesostris vint jusque-la avec son armee.
[6]
Quelques-uns placent au dela, sur le rivage une seule ville d'Ethiopie,
Baragaza. Juba pretend qu'au promontoire Mossylique commence la mer Atlantique,
et qu'a l'aide du Corus (vent du coucher d'ete) on irait, longeant son
royaume de Mauritanie, jusqu'a Cadix. Il ne faut pas omettre ici d'exposer
toute sa maniere de voir : suivant lui, du promontoire des Indiens, appele
Lepteacra et par d'autres Drepanum, il y a en ligne droite, en doublant Exusta,
jusqu'a l'ile Malchu, 1.500.000 pas; de la au lieu qu'on nomme Sceneos,
225.000; de la a l'ile d'Adanos, 150.000; ce qui fait jusqu'a la grande mer
1.875.000.
[7]
Tous les autres ont pense que la chaleur brulante du soleil en
empechait la navigation. De plus, le commerce est en butte aux pirateries
d'Arabes insulaires appeles Ascites (VI, 32), parce que, placant des planches
sur deux outres de peau de boeuf, ils attaquent les navigateurs avec des
fleches empoisonnees. Juba compte encore parmi les Troglodytes ceux qui sont
nommes Therothoes (Chacals-chasseurs), parce qu'ils atteignent le gibier a
la course, de meme que les Ichthyophages nagent aussi bien que les animaux
marins, les Bargenes, les Zageres, Ies Chalybes, les Saxines, les Syreques,
les Daremes, les Domazanes.
[8]
De plus, il dit que les habitants des bords du Nil depuis Syene jusqu'a
Meroe sont non des Ethiopiens, mais des Arabes; que la ville d'Heliopolis,
qui, avons-nous dit dans la description de l'Egypte (V, 9, 3), est non loin de
Memphis, a aussi les Arabes pour fondateurs. Il y a meme des auteurs qui
enlevent la rive ulterieure [orientale] du Nil a l'Ethiopie, et l'adjoignent
a l'Afrique, dont les habitants se seraient repandus sur les deux rives a
cause de l'eau. Quant a nous, laissant a chacun le soin de se faire une
opinion la-dessus, nous allons enumerer les villes dans l'ordre de leur
situation sur l'un et l'autre bord.
XXXV
.
[1]
Depuis Syene (V, 10), et d'abord sur la rive
Arabique, la nation des Catadupes (V, 10, 4 et 16); puis les Syenites. Villes :
Tacompsos, que quelques-uns ont appelee Thathice, Aranium, Sesanium, Sandura,
Nasaudum, Anadoma, Cumara, Peta, Bochiana, Leuphithorga, Tantarene,
Moechindira, Noa, Gophoa, Gystate, Megeda, Lea, Rhemnia, Nupsia, Direa,
Pataga, Bagada, Dumana, Rhadata, ou l'on adorait pour divinite un chat d'or;
Boron dans les terres; Mallos tout pres de Meroe: telle est l'enumeration
de Bion.
[2]
Juba parle autrement : La ville de Megatichos sur une montagne, entre l'Egypte
et l' Ethiopie, portant le nom de Myrsos chez les Arabes; puis Tacompsos,
Aranium, Sesanium, Pide, Mamuda, Corambis; aupres de cette ville une source de
bitume; Hammodara, Prosda, Parenta, Mama, Tessara, Gallas, Zoton, Graucome,
Emeum, les Pidibotes, les Hebdomecontacometes, les Nomades vivant dans des
tentes; Cyste, Pemma, Gadagale, Palois, Primis, Nupsis, Daselis, Patis,
Gambreves, Magase, Segasmala, Cranda, Denna, Cadeuma, Thena, Batha, Alana,
Macum, Scammos, Gora dans une ile; puis Abala; Androcalis, Sere, Mallos, Agoce.
[3]
Sur la rive Africaine, on cite : une autre Tacompsos portant le nom de la
precedente, ou n'en etant peut-etre qu'une partie: Magora, Sen, Edosa,
Pelenaria, Pyndis, Magusa, Bauma, Linitima, Spintum, Sydopta, Gensora,
Pindicitora, Agugo, Orsima, Suasa, Maumarum, Urbis, Mulon, ville que les Grecs
ont appelee Hypaton; Pagoargas, Zamnes, ou commencent les elephants;
Mamblia, Berresa, Cetuma. Il y eut jadis aussi en face de Meroe une ville
nommee Epis, detruite avant que Bion n'ecrivit.
[4]
Voila les villes qu'on a citees jusqu'a Meroe; aujourd'hui il n'en existe
presque plus aucune, ni sur l'un ni sur l'autre cote. Toujours est-il que des
soldats pretoriens, envoyes avec un tribun militaire, ont, dans ces derniers
temps, annonce n'avoir trouve que des deserts, a l'empereur Neron, qui,
entre autres guerres, songeait une expedition en Ethiopie. Les armes romaines
y ont aussi penetre du temps du dieu Auguste, sous la conduite de P.
Petronius, appartenant a l'ordre equestre, et prefet de l'Egypte.
[5]
Cet officier emporta les seules villes qu'il trouva, dans l'ordre suivant
: Pselcis, Primis, Aboccis, Phthuris, Cambusis, Attevas, Stadisis, ou le Nil,
se precipitant, enleve par son fracas l'ouie aux habitants; il saccagea aussi
Napata; le terme de son expedition fut a 970.000 pas de Syene. Ce ne sont
cependant pas les armes romaines qui ont depeuple ce pays: l'Ethiopie a ete
ecrasee par les guerres des Egyptiens, dans des alternatives de conquete et
de servitude; elle avait ete celebre et puissante jusqu'a la guerre de
Troie, sous le regne de Memnon (x, 37; XXXVII, 63); elle etendit meme son
empire jusqu'a la Syrie et aux cotes de notre mer (Mediterranee), du temps
du roi Cephee; cela se voit par la fable d'Andromede (V, 34).
[6]
Semblablement les dimensions en ont ete diversement indiquees, d'abord
par Dalion, qui se rendit bien au dela de Meroe, puis par Aristocreon, par
Bion, par Basilis, et par Simonide le Jeune, qui meme sejourna cinq ans a
Meroe lorsqu'il ecrivait sur l'Ethiopie. Timosthene, commandant des flottes
de Philadelphe, a ecrit, sans evaluer autrement la distance, que de Syene a
Meroe il y avait 60 jours de marche; Eratosthene, 625.000 pas; Artemidore,
600.000; Sebosus, de l'extremite de l'Egypte, 1.675.000, distance qui,
suivant les auteurs qui viennent d'etre nommes, est de 1.250.000. Mais toute
discussion a ce sujet vient d'etre terminee : les explorateurs envoyes par
Neron ont rapporte que de Syene a Meroe il y avait 873.000 pas, ainsi
supputes : de Syene a Hiera Sycaminos, 54.000;
[7]
puis a Tama, 72.000; a la region des Evonymites, la premiere des
Ethiopiens, 120.000; jusqu'a Acina, 54.000 ; jusqu'a Pitara, 25.000; jusqu'a
Tergedum, 106.000; l'ile Gagaudes est au milieu de ces parages. A partir de
la, l'expedition vit des perroquets; a partir d'une autre ile, nommee
Artigula, le sphingie (sorte de singe) (VIII, 30) ;a partir de Tergedum, des
cynocephales (VIII, 80) : de la a Napata, 80.000 pas; cette petite ville est
la seule qui subsiste parmi celles qui ont ete citees (VI, 35, 4); de Napata
a l'ile de Meroe, 360.000. Autour de Meroe les herbes commencerent a
devenir plus vertes, et l'on apercut quelque peu de foret, et des traces de
rhinoceros et d'elephants.
[8]
D'apres ce rapport, la ville de Meroe est a 70.000 pas de l'entree
de l'ile (Meroe); a cote est une autre ile, dite de Tadu, qu'on rencontre
en entrant par le bras droit du Nil, et qui fait un port; la ville a peu
d'edifices; le pays est gouverne par une femme, la reine Candace, nom qui,
depuis grand nombre d'annees, passe de reine en reine. Hammon a ici aussi un
temple revere, et l'on trouve des chapelles dans toute la contree; au reste,
au temps de la puissance des Ethiopiens, cette ile jouissait d'un grand renom
(V, 10). On rapporte qu'elle fournissait d'ordinaire 250.000 hommes armes, et
qu'elle nourrissait 400.000 artisans. On dit qu'aujourd'hui encore les
Ethiopiens sont partages entre quarante cinq rois. (XXX.) Le pays entier a
ete appele Aetherie, puis Atlantie, puis Ethiopie, d'Ethiops fils de
Vulcain.
[9]
Il n'est pas etonnant que des formes monstrueuses d'hommes et d'animaux
se produisent vers l'extremite de l'Ethiopie; car le feu, element mobile,
est l'artisan de la configuration du corps et de la ciselure des formes.
Toujours est-il qu'on dit qu'au fond de sa partie orientale sont des peuples
sans nez, dont toute la face est plane; d'autres sans levre superieure,
d'autres sans langue;
[10]
quelques-uns, ayant la bouche close et prives de narine, ne respirent
que par un pertuis qui sert aussi de passage a la boisson, aspiree a l'aide
d'un tuyau d'avoine, et a la nourriture, consistant en grain de la meme
plante, qui croit spontanement. Certains ne parlent que par signes et gestes;
il en est a qui l'usage du feu a ete inconnu jusqu'au regne de Ptolemee
Lathyre. Des auteurs ont aussi rapporte que la nation des Pygmees (VI, 22)
etait entre des marais qui seraient l'origine du Nil.
[11]
Reprenons la cote (VI, 34, 5) au point ou nous l'avons quittee : des
montagnes continues rouges, et paraissant enflammees. Toute cette contree est
au-dessus des Troglodytes et de la mer Rouge a partir de Meroe. Pendant trois
jours de marche, de Napata a la mer Rouge, de l'eau de pluie est conservee en
plusieurs lieux pour la boisson, et le pays intermediaire est tres fecond en
or. Au dela sont les Atabules, nation ethiopienne; puis, en face de Meroe,
les Megabares, nommes par quelques-uns Adiabares, et occupant la ville
d'Apollon: une partie d'entre eux est nomade, et se nourrit de chair
d'elephant ;
[12]
en face, sur le cote africain, les Macrobiens; de l'autre cote, a partir
des Megabares, les Memnons et les Davelles, les Critenses a une distance de
vingt jours de marche; au dela les Doches, puis les Gymnetes toujours nus; les
Anderes, les Mathites, les Mesagebes, les Hipporeens, d'une couleur noire et
se mettant sur tout le corps une couche de rouge; sur le cote africain, les
Medimnes; les Nomades vivant du lait des singes cynocephales, les Olabes, les
Syrbotes, qui sont, dit-on, hauts de huit coudees (VII, 2).
[13]
Aristocreon rapporte que du cote de la Libye, a cinq jours de marche
de Meroe, est la ville de Tole, et de la a douze journees Esar, ville des
Egyptiens qui avaient fui Psammetique : on dit qu'ils y ont reside trois
cents ans, et qu'en face, du cote de l'Arabie, est la ville de Daron, qui leur
appartient. Au contraire, Dion appelle Sape ce que celui-ci appelle Esar; il dit
que ce nom signifie etrangers, que leur capitale est Sembobitis dans une ile,
et qu'ils ont une troisieme ville, Sai, en Arabie.
[14]
Entre les montagnes et le Nil sont les Symbares, les Paluogges; dans les
montagnes memes les Asaches (VIII, 23), divises en plusieurs nations qui,
dit-on, sont a cinq jours de marche de la mer, et qui vivent de la chasse des
elephants; une ile dans le Nil, qui appartient aux Semberrites et qui obeit
a une reine; plus loin, durant huit journees de marche, les Ethiopiens
Nubeens, leur ville Tenupsis placee sur le Nil; les Sambres, chez qui tous les
quadrupedes, meme les elephants, sont sans oreilles; sur le cote africain,
les Ptoembares, les Ptoemphanes qui ont un chien pour roi, et qui jugent de ses
ordres d'apres ses mouvements; les Auruspes, dans une ville situee loin du
Nil; les Achisarmes, les Phaliges, les Marigeres, les Casamarres.
[15]
Bion cite d'autres villes dans les iles, le trajet entier etant de Sembobitis
a Meroe de vingt journees de marche : dans l'ile la plus voisine de
Meroe, la ville des Semberrites, sous une reine; un autre Asar; la ville de
Daron, dans une autre ile; une troisieme ile nommee Medoe, ou est la
ville d'Asel; une quatrieme, nommee Garode comme la ville; puis sur les rives
les villes de Navos, Modundam, Andatim, Secundum, Colligat, Secande, Navectabe,
Cumi, Agrospi, Aegipa, Candrogari, Araba, Summara.
[16]
La region au dessus de Sirbitum, ou cessent les montagnes, renferme, d'apres
quelques auteurs, les Ethiopiens maritimes, les Nisicastes, les Nisites, mot
qui signifie homme a trois et quatre yeux; non qu'ils soient ainsi conformes,
mais parce qu'ils excellent a lancer les fleches. Du cote du Nil, qui
s'etend au-dessus des grandes Syrtes et de l'ocean meridional, Dalion dit que
ce sont des peuples n'usant que d'eau de pluie, appeles Cisores, Longopores;
[17]
qu'a partir des Oecalices (V, 8), a cinq journees de marche, sont les
Usibalques, les Isueles, les Pharusiens (
31
) les
Valiens, les Cispiens. Le reste est desert ; puis viennent des espaces livres
aux fables (
32
). A l'ouest sont les Nigres, dont le
roi n'a qu'un oeil, et dans le front; les Agriophages, qui se nourrissent
surtout de chair de panthere et de lion; les Pamphages, qui mangent de tout;
les Anthropophages, qui se nourrissent de chair humaine; les Cynamolges, qui ont
des tetes de chien; les Artabatites, qui errent comme les quadrupedes
sauvages; puis les Hesperiens, les Perorses, qui, avons-nous dit (V, 1, 10 et
8, 1), sont sur les confins de la Mauritanie. Une partie des Ethiopiens ne
vivent que de sauterelles fumees et salees, dont ils font provision pour
l'annee; ces hommes ne passent pas quarante ans.
[18]
D'apres Agrippa, le pays entier des Ethiopiens avec la mer Rouge, a en long
2.170.000 pas; en large, avec l'Egypte superieure, 1.298.000. Quelques uns ont
detaille ainsi la longueur : de Meroe a Sirbitum, une navigation de douze
jour-nees; de la aux Davelles, douze; des Davelles a l'ocean Ethopique, six
jours de marche; en somme la plupart des auteurs s'accordent a compter, de
l'Ocean a Meroe, 625.000 pas; de la a Syene il y a la distance que nous
avons indiquee (VI, 35, 6). L'Ethiopie est orientee du levant d'hiver au couchant
d'hiver; la partie qui est au midi a de vastes forets ou l'ebene domine;
dans son milieu, une haute montagne, penchee sur la mer, brule de feux
eternels; les Grecs l'ont appelee Theon ochema (Char des dieux). De la, en
quatre jours de navigation, on arrive au promontoire nomme Hesperion ceras
(Corne occidentale), touchant a l'Afrique, pres des Ethiopiens hesperiens.
Quelques-uns placent aussi dans ces parages des collines d'une mediocre
hauteur, couvertes d'ombrages agreables, et sejour des Aegipans et des Satyres
(V, 8).
XXXVI
.
(XXXI.)
[1]
Un grand nombre d'iles sont dans cette
mer, d'apres Ephore, Eudoxe et Timosthene; Clitarque dit qu'on parla a
Alexandre d'une ile tellement riche, que les habitants donnaient un talent
d'or pour un cheval; d'une autre, ou l'on trouve un mont Sacre couvert d'une
foret epaisse, dont les arbres laissaient couler un parfum d'une suavite
merveilleuse. En face du golfe de Perse est une ile nommee Cerne, opposee a
l'Ethiopie : on n'en connait ni la grandeur ni la distance au continent. On
dit que la population en est exclusivement ethiopienne.
[2]
Ephore rapporte que les navigateurs qui y cinglent de la mer Rouge ne
peuvent s'avancer, a cause des chaleurs, au dela de certaines colonnes: on
appelle ainsi de petites iles. D'apres Polybe, Cerne est a huit stades
(metres 1.472) du continent, en face du mont Atlas, a l'extremite de la
Mauritanie. D'apres Cornelius Nepos, elle est a peu pres a l'opposite de
Carthage (
33
) a 1.000 pas du continent, et n'a pas
plus de 2.00 pas de tour.
[3]
On parle encore d'une ile Atlantis, en face de l'Atlas, et tirant
d'Atlas son nom comme la montagne. A cinq jours de navigation de cette ile sont
des solitudes jusqu'aux Ethiopiens Hesperiens, et au promontoire que nous avons
appele Corne occidentale, point ou le front de la terre ferme commence a
s'inflechir vers le couchant et vers la mer Atlantique. On cite encore en face
de ce promontoire les iles Gorgades, jadis le sejour des Gorgones, a deux
jours de navigation du continent, ainsi que le rapporte Xenophon de Lampsaque.
Hannon, general des Carthaginois, y a penetre, et il a rapporte que les
femmes avaient le corps velu, que les hommes s'echapperent par la rapidite de
leur course; et il consacra dans le temple de Junon, en temoignage de son
expedition et comme curiosite, les peaux de deux Gorgones, qu'on y a vues
jusqu'a la prise de Carthage. Plus loin encore que les iles Gorgades, sont,
dit-on, deux iles des Hesperides. Au reste, tout cela est tellement incertain,
que Statius Sebosus a evalue la distance entre les iles des Gorgones et les
iles des Hesperides a quarante journees de navigation le long de l'Atlas, et
a une journee de navigation la distance entre les Hesperides et la Corne
occidentale. Les renseignements sur les iles de la Mauritanie ne sont pas plus
certains. On sait seulement qu'il y en a quelques-unes en face des Autololes (V,
1, 9), decouvertes par Juba, qui y avait etabli des fabriques de pourpre de
Getulie (IX, 60).
XXXVII
.
(XXXII.)
[1]
Des auteurs rapportent qu'au dela
sont les iles Fortunees et quelques autres. Le meme Sebosus est alle
jusqu'a en donner le nombre et les distances, disant que Junonia est a 750.000
pas de Cadix; que Pluvialia et Capraria sont a cette meme distance de Junonia,
vers l'occident; que dans Pluvialia il n'y a pas d'autre eau que l'eau de pluie;
qu'a 250.000 pas sont les iles Fortunees, a la gauche de la Mauritanie, sur
la ligne de trois heures de l'apres-midi (sud-ouest ); qu'une ile est appelee
Convallis a cause de ses concavites, et une autre Planaria a cause de son
apparence; que le tour de Convallis est de 350.000 pas, et que les arbres s'y
elevent a la hauteur de 114 pieds.
[2]
Voici le resultat des recherches de Juba sur les iles Fortunees: il
les place aussi au midi aupres du couchant, a 625.000 pas des iles
Purpuraires (VI, 36, 4); de sorte qu'on navigue pendant 250.000 pas au-dessus du
couchant, puis on va a l'est pendant 375.000 pas (
34
).
La premiere, nommee Ombrios, ne porte aucune trace d'edifices : elle a en ses
montagnes un etang, des arbres semblables a la ferule (XIII, 42). On extrait
une eau amere de ceux qui sont noirs, une eau agreable a boire de ceux qui
sont blancs. Une autre ile s'appelle Junonia; on n'y voit qu'un petit temple
bati en pierre; dans le voisinage est une ile de meme nom, plus petite;
[3]
puis vient Capraria, remplie de grands lezards. En vue de ces iles est
Nivaria, qui a pris ce nom de ses neiges perpetuelles, et qui est couverte de
brouillards. La plus voisine de Nivaria est Canaria, appelee ainsi des chiens
d'une grandeur enorme qui y abondent ; on en amena deux au roi Juba : on y
apercoit des vestiges d'edifices. Toutes ces iles ont en abondance des arbres
fruitiers et des oiseaux de toute espece. De plus, Canaria est pleine de bois
de palmiers a dattes (XIII, 9), et de pommes de pin. Il y a aussi du miel en
grande quantite; on trouve dans les rivieres du papyrus et des silures (IX,
17). Ces iles sont infectees par la putrefaction des animaux que la mer
rejette continuellement sur leurs cotes.
XXXVIII
.
[1]
Mais nous avons suffisamment decrit le globe
terrestre, tant dans les continents qu'en dehors; il faut maintenant resumer la
mesure des mers. (XXXIII) D'apres Polybe, on compte depuis le detroit de
Cadix, en droite ligne, jusqu'a l'embouchure du Palus-Meotide, 3.437.500 pas;
du meme point de depart, en droite ligne a l'orient, jusqu'a la Sicile,
1.260.500 pas; de la a la Crete, 375.000; de la a Rhodes, 183.500: de la
aux iles Chelidoniennes, autant; de la a Chypre, 322.500; de la a
Seleucie Pieria de Syrie, 115.000,
[2]
ce qui fait une somme de 2.440.000 pas. Agrippa estime ce meme
intervalle depuis le detroit de Cadix jusqu'au golfe d'Issus, en ligne directe,
a 3.440.000 pas; mais je ne sais s'il n'y a pas la une erreur de chiffres, car
le meme auteur n'evalue la distance du detroit de Sicile a Alexandrie qu'a
1.250.000 pas. Tout le circuit le long des golfes indiques est, a partir du
detroit de Cadix jusqu'au Palus-Meotide, de 10.056.000 pas. Artemidore en
ajoute 753.000 ; et, y compris le Palus-Meotide, il evalue ce circuit a
17.390.000. Telle est la mesure donnee par des hommes qui vont sans armes, et
avec une audace pacifique, provoquer la fortune.
[3
]
Maintenant comparons la grandeur des diverses parties du monde, quelque
difficulte qui naisse de la diversite des auteurs: on s'en fera la meilleure
idee, si l'on ajoute la longueur a la largeur (
35
).
D'apres cette maniere de compter, la grandeur de l'Europe est de 8.294.000
pas. L'Afrique (pour prendre la moyenne des evaluations donnees par les
auteurs) a en longueur 3.794.000 pas; la largeur dans la partie cultivee,
n'excede jamais 250.000 pas; mais comme Agrippa l'estime dans la Cyrenaique a
910.000 pas, y comprenant les deserts jusqu'a ce qu'on connaissait du pays des
Garamantes, la somme qui entre en ligne de compte est de 4.608.000 pas.
[4]
La longueur de l'Asie est, de l'aveu commun, de 6.375.000 (V, 9 ); la
largeur, qui doit s'en compter depuis la mer Ethiopienne jusqu'a Alexandrie,
situee pres du Nil, de maniere a passer par Meroe et Syene, est de
1.875.000. En resume, l'Europe est plus grande que l'Asie, d'un peu moins de
la moitie de l'Asie, et plus grande que l'Afrique d'une fois l'Afrique et un
sixieme.
[5]
En reunissant toutes ces sommes, on verra que l'Europe est un peu plus du tiers
et un huitieme de la terre entiere, que l'Asie en est le quart et un
quatorzieme et l'Afrique le cinquieme et un soixantieme.
XXXIX
.
[1]
Nous ajouterons encore une theorie d'invention grecque, et
excessivement ingenieuse, afin que rien ne manquer dans la contemplation de la
geographie, et que l'indication des regions fasse voir les liens qui les
rattachent, c'est-a-dire quels en sont les rapports pour la duree des jours et
des nuits, et quelles sont celles qui ont des ombres egales et une meme
hauteur sous le pole. Donnons donc ce detail, et rapportons la terre entiere
aux divisions du ciel. Ces segments du monde que les Latins ont appeles
cercles, et les Grecs paralleles, sont nombreux.
[2]
(XXXIV.) Le premier commence a la partie de l'Inde tournee vers le midi : il
s'etend jusqu'a l'Arabie et aux riverains de la mer Rouge; il comprend la
Gedrosie, la Perse, la Carmanie, l'Elymaide, la Parthyene, l'Arie, la
Susiane, la Mesopotamie, Seleucie surnommee Babylonienne, l'Arabie jusqu'a
Petra, la Coele Syrie, Peluse, la partie inferieure de l'Egypte, ce qu'on
appelle la Chora (region) d'Alexandrie, les parties maritimes de l'Afrique,
toutes les villes de la Cyrenaique, Thapsus, Adrumetum, Clupea, Carthage,
Utique, les deux Hippones, la Numidie, les deux Mauritanies, la mer Atlantique,
les Colonnes d'Hercule. Dans cette zone, au jour de l'equinoxe, a midi,
l'indice qu'on appelle gnomon, de 7 pieds de long, ne donne pas une ombre de
plus de 4 pieds; la nuit la plus longue et le jour le plus long sont de 14
heures equinoxiales; les plus courts, de 10 heures.
[3]
Le parallele suivant commence a l'Inde, qui regarde le couchant; il passe par
le milieu du pays des Parthes, Persepolis, le nord de la Perse, l'Arabie
citerieure, la Judee, le mont Liban; il embrasse Babylone, l'Idumee, la
Samarie, Jerusalem, Ascalon, Joppe, Cesaree, la Phenicie, Ptolemais,
Sidon, Tyr, Beryte, Botrys, Tripolis, Byblos, Antioche, Laodicee, Seleucie,
les parties maritimes de la Cilicie, le midi de Chypre, la Crete, Lilybee en
Sicile, le nord de l'Afrique et de la Numidie. A l'equinoxe, le gnomon de 35
pieds donne une ombre de 24 pieds. Le plus grand jour et la plus grande nuit
sont de 14 heures equinoxiales et un cinquieme.
[4]
Le troisieme parallele commence aux Indiens voisins de l'Imaus; il
passe par les portes Caspiennes les plus voisines de la Medie, la Cataonie, la
Cappadoce, le Taurus, l'Amanus, Issus, les portes de Cilicie, Solae, Tarse,
Chypre, la Pisidie, Side de Pamphylie, la Lycaonie, Patara de Lycie, le Xanthe,
Caunus, Rhodes, Cos, Halicarnasse, Gnide, la Doride, Chios, Delos, les Cyclades
moyennes, Gythium (IV, 8), Malee, Argos, la Laconie, l'Elide, Olympie,
Messene (
36
) du Peloponnese, Syracuse, Catane,
le milieu de la Sicile, le midi de la Sardaigne, Carteia, Cadix. Un gnomon de
100 parties donne une ombre de 77 parties. Le jour le plus long est de 14 heures
equinoxiales et une demie plus un trentieme.
[5]
Sous le quatrieme parallele sont les pays situes de l'autre cote de
l'Imaus, le midi de la Cappadoce, la Galatie, la Mysie, Sardes, Smyrne,
Sipylus, le mont Tmolus de Lydie, la Carie, l'Ionie, Tralles, Colophon,
Ephese, Milet, Samos, Chios, la mer Icarienne, les Cyclades septentrionales,
Athenes, Megare, Corinthe, Sicyone, l'Achaie, Patras, l'Isthme, l'Epire, le
nord de la Sicile, le levant de la Gaule Narbonnaise, le littoral de l'Espagne
a partir de Carthagene, et de la au couchant. A un gnomon de 21 pieds
repondent des ombres de 17; le jour le plus long est de 14 heures equinoxiales
et deux tiers.
[6]
Au cinquieme parallele appartiennent, depuis l'entree de la mer Caspienne
(VI, 15, 1), Bactres, l'Iberie, l'Armenie, la Mysie, la Phrygie, l'Hellespont,
la Troade, Tenedos, Abydos, Scepsis, Ilion, le mont Ida, Cyzique, Lampsaque,
Sinope, Amisus, Heraclee dans le Pont, la Paphlagonie, Lemnos, Imbros, Thasos,
Cassandrie, la Thessalie, la Macedoine, Larisse, Amphipolis, Thessalonique,
Pella, Aedessa, Beroea, Pharsale, Caryste, l'Eubee du cote de la Beotie,
Chalcis, Delphes, l'Acarnanie, l'Etolie, Apollonie, Brindes, Tarente, Thurium,
Locres, Rhegium, la Lucanie, Naples, Puteoles, la mer Etrusque, la Corse, les
iles BaIeares, le milieu de l'Espagne; 7 pieds au gnomon, 6 a l'ombre. La
plus grande longueur du jour est de 15 heures equinoxiales.
[7]
Le sixieme parallele, ou se trouve la ville de Rome, embrasse les
nations Caspiennes, le Caucase, le nord de l'Armenie, Apollonie sur le
Rhyndacus, Nicomedie, Nicee, Chalcedoine, Byzance, Lysimachie, la
Chersonese, le golfe Melas, Abdere, la Samothrace, Maronee, Aenos, la
Bessique, la Thrace, la Nordique, la Peonie, l'Illyrie, Dyrrachium, Canusium,
l'extremite de l'Apulie, la Campanie, l'Etrurie, Pise, Luna, Lucques, Genes,
la Ligurie, Antipolis, Marseille, Narbonne, Tarragone, le milieu de l'Espagne
Tarragonaise, et de la le travers de la Lusitanie. Au gnomon, 9 pieds; a
l'ombre, 8. Le plus long jour est de 15 heures equinoxiales, plus un neuvieme,
ou, d'apres Nigidius, un cinquieme.
[8]
Le septieme parallele commence a l'autre cote de la mer Caspienne, et
s'etend sur Calatis, le Bosphore, le Borysthene, Tomes, le revers de la
Thrace, les Triballes, le reste de l'Illyrie, la mer Adriatique, Aquilee,
Altinum, la Venetie, Vicence, Padoue, Verone, Cremone, Ravenne, Ancone, le
Picenum, les Marses, les Peligniens, les Sabins, l'Ombrie, Ariminium, Bologne,
Plaisance, Milan, et tout ce qui est a partir de l'Apennin, et, au dela des
Alpes, la Gaule Aquitanique, Vienne, les Pyrenees, la Celtiberie. A un gnomon
de 35 pieds repond une ombre de 36, de telle sorte cependant que dans une
partie de la Venetie l'ombre est egale au gnomon. Le jour le plus long est
de 15 heures equinoxiales et trois cinquiemes.
[9]
Jusqu'a present nous avons expose les observations des anciens. Les
modernes les plus exacts ont rapporte le reste de la terre a trois paralleles
: l'un part du Tanais, traverse le Palus-Meotide, les Sarmates jusqu'au
Borysthene, et embrasse les Daces, une partie de la Germanie, les Gaules, et
les rivages de l'Ocean; il est de seize heures. Le second comprend les
Hyperboreens et l'ile de Bretagne; il est de dix-sept heures. Le dernier est
le parallele Scythique, depuis les monts Riphees jusqu'a Thule, ou, comme
nous l'avons dit (IV, 26, 11), l'annee se partage en un jour et une nuit. Les
memes auteurs ont place, avant notre premier parallele, deux autres
paralleles : le premier passant par l'ile Meroe et Ptolemais, fondee sur
la mer Rouge pour la chasse des elephants, et ayant le jour le plus long de
douze heures et demie; le second passant par Syene d'Egypte, et etant de
treize heures; puis ainsi de suite, de demi-heure en demi-heure, jusqu'au
dernier parallele. Ainsi finit la partie geographique.
FIN
DU LIVRE VI.
livre 5
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